Chapiteau. Village. Petite jauge. Bénévoles au poil. Bière au Génépi. On ne va quand même pas réécrire l'exacte même introduction tous les ans, qui répète à chaque édition pourquoi on décide de s'y pointer, et pourquoi, qu'on aime les groupes présents ou pas, on reviendra l'année suivante, si ? Regarde plutôt le lien là, y'a déjà tout dedans : le lien là. Tentons une autre approche : Guitare en Scène, here we go again. Sans David Coverdale, mais avec (presque) tout Whitesnake. Tu captes rien, c'est normal, faudra lire le report de demain, c'est une blague sur le long terme. On n'a pas commencé à parler des concerts d'aujourd'hui qu'on tease déjà ceux de demain, si Marvel y arrive depuis 15 ans avec des films médiocres, pourquoi pas La Grosse Radio avec de bons papiers ? Trève de crachats gratuits, surtout que ce soir c'est pas punk, c'est soul & blues.
Joss Stone - Scène Couverte
Un rapide coup d’œil après les premiers titres nous confirme que le public commence à se faire présent. Il ne manque que quelques instants avant que la foule ne soit présente et compacte. Joss Stone prend la parole et annonce la couleur : on fête les vingt ans de carrière de l'artiste, au sein d'une tournée intitulée 20 Years Of Soul. On n'est pas surpris que le groupe attaque ensuite "Super Duper Love (Are You Digging On Me?) Pt.1", reprise de Sugar Billy parue sur son premier album, The Soul Sessions. Communicative, la chanteuse fait beaucoup participer le public. C'est aussi l'occasion du premier solo de guitare de Steve Down, et le cru 2023 commence fort bien. Plutôt que de se mettre systématiquement et exclusivement en avant, Joss laisse volontiers les projecteurs aux autres membres de son groupe dès qu'ils ont une partie à jouer en solo, n'hésitant pas à se tourner vers l'artiste qui se produit, quitte à tourner le dos au public. Le groupe joue à l'unisson, on aime !
On continue l'invitation au voyage avec un nouveau medley, cette fois-ci axé sur les compositions reggae de la chanteuse et dans lequel on retrouve "Wake Up", dont on avait parlé dans la première émission du podcast. Joss Stone reprend ensuite la parole et nous raconte son voyage en Afrique, en particulier au Botswana avec "Rain Song", composition portée sur l'amour et conte prophétique où elle raconte avoir été portée en héroïne après avoir apporté la pluie à l'atterrissage de son avion. Elle continue de nous raconter son histoire et ses émotions avec la présentation de "Music", et on aborde la fin du set avec de nouvelles reprises. C'est sur un medley explosif "Put Your Hands On Me"/"Son Of A Preacher Man"/"Piece Of My Heart" que le set se termine. Quelle énergie !
Royal jusqu'au bout, le groupe débute son rappel avec "I Put A Spell On You", puis un magnifique "Some Kind Of Wonderful" qui voit chacun y aller de son petit solo : batterie, basse en slap, puis sax et envolée de trompette, sans oublier l'orgue... Joss attrape un bouquet de tournesols et en arrose le public, conquis devant ce superbe premier concert de la soirée. Dès la fin, on se dépêche vers la scène Village pour retrouver le groupe de tremplin du jour, Jeanette Berger, qui enchaîne sans temps mort.
Jeanette Berger - Scène Village
Si les compositions semblent moins impressionnantes, c'est aussi par la position bâtarde dont bénéficie le groupe. Après Joss Stone qui nous propose un set varié, s'étalant sur vingt ans (et même plus) de diversité musicale, Jeanette Berger a un répertoire moins dense à déployer, et aurait été bien mieux appréciée en ouverture de journée. Mais lorsque nous sont dévoilées les couleurs d'un album à venir, Do your thing, le ton change, et nous voyons que dans les prochaines propositions les influences risquent de fortement s'enrichir, faisant de Jeanette Berger non seulement une artiste qui nous surprendra, mais surtout qu'il faut suivre absolument.
Le set aurait été parfait sans un bémol bien triste, et il s'agit bien du comportement de certains festivaliers. Malheureux de devoir consacrer quelques lignes à des imbéciles libidineux, incapables de contrôler leur besoin compulsif de partager leur fantasmes sur le corps de l'artiste, mais on ne le répétera jamais assez : vous n'avez pas votre place ici. Quand le groupe nous emporte vers les étoiles, on sent que votre frustration de ne plus parvenir à lever grand chose ressort. Allez donc chouiner qu' "on ne peut plus rien dire" ailleurs. Vers le set de Joe Bonamassa, peut-être, qui, bien irrespectueux lui aussi, décide de faire fi du quart d'heure de report et de commencer à 22h pétantes. Quand on a une telle réputation de connard, il y avait là une carte "modestie" à jouer, dommage. Heureusement que son concert sera lui aussi excellent, mais pour l'heure, nous observons les déserteurs fuir vers la lueur à six cordes, et nous restons pour acclamer Jeanette Berger.
