Cette seconde soirée du Gator 2023 fait figure d’une cerise sur un gâteau parfumé au bourbon de Louisiane. Contrairement aux autres formations qui sillonnent les salles de l’hexagone, l’hommage au regretté Dr John de Messieurs Hugh Coltman et Matthis Pascaud aura été réservé aux veinards présents ce 9 janvier à la Maroq.
Bazbaz
Une autre belle surprise - non prévue au programme elle aussi - la première partie assurée par Camille Bazbaz. Qui ça ? Mais si, vous l’avez sur le bout de la langue ! Un chanteur barbu et frisé, à la voix entêtante et ensoleillé, ex-organiste du Cri de la Mouche et titulaire de quelques sept albums, aux couleurs rock, soul, voire reggae… Chapeau noir et gilet assorti, c’est un svelte dandy grisonnant et souriant qui se faufile derrière le clavier orné d’un rutilant Bazbaz en lettres 3D. “J’aime Dr John et Les blancs becs qui font de la soul” déclare-t-il en préambule. Celui qui ne sait que faire de ses dix doigts, de ses deux mains - “à part les poser sur toi” - a l’œil qui frise en permanence et fait claquer en rythme les talons de ses souliers vernis. Dès le second morceau - “Ma vie” - on sent que l’homme a lui aussi un Mojo qui doit beaucoup au groove du bon docteur.
Crédit photos : David Poulain / David Poulain
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Son interprétation “d’Aujourd’hui” - un de ses tubes - déborde d’une sensualité canaille et nonchalante, qu’il agrémente d’un joli solo au clavier. Les femmes, un sujet visiblement épuisable pour Bazbaz puisqu’il nous parle à brule-pourpoint de son ex, partie avec un gomeux travaillant chez Lacoste (un “Crocodile, bronzé même en hiver”). Derrière nous, une fan nous massacre les tympans de ses “Oh yeah” frénétiques lorsqu’il enchaîne avec “Sur le bout de la langue”. Plus mesurés dans notre enthousiasme, nous nous contenterons de siffler avec lui sur “En laisse” le morceau suivant. Visiblement ravi d’avoir ouvert pour Hugh Coltman et Matthis Pascaud, Bazbaz s’éclipse sourire aux lèvres.
Hugh Coltman & Matthis Pascaud
Sans surprise, c’est un morceau de Dr John qui retentit lorsque Hugh Coltman, Matthis Pascaud et son gang entrent sur scène. Et c’est bel et bien son esprit que l’on sent s’élever parmi nous lorsqu’ils se lancent dans un fiévreux “Cha Dooky Doo”. Un premier extrait de “Night trippin”, leur brillant album tribute au chaman Louisianais sorti en 2022. La silhouette longiligne, chemise immaculée et costard sombre à la coupe irréprochable, Hugh Coltman rivalise d’élégance avec Bazbaz. À la nonchalance du frenchie, l’Anglais et Parisien d’adoption - littéralement accroché à ses deux micros - oppose une interprétation habitée autant que survoltée. Lorsqu’il laisse le champ libre à son comparse guitariste pour des soli tout en finesse, il ne peut s’empêcher de taper frénétiquement dans ses mains, courbé comme s’il se livrait à une prière païenne. Surexcitée par le dirty blues de “Same old same old”, une blonde voisine lui balance de retentissants “Giving to us !” et durant tout le set, elle jouera à elle toute seule le rôle des fans en furie. Les crooneurs dessalés ont toujours la côte auprès des dames !
Crédit photos : David Poulain / David Poulain
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Le restant du public est lui aussi bien chaud ; la température monte encore d’un cran sur “Loop Garoo”. Elle baissera le temps d’une balade bluesy “Danse fambeaux”, bercée par les balais - des vrais de vrais - du percussionniste Raphaël Chassin et le saxophone hypnotique de Christophe Panzani. Tanqué à gauche de la scène, derrière Coltman, ce dernier nous gratifiera de superbes envolées sur la majeure partie des morceaux (allant même jusqu’à imiter un clavier grâce à sa pédale d’effets). À droite, la section rythmique - Pierre Elgrishi à la basse et Karl Jannuska à la batterie - fera elle aussi des merveilles. Après un “Back to back” qui dynamite les premiers rang - on se casse la voix à reprendre le refrain - place à la cover de rigueur. “I walk on guilded splinters” du bon Docteur, une superbe interprétation. Pour le rappel, Hugh Coltman fera appel aux amis. Bazbaz bien sûr, ainsi qu’aux chanteuses Nathalie Loriot et Marion Rampal. Un final à la hauteur d’un concert qui avait effectivement plus que sa place dans cette 17e édition du Festival de l’Alligator !
Captations vidéo de Franck Rapido