OUI OUI, SI, SI, JA, JA, DA, DA. C’est sous ce nom fantaisiste qu’est paru le dernier et 10ème album studio de Madness en novembre 2012.
La bande à damiers est parvenue à se défaire de l’étiquette Ska avec laquelle elle se sentait à l’étroit, notamment grâce au succès du précédent album en 2009, The Liberty of Norton Folgate.
Dès lors, c’est en légitimes ambassadeurs de la pop britannique que le groupe se voit attribuer la joyeuse responsabilité de faire le show pour deux événements médiatiques majeurs : la célébration du jubilé de diamant de la reine d’Angleterre et la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques à Londres, en 2012.
Alors on se demande dans quel registre sont-ils prêts à nous embarquer cette fois, nos fidèles Madness ?
OUI OUI SI SI JA JA DA DA. La prise de contact est déroutante.
Mais pourquoi nous avoir asséné un tel coup ? Est-ce au pire, un cortège de titres sans unité musicale (ah les confortables habitudes prises avec la pop !) ou au mieux une honnête compilation apparemment sans aucune cohérence ? Apparemment car l’erreur à ne pas commettre est de consommer rapidement la galette en pensant en avoir fait le tour puis de l’expédier illico aux oubliettes.
<<<replay ! car Madness signe le renouveau,
Avec un album qui s’impose comme une fusion des genres. A classifier -si besoin est- comme une pièce musicale en 13 tableaux (les titres). Et cette richesse ne se livre pas d’emblée.
Pas à pas, découvrons ce qui fait de cet album une pépite de fusion des genres.
La diversité musicale : 13 titres, 1 univers musical propre à chacun d'eux.
A ce stade on peut encore se poser la question : simple passage en revue de leurs flirts musicaux ? On sait les 7 membres éduqués à l’école du melting-pot des quartiers de Londres de l’ère 70-80. Les musiques urbaines : le reggae, le ska, la pop, le rock, le punk, mais aussi la soul Tamla Motown. On les sait affectionner les ambiances déjantées et cabarets.
Lorsque l’on s’aperçoit que les univers musicaux qui alternent à chaque titre s’entremêlent également au sein des morceaux eux-mêmes, on commence à comprendre qu’on a affaire à forte partie. Et c’est à partir de là que se dégage une homogénéité. Paradoxalement. Une maîtrise que l’on peut attribuer à la curiosité, à la maturité et à l'authenticité.
La réalisation.
Leurs facéties de joyeux drilles nous ont laissé augurer une soif d’ingénieuses découvertes. Est-ce pour la satisfaire qu’ils ont fait appel à pas moins de 5 producteurs à l’empreinte affirmée ? Clive Langer, le compagnon de la première heure ("One Step Beyond" - le tube des débuts en 1979 et 8 de leurs albums, David Bowie), Stephen Street (The Smiths, Blur, The Cranberries), Owen Morris (Oasis), Liam Watson (White Stripes, album Elephant), Charlie Andrew, jeune producteur et auteur qui a fait ses classes aux mythiques studios Abbey Road (Alt-J, Man Like Me), ainsi que Dave Robinson patron de Stiff Records, label punk-rock, new-wave des fins 70. Le résultat participe de cette diversité musicale et d’une homogénéité du son, profond, puissant et éminemment chaleureux
Les chansons.
Pour comprendre le Madness dernière mouture, il faut porter une égale attention au texte et à la musique. C’est un excellent recueil de chansons. Invariablement habillées de superbes harmonies de cuivres, cordes et voix, de claviers énergiques et de basses soutenues. Nos grands garnements démontrent que ficeler des chansons d’amour n’est pas le privilège des groupes de pop qui ont aujourd’hui les 20 ans sautillants de leurs débuts, à l’aube des années 80.
Leurs compositions racontent des histoires qui parlent d’amour de la vie ("Misery", "So Alive") et de l’autre, d’en être conscient ou pas et la façon que l'on a de manifester et de rendre cet amour ("Kitchen Floor"). Elles mettent en situation des scènes de rencontres, de flirts ("I never Knew your Name"), de conflits ("My Girl2"), de mélancolie ("Circus Freaks"), de tragédie ("Death of a Rude Boy"). Elles parlent de l’apprentissage de la vie, de grandir ("How Can I Tell You"), de contexte social.
Leur art du songwriting a mûri avec eux et ils gardent la même fraîcheur à décrire le quotidien ("Small World"), de façon simple et poétique, avec dérision aussi. Avec une touche de surréalisme ("La Luna", "Leon", "Powder Blue bonus track").
Bon allez, un petit jeu ! je vous laisse deviner à quels titres correspondent les influences et les courants musicaux que l’on retrouve dans les titres de l’album :
Ska et mélange d’ambiance pop sixties et motown - Ballade disco et sax 80’s - Fanfare d’Europe de l’est et mexicaine et reggae - Elvis Costello qui chanterait du reggae, voix aériennes et guitares pop - Jazzy et reggae - Bal forain assorti de choeurs à la Beach Boys… (mais où sont-ils allés pêcher cette idée d’introduire "La 5ème symphonie" de Beethoven !) - Hommage aux Beatles - Poésie rock et pop à la Ian Dury – The Kinks et Elvis Costello - Pink Floyd et Tears For Fear - Dub reggae, gros son et chant scandé - Impeccable ballade à l’univers fantasmagorique, Elvis Costello est de retour - Reggae en fanfare… (mais où sont-ils allés pêcher cette idée d’y intégrer la "Wedding March" de Mendelsshohn !).
Pour ceux qui sont pressés…, c’est dans l’ordre de l’album (voir la track-list ci-dessous) !
Au final, du grand Madness qui transcende la notion de genre. Quand hommage rime avec maturité et renouveau.
OUI OUI SI SI JA JA DA DA. Le band à damiers n’a-t-il pas affirmé dans sa prime jeunesse : "One Step Beyond" (ndlr : littéralement "un pas au-delà")… et ils s’y sont tenus.
Fidèles, on vous dit !
OUI OUI SI SI JA JA DA DA - sortie 12/11/12
La Track-list :
My girl2
Never knew your Name
La luna
How can I tell you
Kitchen floor
Misery!
Leon
Circus freaks
So alive
Small world
Death of rude boy : dub
Powder blue bonus track
Black and blue bonus track
Avis à ceux que cela a donné envie ou qui souhaitent être convaincus en live, Madness est en concert le 11 mars prochain au Trianon à Paris 18 - 19h30.
Et pour le plaisir du glamour et de la dérision, le clip de "My Girl 2"