Alors que le 24ème effort studio des Rolling Stones pointe le bout de son nez, il est assez hallucinant de voir que pléthore de grands quotidiens ont déjà noirci quelques lignes à l’attention de ce dénommé Hackney Diamonds. Certains même dissertent sur l’art et l’éthique d’une chronique d’un nouvel album des Rolling Stones. Toujours entre respect, non-dits, intouchabilité présumée… Ici, du côté de la Grosse Radio, on va tout simplement poser le vinyle sur la platine et se laisser guider. Let the music do the talking qu’ils disaient… C’est parti.
Et pourquoi ne pas commencer par ce fameux « Angry » qui déferle sur la bande FM depuis déjà plusieurs semaines ? Le riff est puissant, presque plus Angus Young que Keith Richards… Mais terriblement efficace ! Ce truc vous rentre dans le crâne et ne vous lâche plus. Et ça, c’est un gage de qualité. Alors, ne boudons pas notre plaisir. Pour une mise en bouche, ce moment très rock ‘n’ roll fait très bien le boulot.
Niveau clip, les Glimmer Twins et leurs acolytes ne se mettent pas en scène, ils préfèrent retravailler des images de concerts mythiques revisitant au passage quelques décennies stoniennes. Le tout sous forme de road trip mené tambour battant par la jeune actrice Sydney Sweeney, égérie des séries à succès comme Everything Sucks ! ou The Handmaid’s Tale pour donner un coup de jeune à nos désormais presque octogénaires.
Depuis la semaine dernière, les Rolling Stones ont dévoilé un deuxième titre dans un registre totalement différent. Un morceau bien plus cool que « Angry ». Quelque chose qui rappelle « You Can’t Always Get What You Want ». Et niveau communication, les gars savent y faire. Sur ce titre, le piano solo est assuré par un certain Stevie Wonder alors qu’une puissante voix féminine répond à Sir Mick. Il s’agit de Lady Gaga que l’on a déjà pu apprécier avec le groupe sur la version live de « Gimme Shelter » sortie sur l’album live Grrr. Un très joli titre avec une belle montée en puissance.
Ces deux titres, les fans les font tourner en boucle depuis plusieurs jours. Mais le reste de l’album, est-il à la hauteur ? Continuons notre ballade à travers cet Hackney Diamonds.
Au détour de deux nouvelles compos de 2019, on a le plaisir de retrouver la frappe de feu Charlie Watts. Sur le premier « Mess It Up », on ressent quelques relents de pop et sur le très rock « Live By The Sword », on croise aussi la basse de Bill Wyman. Le line-up de 1975 est donc réuni pour un très bon moment de boogie rock qui sonne déjà comme un classique. Et au passage notons qu’Elton John y glisse quelques note de piano comme sur « Get Close ».
Niveau bon gros rock, on est servi. Surtout lorsqu’on écoute ce brulot limite garage qu’est « Bite My Head Off ». Une ligne de basse puissante et gorgée de fuzz soutient les riffs de Keith. Le bassiste est un certain Paul Mc Cartney, ça vous cause ? La hache de guerre serait-elle enterrée entre les Beatles et les Stones ? Et puis le premier single original des Stones en novembre 63 n’était-il pas signé Lennon - Mc Cartney (« I Wanna Be Your Man ») ?. En tout cas, ce « Bite My Head Off » est excellent.
Les Rolling Stones savent aussi donner dans la pop anglaise sans concession. « Whole Wide World » ou « Driving Me Too Hard” en sont de parfaits exemples. On s’éloigne de l’ADN des Stones mais le travail est fait correctement et les Stones se renouvellent un peu. Mais là, les mêmes qui critiquent en disant que le Stones font toujours du Stones, vont râler en disant que ce n’est pas du Rolling Stones. On vous l’a dit, critiquer les Stones est devenu un sport national. Trouvez-moi une critique ne mentionnant pas que « Start Me Up » (1981) est le dernier bon morceau des Stones ? Pas facile, hein ?
Et puis, quand on cause Stones, on veut des jolies ballades. Et bien ce Hackney Diamonds en fournira aussi son lot. « Depending On You » ou « Dreamy Skies » en ont tous les ingrédients. De belles parties de slide sur la deuxième, merci Ronnie Wood, de chouettes chœurs de Keith Richards pour donner du relief au chant lead de Mick.
Keith, comme à son habitude, prendra le micro pour un titre. Ici, c’est « Tell Me Straight”. C’est syndical chez les Stones, un morceau chanté par Keith. Ce n’est peut-être pas le meilleur mais faut reconnaitre que Keith avec sa voix et ses harmoniques crée à chaque fois une ambiance particulière. Cette vulnérabilité est toujours touchante même si la composition n’est peut-être pas la plus percutante du guitariste.
Et ce « Rolling Stone Blues » en fin d’album ? La phrase qui brule les lèvres de tout le monde est la suivante : est-ce le dernier morceau studio des Rolling Stones ? « God only Knows » comme disaient les Beach Boys mais si c’était le cas, ce serait un juste retour au source, une belle façon de boucler la boucle entamée sur vinyle avec la reprise en 1963 du « Come On » de Chuck Berry. Et puis, ils sont bons les Stones quand ils font du blues. Le dernier album Blue And Lonesome nous l’a rappelé de fort belle manière. Alors oui, des Stones qui font du blues, de la slide et de l’harmonica, on prend ! Y en aura -t- il d’autre ? Qui vivra verra mais en attendant ne boudons pas notre plaisir.
Résultat des courses, Hackney Diamonds ravira les fans des Rolling Stones par nostalgie, par respect, par réel intérêt pour de nouveaux morceaux intéressants, mais il séduira aussi le jeune fan en quête de bon rock. Chacun se forgera sa propre opinion. Quoi qu’il arrive, un album de cette qualité à 80 balais, ça force le respect. Alors régalez-vous…
Et si vous souhaitez vous procurer votre exemplaire vinyle, vous avez le choix. Pas mal d’enseignes de la grande distribution ont eu droit à leur vinyle personnalisé : vinyle de couleurs, picture-disc, pochette alternative... Alors, arnaque, machine à fric ou simplement objet de collection, chacun voit midi à sa porte. Moi j’ai opté pour le picture-disc et le 45 tours de « Angry » . Et vous ?