Forcément, après la longue attente que nous a fait subir le groupe, et vu la qualité de son nouvel opus (chronique ici), on n'allait pas laisser passer l'occasion de prendre de leurs nouvelles. Rencontre avec Laurent, chanteur et guitariste rythmique de la formation, au cours de laquelle on cause entre autres de Mephisto, de son actualité, ses méthodes de travail, des joies et peines de l'autoproduction... Et bien sûr de Faces in the crowd, une véritable perle qui risque de squatter les platines des malheureux qui poseraient une oreille attentive dessus.
Salut Laurent. Tout d’abord, la dernière fois que j’ai entendu parler de Mephisto ça remonte à 2008 je crois, quand vous aviez remporté le TNT et que j’avais découvert votre excellent premier album. Depuis, peux-tu nous dire un peu ce qu’il s’est passé, au niveau retours sur l’album, concerts etc ? Vous avez été satisfaits de l’accueil réservé à A Call from Nowhere ?
Salut Pierre, c’est vrai que nous nous étions croisés pour la première fois à l’occasion du TNT organisé par LGR. et cela avait été une bonne occasion pour nous de venir jouer sur Paris. Notre premier album, A call from nowhere, a été enregistré avec les moyens du bord, sans distribution, sans tourneur, mais le bouche à oreille a bien fonctionné, les 1000 exemplaires pressés ont été écoulés. Au delà de ça, depuis 2008, nous avons du faire 100-120 dates, surtout dans le sud de la france, donc pour répondre à ta question, oui, nous avons été satisfaits de l’accueil réservé à cet album, pour un groupe autoproduit ce n’est pas si mal. Cet album nous a également permis de partager l’affiche avec des groupes comme MOONSPELL, TRUST, BURNING HEADS, HUSHPUPPIES, LES TAMBOURS DU BRONX...
Ca fait longtemps qu’on entend parler d’un nouvel album, mais ça n’arrive finalement que maintenant, même s’il y a eu la sortie d’un EP en novembre 2011. On en a déjà un peu parlé, mais peux-tu nous redire pourquoi l’attente a été si longue ?
Les joies de l’autoprod' comportent certains écueils incontournables, si tu n’as pas de budget pour produire un album, tu as en revanche du temps pour t’y consacrer, nous avions une idée assez précise de la manière dont nous voulions que cet album sonne. On s’est focalisé sur le choix des lieux pour les prises de son, par exemple les prises batteries ont été effectuées dans un théâtre car il bénéficiait d’une très bonne acoustique. L’attente a été si longue car nous sommes des perfectionnistes, nous ne souhaitions rien laisser au hasard, et surtout proposer un album qui nous plaît, avec plusieurs niveaux d’écoutes et de réécoutes.
Quand vous avez enregistré votre EP « What can I do », le reste de l’album n’était pas encore écrit ? Concrètement, comment s’est déroulé le processus de composition ?
Les personnes qui nous suivent nous demandaient fréquemment quand ils pourraient écouter de nouveaux morceaux et surtout quand on allait se décider à sortir un nouvel album. Nous avons eu l’occasion de nous rendre au sein de l’école Louis Lumières dans la région parisienne pour y effectuer une session studio. Notre ami Morgan Roux, alors élève dans cette école, s’est occupé des prises de son et notre ingé son Bruno Varea s’est chargé du mix et du master. Nous avons décidé de sortir cet EP dans le but de faire patienter les gens. A cette occasion, notre bassiste, Jean Christophe Gonon s’est chargé de réaliser le clip de "What can i do?". A l’époque de cet enregistrement, nous finalisions l’écriture de Faces in the crowd. Je planchais sur l’écriture des textes si mes souvenirs sont bons.
Venons-en à « Faces in the crowd ». Déjà, le titre est assez évocateur. Est-ce une référence à notre époque moderne, et évoque-t il un fil rouge qui unirait (plus ou moins) les thèmes abordés sur l’album ?
Oui, définitivement, cet album est ancré dans l’époque dans laquelle nous vivons, toute cette subjectivité qui nous entoure, c’est plutôt inspirant. Faces in the crowd fait référence au concept de narrateur ominiscient. L’auteur aborde les conflits internes de personnes dans la foule, englobant certains faits de société, mais aussi les difficultés que tout un chacun rencontre dans les relations hommes/femmes, pas mal de mélancolie et paradoxalement un certain optimisme. Tout ce qui fait la richesse du monde dans lequel nous vivons réside dans la diversité, l’ouverture d’esprit.
