Fragment est le projet d'un seul homme, Thierry Arnal, musicien lyonnais qui mène tranquillement sa barque et a déjà proposé plusieurs sorties sur divers labels. La musique du projet est assez particulière, à la croisée du Doom, de l'ambient et du métal. Concrètement, on a donc des rythmes très lents avec des ambiances joliment hypnotisantes qui tentent de nous faire le coup de la boucle imparable, dans laquelle on s'enfonce avec plaisir et délectation. De ce point de vue-là, c'est réussi : malgré la lenteur et la longueur des titres, on se laisse assez volontiers happer par l'ambiance de vieux chêne qui se dégage de l'ensemble. Mais c'est également là le problème... Des titres super lents, à la croisée du Doom, du métal et de l'ambient, ça ne vous rappelle rien ? L'empreinte indélébile laissée par d'autres formations, au premier rang desquelles Jesu et Type O Negative, est trop forte pour qu'on ne pas sauter aux yeux et aux oreilles à l'écoute de ce Temporary Enlightment.
C'est assez cruel d'enterrer un album formellement plutôt réussi sous le poids d'une unique référence, d'autant plus que Fragment ne cherche pas non plus à singer purement et simplement les formations précitées. La voix de Thierry Arnal n'a rien de la profondeur de celle de Peter Steele et ne cherche pas à prétendre le contraire, et l'ensemble est bien plus ambient que ne l'était la bande du géant vert. Pourtant, pourtant, pourtant... Comment ne pas penser aux rythmes lancinants et au son si particulier du gang à l'écoute de ces 8 titres ? C'est peine perdue, d'autant plus que quand on oublie Type O, c'est le spectre de Jesu qui revient. Le travail de Thierry Arnal intéressera sans doute les amateurs des deux formations, mais reste trop proche de ses modèles pour convaincre réellement. Mais tâchons d'oublier les références un instant et de nous concentrer sur ce que propose cette galette.
Las, malgré un vrai travail sur le son, le projet peine à convaincre pleinement du fait d'une certaine répétition. Chaque chanson suit peu ou prou le même schéma, les mélodies restent très proches d'une piste à l'autre, de sorte que si l'écoute reste agréable, l'auditeur finit fatalement par décrocher en cours de route. En l'état, il y a fort à parier que Fragment ne satisfera que les gros amateurs de doom ambient, au risque de perdre les autres, pas assez emballés pour poursuivre un parcours fort agréable mais qui reste trop linéaire pour convaincre. Mais était-ce le propos du projet ? Thierry Arnal ne cherchait-il pas avant tout à produire une musique qui puisse le satisfaire pleinement ? L'homme n'a pas du tout à rougir de son album. Problème cornélien face à un tel projet : le disque est de qualité, c'est indéniable. Mais il est aussi imparfait qu'intéressant, et malgré ses particularités, souffrira de la comparaison avec ses principales influences, qui ont établi des critères de qualité trop élevés pour ce Temporary Enlightment.
Note : 6,5/10