Voici donc le faux jumeau, deuxième partie d’un faux diptyque qui constitue le nouvel album de Sigur Ros. Après s’être octroyé une pause bien méritée, durant laquelle les islandais en ont quand même profité pour sortir un album live (Inni, 2011), les sessions d’écriture furent très productives et le résultat surprenant. En effet, Valtari (2012) s’est révélé être particulièrement introspectif et onirique. A tel point qu’il divisa les amateurs. L’investissement artistique était indéniable, le fait que le groupe parvienne encore à se renouveler admirable, mais le résultat était tellement ambient qu’il a pu laisser de marbre une partie des aficionados de la formation. Le public n’est pas le seul à avoir réagi à cette évolution, puisque les musiciens ont commencé à composer ce qui allait devenir Kveikur avant même que Valtari n’ait atterri dans les bacs. Ils avaient prévenu, ce 2e album a été écrit en réaction à son prédécesseur et s’avère donc logiquement très différent.
Le groupe présente son nouvel album chez Jimmy Fallon
Ce nouvel album est également marqué par le départ du claviériste Kjartan Sveinsson. Difficile de déterminer s’il y a une relation de cause à effet, mais ce qui frappe de prime abord est l’accent mis sur la section rythmique : jamais la basse/batterie n’aura été aussi présente. De même, les guitares refont leur apparition pour un album qui montre un trio créatif regonflé à bloc et qui n’a plus peur de se diriger vers des mélodies plus accessibles quand ça leur chante. Le résultat est un album dynamique et surtout plein de vie. Autant dire que si vous appréciez Sigur Ros principalement pour son côté mélancolique/tristounet, vous risquez un sacré choc à l’écoute de Kveikur. Pourtant, ce serait passer à côté de ce que le groupe nous propose de meilleur depuis Takk, en 2005. Le naturel des compositions fait incroyablement plaisir à entendre. Comme si pour la première fois depuis leur formation, les musiciens avaient arrêté de toujours chercher des chemins de traverse et laissaient totalement libre cours à leur inspiration.
En résulte des mélodies éclatantes de simplicité et de beauté que Sigur Ros ne se serait sans doute pas permis auparavant. Trop facile, trop prévisible, d’autres groupes le font déjà. Mais pourquoi pas après tout ? Kveikur est l’album qui vient montrer tout ce que la formation islandaise a pu apporter à des artistes issus de courants musicaux radicalement opposés. Pop, électro, métal, les artistes qui évoquent le groupe parmi leurs influences sont légion. A l’écoute de ce nouvel album, qui montre ce dont les musiciens sont capables quand ils vont chasser sur des terres moins exotiques, on comprend d’autant mieux pourquoi. Attention : si Kveikur peut faire figure de nouveau départ après avoir atteint un point de non-retour sur Valtari, il ne s’agit pas pour autant d’un travestissement (les musiciens ne se sont pas mis à la pop non plus !). L’âme de Sigur Ros est indéniablement là, mais la formation islandaise a semble-t il retrouvé son âme d’enfant. Ainsi que la fraîcheur et l'enthousiasme qui vont avec.