Par notre correspondant spécial, Jey Martz
On ne va pas se le cacher, il régnait comme un air de douce nostalgie ce soir-là dans la salle bondée de la Maroquinerie pour le concert tant attendu d’Astonvilla, plusieurs fois reporté et enfin programmé ce jour. Dans la fosse, un public que les moins de 40 ans peuvent ne pas connaître, bien que l’on puisse apercevoir quelques visages de la génération d’après, signe de connaisseurs, mélomanes avertis et cultivés. Car disons le pour les plus jeunes et les curieux, Astonvilla représente l’élégance du rock français depuis plus de 25 ans : splendeur des textes ciselés, douceur des mélodies, énergie des riffs et une voix - quelle voix! - grave, délicate et percutante, fragile et déterminée.
C’est sur ces bases que le groupe déboule sur scène avec devinez quoi: “Invincible”! Astonvilla annonce la couleur, le groupe - certes plusieurs fois remanié - est prêt à tout renverser. Le public est visiblement heureux d’assister à ce qui promet d’être un concert d’anthologie. Lunettes noires de circonstances, Fred embarque sans délai son audience. Comme souvent les textes bien écrits sont intemporels et il arrive qu’ils fassent étonnement écho à l’actualité: “j’exige des jours meilleurs immédiatement” et tout le monde reprend le refrain à l’unisson “Fini les morsures, fini les p't’être que demain, j’ai l’espace-temps à l’instant même” et de conclure avec “finir, finir avec toi”. Il n’en fallait pas plus pour emporter l’adhésion.
Le groupe enchaîne avec "Voiture Française" et continue d’embarquer tout le monde avec les “na na na na” fédérateurs. Puis vient le cultissime “Si les anges” qui ancre solidement ce concert dans la catégorie poids lourd. Enchaînement avec “Le chien” et un public-copain qui scande des aboiements en rythme alors que Fred saute dans tous les sens sur scène. On est bien. Visiblement heureux d’être là, il lâchera, ému : “comme c’est bon… ça fait 25 ans… on n'a pas changé” en parlant de tout le monde qui, à en croire les cris, est d’accord !
Changement d’ambiance avec “Le baiser”. La voix posée, parlée et grave, là aussi, étrange rappel à l’actualité “La fin du monde peut commencer, faisons durer notre dernier baiser”. Un couple devant moi s’embrasse langoureusement. C’est beau, presque une performance. C’est étrange cette impression de revenir plusieurs années en arrière, d’être rattrapé par une époque qui met en perspective 2 ans de Covid et une guerre qui frappe à nos portes. A cet instant on avait envie de rester là pour longtemps, dans ce bunker musical, shooté aux envolées mélodiques d’un groupe généreux. Vivre le moment présent, sentir la bienveillance du public, c’est ce qu’ils doivent ressentir à cet instant alors que s'enchaînent “Les codes” avec son riff puissant et incisif, “Croiser le fer” et “Wash my soul”. Les musiciens donnent tout, on les sent vivre leur musique comme si c’était le dernier jour et c’est beau dans tous les sens.
Retour au calme et changement de registre avec “Je cultive” qui nous emmène dans de magnifiques méandres à la Bashung. La fragilité de ce moment suspendu, la beauté du texte et de sa diction sont d’une classe folle et nous reconnectent avec le maître. Puis viennent “L’âge d’or” et “Manhattan” coécrit avec Jean Fauque, on ne va pas bouder son plaisir. “Tant de choses” et “Badminton” concluent presque le set avant que ne retentisse une petite surprise avec la reprise d’un Queen Of The Stone Age des familles sur “In my head”. Parfaite transition guitaristique avec “Roule vite” dont les couplets nous rappellent là aussi que la filiation avec Alain Bashung est une évidence.
“De jour comme de nuit” termine un concert trop court, car personne n’a envie de partir d’ici. C’est dans ces moments-là qu’on remercie la personne qui a inventé les rappels (Jean-Michel Rappel pour ceux qui se demandaient). Revoilà donc Fred et ses compères qui n’en demandaient pas moins, reprendre sur les chapeaux de roues “Have love, Will travel” de The Sonics. S’en suivent “Tête de lune” et “Cortex” avant de terminer bien évidemment avec “Raisonne”, morceau cultissime qu’on ne présente plus, finissant sous un tonnerre d’applaudissements et de cris de joie.
Et là, toi lecteur qui a eu le courage de lire cette chronique jusqu’au bout, sache que l’on n’était pas encore au bout de nos surprises ! On ne se quitte pas sur un tube, non, on se quitte sur une annonce qui a fait trembler La Maroquinerie toute entière puisque Astonvilla lâche qu’ils sont déjà en studio pour composer et enregistrer un nouvel album. Ça c’est du final messieurs dames, façon grande classe. Et Fred de finir en sabrant le champagne et en arrosant le public. Rock n' roll & bandes de potes.
Crédit photos : Laurent Besson, Caribou photo
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