Festival de l’Alligator à la Maroquinerie 17# – Part One 30/01

Cette première soirée du Festival de l’Alligator 17e édition du nom était également une première à Paname pour la formation familiale de gospel-soul les Staples Jr Singers. Précédés par l’impeccable Cory Seznec, ils ont transformé la Maroq en temple de la musique noire américaine des origines.

Cory Seznec

Béa, une des aficionados du premier rang, nous glisse à l’oreille. “Cory Seznec, tu sais qu’il bosse à la Cité de la Musique ?” Bah non, on ne savait point, mais en cherchant son pedigree sur le net, on a découvert que le franco-américain, reconnu comme étant un passeur entre musiques américaines et africaines, était naturellement passionné par l’ethno-musicologie. CQFD donc. Et cette diversité d’influences s’entend dès les premières notes. Son jeu à base de “finger-picking” - merci à notre spécialiste ès-guitare - est indubitablement teinté de folk, de country. Sa voix ensoleillée, haute et claire, tranche elle avec les habituelles basses caverneuses. Barbe de trois jours, bonnet vissé sur le crâne et le sourire facile, Cory Seznec est l’antithèse du bluesmen râpeux et bourru. À ses côtés, Daniel Mizarhi un autre as de la six-cordes joue les side-kick de luxe. “Et oui, on est en duo ce soir, nous informe Cory Seznec. Et un lundi, dur dur…”

Crédit photos : David Poulain / David Poulain

Toute reproduction interdite sans autorisation du photographe

Le ton est donné ; plutôt léger donc. Même si le fond “pathos bluesy” demeure, reprises de standard blues obligent, Cory Seznec va agrémenter le set de commentaires ironiques. À propos de “Run, rabbit, run”, il nous dira qu’il s’agit d’une “comptine pour enfants qui a tourné un peu mal” et pour le sans équivoque “Hang me”, “ce n’est pas la pendaison qui nous dérange, c’est de poireauter en prison”… Jubilatoire n’est-ce pas ? À l’instar de “East Virginia blues” qui prend des airs de bluegrass champêtre quand il se met au banjo. “Vous voulez un truc en français ?” nous demande-t-il. Et de nous balancer “Poisson”, un titre sur lequel la mandoline de Daniel Mizarhi fait merveille. Une adaptation surprenante d’un poème du XVIIe siècle, l’histoire d’un marin qui compare la condition humaine à la vie d’un poisson… Vous avez dit décalé ? La conclusion avec “Wood” et ses “somebody call timber” le confirme ; Cory Seznec fait définitivement rimer bleu et joyeux. 

Staples Jr Singers

Trois fauteuils bien rembourrés installés sur le devant de scène lors du changement de plateau… Pour la seconde partie de cette première soirée du Gator 2023, nous étions prévenus ; nous allions donc assister à quelque chose de pas banal, voire d’unique. Et Dieu m’en est témoin*, il ne s’agissait pas de promesses en l’air sur fond de com ! La blonde, et visiblement émue, représentante du label Luaka Bop précède les Staples Jr Singers pour une introduction bienvenue des faits et gestes de cette formation familiale vieille de plus de presque un demi-siècle. On apprend que leur seul et unique album - réédité par le label l’an passé - date de 1975, que leur nom a été choisi pour rendre hommage aux Staples Singers leurs idoles et que malgré leur grand âge, ils continuent à se produire très régulièrement. A.R.C Brown, auquel on emmènera sa guitare, est le premier à venir s’installer. Annie Brown Caldwell, impériale dans sa robe noire s’assied sur le siège central et Edward Brown, casquette, pull sans manche jacquard et collier à croix apparente s’empare de la gauche de la scène. Derrière lui, Willie Joe Caldwell - le mari d’Annie - bien calé lui aussi avec sa guitare et ses deux rejetons Abel et Willie Caldwell Jr, respectivement aux drums et à la basse. Le show pouvait débuter.

Crédit photos : David Poulain / David Poulain

Toute reproduction interdite sans autorisation du photographe

Au début un peu surpris par une configuration scénique plus qu’inhabituelle à la Maroq, le public ne met pas très longtemps à vibrer au diapason avec cette extraordinaire famille. Comment ne pas battre immédiatement de la semelle au beat implacable des musiciens ? Comment résister au bagou d’Edward qui se lève rapidement de son fauteuil pour nous haranguer à coup de serviette ? Comment ne pas tomber sous le charme de la voix puissante d’Annie ? Celle-ci met à contribution qui veut dans le public en passant le micro aux premiers rangs. Jeunes et moins jeunes répondent présents, un crooner amateur finira même par se rouler à ses pieds touché par sa grâce ! Du divin, il fut évidemment longuement question - God par ci, God par là et à tout va - mais l’abattage musical, la ferveur communicante de la Staples Jr Singers Family permet aux croyants du Dieu Zik de communier sans vergogne aucune. Bon nombre d’entre nous auront eu la sensation d’entendre, de voir, de toucher presque l’âme de la musique américaine et se rendent bien compte du caractère exceptionnel qu’ils ont partagé ce soir-là.

* Si tant est qu’il témoigne de quelque chose sans la présence de son avocat… 

Merci à Franck Rapido pour ces vidéos.



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