Au niveau du son et de la production, vous avez fait de très gros progrès. L’album est de nouveau produit par votre complice Bruno Varea, mais le résultat est à un tout autre niveau. Comment vous y êtes-vous pris cette fois-ci ?
Le groupe existe depuis 2002 et produit ses enregistrements depuis les débuts du Home studio. Tu as beau connaître ton matos à la perfection, si c’est du matos cheap, tu as le son qui va avec... Donc pour Faces in the crowd, nous avons cassé notre tirelire pour nous offrir une vieille console de mix analogique dédiée au studio, quelques micros, preamps... Cet achat est allé de pair avec la création de l’upload-studio, dont Bruno Varea est le propriétaire. Ces dernières années il a traversé l’europe avec de nombreux groupes (Dagoba, Rinocerose...), travaillé dans des salles de 50 personnes jusqu’à des festivals de plus de 50 000 personnes, notamment en première partie de Metallica. Forcément, ça forge ton expérience, nous sommes très chanceux, il a souhaité s’investir dans notre projet, comme il y a 15 ans quand on était des gosses, c’est une question de confiance et de profonde amitié.
Les compositions sont bien plus matures, tout comme les arrangements, et les instruments se complètent mieux, je pense notamment aux parties de clavier de Dominique que je trouve mieux intégrées à l’ensemble. Qu’en penses-tu ?
Nous ne voulions pas refaire un deuxième A call from nowhere, quand nous avons composé Faces in the crowd nous souhaitions aller à l’essentiel, ne plus s'embarrasser de détails, nous concentrer sur la qualité des arrangements, y introduire des harmonies vocales, essayer de produire la musique qu’on avait envie d’écouter. En ce qui concerne les claviers, nous avons suggéré à Dominique qu’il serait utile de ne plus se restreindre à un rôle de pianiste, pour cette raison sont venus se greffer un authentique Fender Rhodes ainsi que des sons de Hammond. Pour terminer sur la question, Lucas (guitare lead) a intégré le groupe en 2009 après le départ de Jérôme qui voulait se consacrer à d’autres projets et qui ne voulait pas freiner le travail qu’on avait déjà engagé. Il était nécessaire pour Lucas de trouver sa place, d’y inclure sa vision de la musique, c’est un excellent musicien et quelqu’un qui a du coeur, donc les choses sont allées vite.
Avec cet album, vous affirmez votre identité. On sent qu’il y a une « touch » Mephisto, difficile à définir mais très présente, entre rock, métal et alternatif et une touche de romantisme. Peux-tu revenir sur vos principales influences et sur les éléments sur lesquels vous avez souhaité vous concentrer cette fois-ci ?
La musique que nous proposons est une interprétation du son rock ou métal des années 90 et 2000, influencée par la musique des années 70 et par la richesse des sons et des harmonies vocales qui ont marqué cette époque. Si on doit absolument parler de groupes : Led Zeppelin, Deep Purple, The Beatles,The Who, King Crimson... jusqu’à Soundgarden, Faith no more, Tool, Foo Fighters, Pearl Jam, Porcupine tree, Alice in chains, Metallica, plus recemment Them crooked vultures et encore cette short list est terriblement réductrice ! La seule règle qu’on s’est toujours fixé est simple, composer la musique qu’on a envie d’entendre, sans jamais en déroger.
L’album est assez court, le côté positif c’est qu’on n’a pas le temps de s’ennuyer et qu’on se le remet très volontiers. Mais pourquoi n’avez-vous pas souhaité intégrer les titres du EP What can I do ? Je trouve que « never gonna let you » aurait parfaitement pu s’intégrer par exemple.
L’EP What can i do?, comme je l’ai dit plus haut, a été enregistré à Paris, dans certaines conditions, il correspond à une certaine époque et d’ailleurs il est disponbile en cd depuis peu en tirage limité, il n’était pas necessaire de l’inclure à Faces in the crowd. Oui, l’album est court, c’est un choix délibéré, tu le dis toi même dans ta question, il est fait pour être écouté et réécouté, il a été modestement conçu dans cette optique, afin que chacun puisse tenter de discerner un arrangement qu’il n’avait pas entendu à la première écoute, ou une subtilité dans une harmonie vocale... Sans comparaison possible avec le travail exceptionnel que proposent Tool ou Porcupine tree, tu peux écouter leurs disques en voiture, au casque, sur ta platine vinyl, tu trouveras toujours un détail interessant et si tu veux juste en prendre plein la gueule, monte le volume ! Pour terminer, comme nous n’arrêtons jamais de composer, l’idée de sortir un Ep de 5-6 titres inédit en acoustique risque fort de voir le jour courant 2013.