Impériale, l'artiste ne se démène pas et, malgré le gros son de Bonamassa qui couvre largement le sien, choisit de nous offrir une dernière mélopée, cette fois-ci plus calme, destinée aux rêves. Peu nombreux mais envoûtés, nous savourons les mélodies, la virtuosité du groupe toujours intacte, qui ne joue que pour nous et surtout avec nous. Notre dernière frustration sera celle de ne pouvoir profiter d'un moment de silence, pour lentement redescendre avant d'entamer le prochain concert, qui lui aussi jouit de son intensité propre.
Joe Bonamassa - Scène Couverte
Après deux compositions originales, le groupe entame la première des reprises blues de la soirée, avec le dantesque "I Want To Shout About It" de Coco Montoya. Ultra dansant, le standard du blues est aussi l'occasion du premier solo de guitare que Joe laisse à ses musiciens, avant de reprendre le lead. Ça joue longtemps, on assiste à beaucoup de jams, et si le titre ne semble pas très éloigné de son modèle original en dehors des soli, on passe un très très bon moment. Les choristes sont aussi pour beaucoup dans l'énergie dégagée, avec leurs multiples incitations au public à "shout about it". Joe enchaîne avec une seconde reprise un peu moins dansante, "Double Trouble" d'Otis Rush, avant de prendre le temps de remercier Joss Stone, le festival qui l'avait déjà accueilli il y a 13 ans, et chacun des membres qui l'accompagne.
Clairement, Joe sait s'entourer, avec notamment Anton Fig à la batterie, Michael Rhodes à la basse et surtout Reese Wynans aux claviers, lui qui a joué avec Stevie Ray Vaughan jusqu'à sa mort. Avec un tel backing band, il y a clairement matière à faire. Mais le meilleur musicien qui accompagne Joe ce soir, c'est évidemment Eric Gales. Contrairement au ring de boxe du clip d'"I Want My Crown", la bataille à coup de riffs et de soli entre les deux bluesmen s'effectue sur l'envoûtant "Breaking Up Somebody's Home". Eric et Joe échangent pas mal de sourires, enchaînent les départs en solo et partagent un très bon moment sur scène, pour peut-être le sommet de cette première journée. On a du mal à déterminer un vainqueur entre les deux à la fin, même si Eric arbore toujours son médaillon.
A l'instar de la fin de set de Joss Stone, celle de Joe Bonamassa retourne vers les reprises, avec un medley ZZ Top/Led Zeppelin ("Just Got Paid"/"Dazed And Confused") endiablé. Cela fait probablement longtemps que le riff de Billy Gibbons a pu sonner aussi énergique et le public a pris un super coup de boost. Quelle extase ! Le rappel arrive sur le long "Mountain Time". Ses nombreux solos sont une dernière occasion de reconnaître le niveau de maîtrise de la guitare qu'a Joe. On reste subjugué par la subtilité de son jeu, notamment sa technique de manipulation du potentiomètre à l'auriculaire, lui permettant d'obtenir un rendu unique, très aérien. Un régal, mais il est bientôt temps de quitter la Scène Couverte pour aller retrouver le blues tout à fait différent qu'Eric Gales s'apprête à interpréter.
Eric Gales - Scène Village
Une démonstration qui ignore, et peut-être à défaut, le répertoire du guitariste. Si nous entr'apercevons des bribes de sa carrière avec quelques titres chantés, et la mention de Crown, dernier album dont il arbore fièrement le pendentif, les morceaux interprétés ce soir seraient presque trop "sages", un comble quand on voit la richesse d'influences qui se dévoile. L'attitude scénique qui retrouve constamment la spontanéité de la rue aurait adoré jouer avec les passages plus hip-hop qu'il a pu déployer au cours de sa carrière. Mais le funk, élément principal dans la fusion de son blues, est quant à lui bien là, dans des boucles hypnotiques qu'il assène pour faire danser l'auditoire, et où chaque break est l'occasion pour le musicien désigné de s'atteler à des mini-solos, qui ponctuent la séquence musicale d'un orgasme à chaque fois. Cette spontanéité, qui relève de conditions particulières mais semble un leitmotiv constant pour Gales, se retrouve lors de ses interventions, comme lorsqu'il aperçoit un jeune homme qui semble mal en point et arrête le morceau pour s'assurer de sa santé. "D'ici je vois tout, je vous regarde. Et je n'ai surtout pas fait 13h de vol pour qu'une seule personne passe un mauvais moment avec moi, ou fasse un malaise. Donc vous vous assurez qu'il va bien avant qu'on ne reprenne !". Le jeune homme va bien, le confirme, Queen Lady G derrière les percussions donne la cadence, et c'est reparti de plus belle.
Comme le glas que l'on appréhende un peu trop et qui sonne le retour au dortoir, 1h20 semble un temps bien trop court, qui s'effile à vitesse folle en compagnie d'Eric Gales. On ne peut que finir la journée sur la meilleure des notes avec des musiciens si impliqués, et avec un maître de cérémonie qui nous aura regardés comme un parent bienveillant alors que c'est bien lui, l'enfant sur scène. Il nous a promis de revenir vite, et on guettera l'info de près.
Photos : Luc Naville/Alexandre Coesnon
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Textes : Intro + Jeanette Berger + Eric Gales : Thierry de Pinsun
Joss Stone + Joe Bonamassa : Félix Darricau