Cela fait maintenant 6 ans que nous suivons les Malgaches de The Dizzy Brains avec la plus grande assiduité. 6 ans, 3 albums et pas mal de concerts vus et partagés avec eux. En 6 ans, le groupe mené par Eddy au chant, s'est assagi et ne perçoit plus le monde de la même façon. Ce ne sont plus de jeunes dizzy j'm'en-foutistes mais des dizzy matures et plein d'assurance. Bien que leur musique soit toujours déjantée, les textes, eux, en revanche, ont bien évolué, prenant de la hauteur dans la réflexion. On découvre avec Dahalo, des Dizzy conscients et ayant assimilé leurs influences au point de se délester de l'anglais pour chanter en malgache, et parler de leur pays natal.
La vie n'est pas très simple à Madagascar. Avec Dahalo, qui sont des bandits du Sud de l'île, les Dizzy Brains dressent un constat en musique de ce qui dépassent largement ce qui ne va pas. A commencer par ces dahalos semant la terreur, volant, violant, tuant et brûlant des villages. Pendant ce temps à la capitale, Andry Rajoelina, le président, ferme les yeux, à l'aise dans le luxe de la corruption qui met à mal son pays, usé par la famine, le "Kere", depuis de trop longues décennies. Dans l'album, on l'appellera le roi, le "Andriamanjaka", qui agit avec ces "Andevom-Bazaga", ces esclaves de l'étrangers ruinant le pays. A l'opposé, on a le "Maika", un Malgache qui aimerait que son pays change, sans possibilité d'agir en dictature. Malgré tout, selon The Dizzy Brains, la croyance en des jours meilleurs, évacués de l'exploitation et de la misère, est toujours vivace, c'est ici un "Nofy Hoy Aho", un rêve...
Crédit photo : Rijasolo
Ça, c'était pour la première partie de l'album, avec un titre, un seul titre en anglais, "Trouble", évoquant le réchauffement climatique. Egoïstement, on ne fait rien personnellement et les pays pauvres, et en premier lieu, Madagascar, subissent notre inaction de plein fouet. La seconde partie de l'album est plus intime, mais tout aussi dure et sombre. Les Dizzy Brains y chantent à tour de rôle un homme qui tombe dans le stupre ("Resa-B"), l'histoire d'une femme ("I Kiah") ayant subi un viol mais ne pouvant en parler malgré l'écoute d'un homme amoureux d'elle. On parle aussi de l'arrivée de Poun (guitare) dans le groupe des frères Eddy et Mahefa (basse), soit l' "Adala Tafaray", le rassemblement des fous. Et finalement, on laisse rouler ("Rimorimo"), pour devenir libre et heureux...
Musicalement, Dahalo reste bien dans la lignée de Tany Razana et Out Of the Cage, du Garage un peu punk, où des cuivres font leur apparition ("Adala Tafaray"). Le son semble comme enregistré en live, où l'assise rythmique d'Alban (batterie) prend son sens. Ces bêtes à concerts vivent leurs albums comme des prestations scéniques rageuses et intenses. On applaudira les performances de Poun, au son des plus heavy ("Trouble", "Nofy Hoy Aho"...), tandis que Eddy mène la danse devant, irradiant de charisme. Et la bande des quatre, de signer leur meilleur album, le plus puissant, autant pour leurs textes engagés que pour leur musique létale. Avec Dahalo, The Dizzy Brains prennent la meilleure direction, celle de la liberté, qu'elle soit de ton, de parole, et aussi de style.
Sortie le 10 décembre 2021 chez X-Ray Production
- Besorongola
- Andevom-Bazaha
- Dahalo
- Andriamanjaka
- Trouble
- Maika
- Nofy Hoy Aho
- Kere
- Resa-B
- Adala Tafaray
- I Kiah
- Rimorimo