Vous êtes complètement autoproduits, il est bien sûr très difficile de trouver un contrat, encore plus depuis la crise du disque, mais est-ce que cela vient aussi d’une volonté de contrôler votre activité musicale ?
L’autoproduction n’est pas un choix que tu fais mais un choix qui s’impose à toi. Quand tu as fait le deuil des envois de cds aux labels et prods qui n’aboutissent pour ainsi dire presque jamais, tu te prends par la main et tu t’inventes ta propre façon de travailler, avec toutes les décisions radicales que cela comporte. Il va de soi que nous avons le contrôle sur les disques que nous produisons, au détriment parfois de la couverture médiatique et du soutien financier qu’une structure professionnelle pourrait nous apporter... L’idéal serait de trouver un compromis qui nous permettrait de jouer partout en France et d’être visibles en terme de distribution, à bon entendeur donc.
J’ai vu que vous alliez proposer Faces in the crowd en format CD, mais seulement en édition limitée (votre premier album est d’ailleurs épuisé). Pourquoi cela, vous ne croyez plus vraiment au support CD ?
Pour l’instant, seulement 500 exemplaires de Faces in the crowd seront disponibles en vente physique. Pour le reste, on pourra le trouver sur diverses plateformes de téléchargement qui seront bientôt en ligne sur notre site web. Nous aimerions, si les ventes de cds nous le permettent, avoir la possibilité de le ressortir en vinyl, l’avenir nous dira si ce souhait est réalisable.
Vous tournez pas mal autour de votre région, mais on a au final peu eu l’occasion de venir vous voir dans la moitié nord de la France. C’est certainement plus compliqué à mettre en place pour vous, mais quels sont vos projets de tournée ?
Nos projets, présenter notre nouvel album dans le maximum de villes possibles. Intégrer une tournée en tant que première partie est quelque chose d’envisageable également, mais c’est encore trop prématuré pour en parler. Nous essayons de trouver quelques dates avec un groupe de copains de Montpellier, Icysun, qui proposent un Rock aux influences Stoner bien intéressantes.
Pour finir, je suppose que tu y as déjà répondu plein de fois, mais d’où vient le nom du groupe ? Vous ne donnez pourtant pas dans le black métal ?
Le nom du groupe fait référence à un titre de Moonspell qu’on aimait vraiment dans sa discographie. C’est simple à retenir, et si tu m’en parles, c’est que le nom Mephisto a suscité ta curiosité, objectif atteint.
Enfin, je te demande un peu de répondre pour les autres, pour un petit portrait chinois de Mephisto. Si mephisto était une couleur, ce serait le ?
On a la chance de vivre au bord de la mer Méditerranée, et quand le soleil se couche en été au bord de la plage, le ciel se teinte d’un rouge orangé magnifique.
Un animal ?
Le Chevristo, c’est un animal imaginaire que notre webmaster/graphiste Morgan Izquierdo a créé il y a quelques années, d’ailleurs notre batteur Ghyslain Blandinières l’arbore fièrement en tatoo sur l’un de ses mollets.
Un lieu ?
Un camion 9 places, du matos à l’arrière, ce sentiment de partager les bons moments et les galères avec les mêmes personnes depuis plus de 10 ans, et des milliers de kilomètres qui nous attendent encore.
Une chanson ?
Question cruelle... Je dirais "Fine", un morceau de Faces in the crowd, il symbolise bien ce qu’on est, ce qu’on aime et ce qui nous fait vibrer.
Un personnage de dessin animé ?
Le Petit Nicolas, devenir adulte n’implique pas forcément de perdre la part d’enfant qui est en nous, et ce personnage reflète bien certains caractères des enfants que nous avons pu être et que nous sommes... toujours.
Un mot ?
Bien.
Une devise ?
C’est bien bien bien.
Merci à Laurent et à Mephisto.