Amateurs d’objets musicaux non identifiés, arrêtez-vous un instant, voici une découverte qui pourrait retenir votre attention. La formation bretonne a sorti un premier album éponyme résolument rock dans l’esprit, et complètement protéiforme dans sa concrétisation.
Cela fait longtemps que des groupes de rock associent les instruments électriques à des instruments acoustiques plus traditionnels – même si c’est peut-être moins fréquent que dans le metal, où cela représente un sous-genre à part entière. Or, l’utilisation de ces instruments reste souvent traditionnelle, justement. Sir Greggo, formation rennaise fondée en 2019, enrichit l’habituel triptyque guitare / basse / batterie d’une flûte traversière. Loin de l’utiliser pour apporter une connotation traditionnelle ou savante à sa musique, le groupe s’en sert d’une façon rarement entendue jusque-là qui fait son originalité.
L’instrument à vent de Philippe Gourves promène d’un bout à l’autre de Sir Greggo ses sonorités très contemporaines, par moments semblables à un clavier, apportant des touches de jazz, de rock psychédélique, parfois de musique traditionnelle ou presque d’electro. Elle occupe certaines fois le devant de la scène, comme sur « Won’t », elle peut se faire discrète jusqu’à éclater sur un pont (« Build the Wall », « Psychiatric Health ») ou n’intervenir que sur des incises plus ponctuelles ou des gimmicks. Elle semble en tous cas représenter l’esprit du disque dans son ensemble. Il associe des éléments éloignés les uns des autres, mais qu’on a déjà vus ensemble par le passé, et c’est dans la façon de les lier qu’il se démarque réellement.
Le rock psyché et le punk garage s’affrontent et s’unissent en même temps. Dans certains morceaux, tels que « Dream Blow », qui transpire l’urgence, c’est le punk qui semble avoir le dessus, avec des guitares lourdes (Charles Jacq, aussi au chant et à la basse), un chant scandé qui évoque également le rap, des rythmiques rapides menées par la batterie d'Edouard Vavasseur. Une formule que l’on retrouve dans des titres comme « I Wont » ou « Build the Wall » qui portent en eux aussi une sensibilité presque pop, une légèreté, des mélodies accrocheuses et entrainantes.
Une sensibilité pop que l’on peut retrouver sur les lignes de chant sautillantes de « Golden Prison » et qui se confronte sur l’ensemble du disque à des sonorités très rêches. Mais ces morceaux ne se départissent jamais d’une certaine étrangeté, due entre autres à la voix trainante et à la flûte, et aussi au traitement très particulier, parfois presque métallique, qui est fait au son. Sur d’autres titres, la partie psychédélique prédomine, comme sur « Bleeding Lust » ou « Psychotic Health », lequel se pare en plus d’un groove chaloupé, mais le déluge de guitare n’est jamais loin.
Le point d’orgue se trouve probablement sur les deux derniers titres. « Sammara » d’abord lent, hypnotique, qui déroule une voix modifiée artificiellement, métallique presque robotique, et qui étrangement évoquerait presqu’en même temps une guimbarde. Pendant plus de cinq minutes, le titre instaure une atmosphère presque mystique qui a de quoi déstabiliser et captiver. Vient ensuite « Sweet Tired », qui alterne un début assez énervé puis une ambiance un peu nonchalante, avant de partir dans un maelstrom final.
Sir Greggo a trouvé la formule d’une identité sonore unique, ce qui n’est pas si commun à l’heure actuelle. Son album éponyme marque les esprits et les oreilles, et même s’il ne parlera pas à tout le monde, il porte un vrai renouveau du rock français.
Tracklist
1. THX 00:24
2. I Won't 03:29
3. Build The Wall 02:31
4. Psychotic Health 04:08
5. Golden Prison 06:13
6. Bleeding Lust 04:14 vidéo
7. Dream Blow 03:12 vidéo
8. Samsara 05:45
9. Sweet Tired 04:38
Album sorti le 2 février chez Swish Swash Records