Le Boss et Barcelona, c’est une grande histoire d’amour ! Le DVD officiel du 16 octobre 2002 où la présence de Barack Obama en 2023 en sont deux preuves tangibles. Le public catalan livre toujours un accueil exceptionnel à chaque prestation du Boss, alors oui, depuis 43 ans que ça dure depuis le 21 avril 1981, 21 concerts plus tard, on peut parler d’histoire d’amour à l’aube du 22ème passage dans la ville…
Et quand Bruce ouvre le set comme déjà l’année dernière le deuxième jour par « My Love Will Not Let You Down », le message a du sens. Un sens profond qui amène ses concerts à devenir de grands moments de partage, de rassemblement autour de valeurs communes. Et ça, aucun autre artiste n’est capable de le faire comme lui.
Maintenant que les bases sont posées, on va regarder d’un peu plus près le concert de ce soir, samedi 22 juin 2024.
Commençons par une revue d’effectif, même si on a entendu durant les balances « If I Should Fall Behind » qu’il affectionne chanter avec Madame, Patti Scialfa n’est pas sur scène. Mais tous les autres sont fidèles au poste, le « consigliere » Little Steven Van Zandt, Nils Lofgren, Max Weinberg, Gary Tallent, Jake Clemons, Roy Bittan, Soozie Tyrell ainsi que tous les choristes et cuivres du E-Street Horns. Nous voilà prêts à passer une bonne soirée.
Pour cette tournée, le Boss veut tout donner, tout partager. Et encore une fois, pas que sa musique. Son dernier album, beaucoup plus introspectif, Letter To You, possède des chansons à message et il est important de s’affranchir de la barrière de la langue. No problem for the Boss ! On traduit les chansons en questions sur l’écran géant. Bien joué ! Le thème du temps qui passe est plus que présent notamment sur les titres calmes comme « Last Man Standing » où Bruce nous raconte ses débuts avec les Castiles dont il est aujourd’hui le seul survivant ou encore avec le fabuleux « l’ll See You in My Dreams » en solo acoustique en fin de show. Exceptionnel ! Musicalement très différent, un titre comme « Ghost » a une patate incroyable et semble taillé pour les stades. Le Boss est un des derniers artistes capables de sortir encore des bons titres sans surfer sur une gloire acquise depuis des décennies. Petite aparté, le dernier album des Rolling Stones, excellent, est l’exception qui confirme la règle. Mais revenons au Boss.
Le gars n’est pas avare de son temps et de son énergie. Ses 74 printemps n’ont en rien entamé sa fougue et son envie de jouer. Encore un show de plus de trois heures, trente morceaux… Juste ça, ça force le respect. Et si en plus on vous rajoute que la qualité d’interprétation, la voix et les orchestrations sont au rendez-vous, on touche tout simplement au sublime. Alors ne boudons pas notre plaisir. Voici les trente titres de la soirée.
Setlist : My Love Will Not Let You Down, Lonesome Day, Ghosts, Darlington County, Working on the Highway, Radio Nowhere (avec Jay Weinberg), Atlantic City, Reason to Believe, The Promised Land, Spirit in the Night, Waitin' on a Sunny Day, The River, Racing in the Street, Nightshift (Commodores cover), Last Man Standing (acoustique, avec Barry Danielian à la trompette), Backstreets, Because the Night (Patti Smith Group cover), She's the One, Wrecking Ball, The Rising, Badlands, Thunder Road. Encore: Born in the U.S.A., Born to Run, Bobby Jean,Dancing in the Dark, Tenth Avenue Freeze-Out, Twist and Shout (The Top Notes cover), Glory Days, I'll See You in My Dreams (solo acoustique).
Mais ce qui est surtout important dans cette setlist, c’est que finalement, on s’en balance ! Tout est tellement bien joué que chacun y trouvera son bonheur. Un soir c’est un titre qui aura un écho particulier à nos yeux, le lendemain, en fonction de notre humeur, ça sera plutôt un autre. Mais pendant ce temps, ça sera l’inverse chez notre voisin. Bruce touche tout le monde. Il a ce côté enchanteur, fédérateur, porteur d’espoir qui fait que chacun y trouvera forcement son compte. On sort transformé d’un concert du Boss. Pour ceux qui commence à y gouter, un sévère gout de reviens-y s’installe très vite. C’est un sentiment indéfinissable. Le gars sur scène a une aura démentielle. Il est capable de déverser des notes et des paroles reçues comme une forme de thérapie salvatrice par la foule. C’est le Boss et le surnom n’est pas usurpé.
Voilà pourquoi, on pouvait trouver dans tout Barcelone des t-shirts de fans arborant fièrement le message suivant à la manière du Boss présentant le groupe avant de commencer à jouer « Tenth Avenue Freeze-Out » : « We are the Ticket Seekin’ Hotel Bookin’ Money Jugglin’ Plane Takin’ Train Ridin’ Queue Formin’ Tramp Meetin’ Feet Throbbin’ Back Breakin’ Burger Eatin’ Rain Endurin’ Music Lovin’ BOSS Followin’ Legendary E Street Fans » !
Ceci étant dit, voici quelques instants particuliers qui ont fait de ce concert un moment exceptionnel pour moi.
Pour le coté intimiste, j’ai été capté par les deux titres suivis extraits de l’album Nebraska. Loin du show en grande pompe, on trouve un Bruce Springsteen, touchant et attachant avec des titres d’un album qui a plus de quatre décennies au compteur et qui n’a à mes yeux pas pris une ride. D’abord un « Atlantic City » poignant puis « Reason To Believe » avec ses parties d’harmonica sublimes. Magnifique !
Autre ambiance avec « Radio Nowhere » ! Voir Mighty Max Weinberg laisser sa place à son fils derrière les futs était un joli symbole. Jay a quelques fois par le passé remplacé Max en tournée avec le Boss. Le thème du temps qui passe, souvent prégnant, lors de cette tournée a été une fois de plus à l’honneur. Puis, Jay a une frappe de mule, comme papa. Pas manchot le gaillard comme on a aussi pu le voir avec Slipknot chez qui il a officié pendant plus de dix avant de rejoindre aujourd’hui Suicidal Tendencies. Il a été impeccable pour dépoussiérer ce titre de 2007 sorti sur l’album Magic.
Et pour finir, « Twist And Shout » où les gars s’amusent comme des petits fous après presque trois heures de show. La version groove beaucoup plus que celle des Beatles, chacun y rajoute sa touche personnelle. On est plus proche de la version originale des Top Notes. L’ambiance m’a rappelé la façon dont le groupe jouait « Ramrod » au début des années 2000. Le Boss et Little Steven prenaient un malin plaisir à faire durer en multipliant les fausses fins… Puis ce soir l’enchainement avec un « Glory Days » de feu en guise de fin de concert a été tout simplement imparable !
Je vous l’accorde, les quelques considérations des paragraphes précédents sont totalement subjectives mais elles ont rendu ce concert mythique pour moi. Ce soir, en discutant avec les fans, chacun se racontait ses moments préférés. Chaque partie du concert a été le moment préféré de quelqu’un. Bruce a touché tout le monde, tout le temps et ça, c’est le signe d’un grand, du seul grand peut-être à rester debout, encore au top niveau sans quasiment jamais l’avoir quitté. Alors c’est qui le Patron ???