Tropical Fuck Storm et Model/Actriz en guerre des gangs à Marseille

Première édition de The Echo, nouveau festival organisé par l’association La Responsabilité des Rêves, bien décidée à secouer le microsome marseillais. Pour cette première soirée, les programmateurs ont réussi à attirer le groupe australien Tropical Fuck Storm, sacrée belle prise, rare, fine, pointue, en même temps que prometteuse d’une certaine agitation : il va y avoir de l’action, ce soir, au Makeda.

Model/Actriz

C’est un groupe de Brooklyn qui lance les hostiltiés, Model/Actriz. Pour ceux qui, comme nous, ne connaissaient pas le groupe avant de checker la prog, les présentations seront brèves : après un premier titre tout en tension introduisant le groupe dans un brouillard mystérieux, la fumée se dissipe et les masques tombent dès les premières notes du second morceau. Sec, violent, plus que ce à quoi on s’attendait en écoutant l’album, une atmosphère indus sur un beat dansant emporte le public qu’il le veuille ou non.

Aucun choix possible, aucune prise, aucune échappatoire : le chanteur cherche-merde fuit la scène pour s’introduire de force dans notre sphère intime, vient au contact, plonge son regard loin dans le nôtre, colle son crâne contre chaque front, pose son corps, son âme sur nos cuisses. On ne serait pas étonné de la retrouver cul nu sur notre canap' en rentrant, en train de boire la dernière bière du frigo.

Une chose est sûre, le guitariste n’a pas l’intention de dissiper le malaise ambiant. Son jeu délicat au bon goût de ferraille est franchement étonnant. Le genre de type à qui tu ne demandes pas un petit accord de la majeur 7 – il semble plutôt vouer ses efforts à la reproduction fidèle du son que l’on entendrait si l’on oubliait de rentrer sa tête dans l’habitacle avant de fermer la portière de la voiture. Ça plaît beaucoup à notre photographe qui est justement en train de passer le permis, ça semble assez cohérent. De l’autre côté de la scène, le bassiste préfère émettre des notes tellement basses qu’elle sont inaudibles à l’oreille de l’être humain.

Même s’il nous manquera quelques points d’accroche qui, selon nous, pourraient venir de la voix (elle trouve quand même de sacrés sommets d’angoisse dans ses passages hurlés), on est globalement scotchés par la performance de ce quatuor, tant dans la proposition de textures râpeuses que dans le comportement sur scène, dangereux, anxiogène. Une vraie personnalité de groupe se met au service d’un noise corrosif superbement exécuté, et si un jour y'a bagarre, on préfère être de leur côté.

Tropical Fuck Storm

Tropical Fuck Storm fait partie de ces groupes que l’on peut écouter en boucle pendant des années sans développer ne serait-ce que le plus infime espoir de les voir un jour en live. Entre une géolocalisation australienne, et une démarche artistique d’une telle rigueur qu’elle tient le groupe éloigné des grands circuits, y compris à l’échelle de la scène rock indé, on n’avait même jamais imaginé croiser leur route un jour – et encore moins dans notre bonne ville de Marseille. On se rend compte de tout ça à la petite émotion qui nous secoue lorsque Fiona Kitschin, Gareth Liddiard, Lauren Hammel et Erica Dunn montent sur la scène du Makeda : cela semble irréel.

Cette ambiance coupe-gorge est aussi rendue aussi par les jeux de dialogue entre lead et choeurs : Gareth Liddiard s’époumone, s’investit profondément dans l’interprétation comme s’il était à l’article de la mort, que ce soit par le biais de diatribes hip-hop postillonnées ou de mélodies malades et désespérées, tandis que Fiona Kitschin et Erica Dunn lui répondent avec la force percussive des gangsters effrayants. Ces ensembles de chœurs scandés ont une vraie puissance, une offensivité qui nous ferait courber l'échine et planter nos yeux dans nos chaussures si le désir de tout voir pour ne rien rater n’était pas le plus fort.

Au-dessus, l’ingé son suit parfaitement et n’usurpe pas sa place de cinquième membre, place du delay dans les espaces creux, s’active avec précision pour habiller les voix et créer ainsi une dimension supplémentaire de psychédélisme fiévreux. Au fond de la scène, Lauren Hammel fascine à la batterie, développe un jeu vraiment original, fragmenté, impulsif, brutal et dansant, qui y est pour beaucoup dans le déséquilibre maîtrisé qui règne en permanence dans les sons de Tropical Fuck Storm.

Où que l’on pose son oreille, il y a donc quelque chose à entendre, qui sonne comme si on ne l’avait jamais entendu auparavant. La personnalité unique de Tropical Fuck Storm permet au groupe d’émouvoir d’une façon vraiment inédite. Une émotion qui prend le corps entier et donne envie tantôt de hurler à la lune, tantôt de se rouler piteusement dans la boue. C’est donc mi-loup mi-porc, après avoir entendu la reprise de "Stayin Alive" la plus râpeuse de l’Occident, que l’on regagne notre rue glauque aux rats géants, sans que la nuit ne nous effraie cette fois, puisque ce soir nous sommes intouchables, nous avons rejoint le gang australien le plus respecté de la street.

Crédits photos : Thomas Sanna

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