Comme Ty Segall s'apprête à donner quelques concerts en France, il nous semblait opportun d'enfin revenir sur son dernier album, paru le 26 janvier. Le Californien, qui passera la fête de la musique avec les Rochelais, avant de s'en aller titiller l'Elysée Montmartre le lendemain, a proposé, avec Three Bells, un album particulièrement créatif, dans la lignée de son Freedom's Goblin de 2018 : chronique express.
Photo : Denee Segall
Quinze ans de carrière pour Ty Segall. En cette décade-et-demi, le Californien a eu le loisir d’explorer de nombreux registres, et force est de le constater, avec Three Bells, on est désormais bien loin des petites pépites garage vindicatives de l’an 2008. Désormais, la musique est plus complexe, moins évidente ; elle peut sembler moins spontanée, mais pas moins intéressante pour autant. La composition est fine, riche d’un parcours discographique aventureux que l’on sent, sous-jacent, derrière chacun des titres.
Des mélodies typiquement segaliennes sont dissoutes dans des structures cabossées, où des atmosphères apparemment antagonistes sont juxtaposées, avec ou sans transition – c’est souvent sans. On sent que des pistes qui avaient été ouvertes à l’occasion de Freedom’s Goblin ont été réactivées, autant dans l’épique d’un titre comme "Void" que dans le groove fracassé de "I Hear", sans que la guitare n’y soit placé sur le même piédestal ; une guitare ne tient pas le lead, plusieurs se le partagent dans une palette de questions-réponses surprenantes, plaçant l’auditeur sur un qui-vive constant.
La recherche sonore à laquelle Ty Segall s’est adonné sur d’autres albums, particulièrement ceux créés en collaboration avec sa compagne Denée (présente sur 5 titres de Three Bells) est ici mise au service d’une narration sonore lunatique et passionnante. On retrouve tout de même l’aridité de ces aspects expérimentaux sur la deuxième partie de l’album ("Move", "Eggman"…), comme un pas de côté pour le compositeur prolifique, qui après s’être hissé sur la grande scène internationale, a toujours semblé se tenir volontairement éloigné de la très-grande-scène.
Les bidouillages crados font un bon répulsif à fame ; Ty Segall garde intacte la liberté multi-directionnelle de sa ligne artistique… On s’abandonne volontiers à cette omnipotence généreuse.
Ty Segall - Three Bells
Paru le 26 janvier 2024 chez Drag City