Hellfest 2024 – Shaka Ponk, les Français ont-ils leur place au Hellfest ?

Shaka Ponk -  Vendredi 28 juin – Mainstage 2 – 22h00

La venue du groupe de rock français Shaka Ponk, peut-être le groupe qui fait le plus parler lors de cette édition, a évidemment fait beaucoup débattre. Si de nombreux festivaliers le réclamaient, le groupe lui-même cherchait à venir sur le festival depuis plusieurs années. Ce groupe qui s’affiche tant sur les médias généralistes et dans des festivals beaucoup moins “rock/metal” que le Hellfest a-t-il bien sa place ici ? Le concert a donné quelques éléments de réponse.

Le monde présent avant le concert fait se demander pourquoi le groupe n'a pas été placé plus haut sur l’affiche tant il est difficile de circuler. Car oui, le groupe n'est que la sous-tête d’affiche de la Main Stage 2. Peut être un choix politiquement correct de la part de l’organisation, afin d'éviter de placer trop haut un groupe non metal, qui sait ? Dans tous les cas, les Français de Shaka Ponk ne sont pas venus faire de la figuration, et amènent une grosse production. Le décor sur scène est très soigné, semblable à une bibliothèque géante. Frah et Sam, les deux leaders / chanteurs du groupe sont d'ailleurs des designers de profession, ce n'est donc pas une surprise de ce côté là. 

Ambiance HF
Crédit Photo : Sara Jisr / @GroovyMochi 

L’accueil du public est vraiment bon, pas comme lors de la dernière édition avec des sifflets pour certains artistes tels que Machine Gun Kelly. Mais l’Américain l’avait peut-être un peu cherché avec son attitude… Le groupe commence, avec parmi ses premières chansons les célèbres “Twisted Mind” et “Wanna Get Free”. Comme d'habitude, Shaka Ponk fait honneur à son statut de bête de scène. Ce qui surprend agréablement les festivaliers qui n'avaient jamais vu le sextette en live.  Les chansons ne sont pas metal, certes, mais dégagent beaucoup d’énergie, et ne sont pas moins rock que certains autres groupes présents sur le festival. Surtout, on sent les artistes heureux d’être là, Frah peut-être encore plus. Ce qui peut déranger, c’est certainement moins la musique du groupe que son image plutôt mainstream. 

Hellfest, ici ce n’est pas l’enfer mais c’est le paradis”, lance le chanteur, une phrase qu’on aura décidément beaucoup entendue lors de ce festival. Et un peu le slogan de cette édition du Hellfest, qui confirme que le festival a quand même bien changé. “Le meilleur groupe c’est vous Hellfest”. On ne peut contester que Frah sait y faire pour flatter les spectateurs. Shaka Ponk est là avant tout pour faire le show, devant un public de “Puta Madre”, pour reprendre les paroles d'un des titres du groupe. Le sextette enchaine ses chansons alors que se dévoile en arrière-plan le groupe de gospel de la Sankofa Unit. Le groupe n'est d'ailleurs pas seulement un groupe de choristes. Il intègre également des éléments de performance scénique et de danse. 

Le groupe joue alors l'incontournable "Picky”, l'occasion de faire monter un garçon et une fille du public sur scène. Puis il se passe peut-être un des moments les plus épiques du festival, avec le fameux “Circle Pit”, si bien qu’une chanson est dédiée à cet événement qui permet à Frah de se faire porter par le public vers un podium central afin d'y lancer un circle pit géant. Un moment sympa à voir, bien qu’un peu long. Plus généralement, une déception du set est vraiment cette multiplication des prises de paroles, alors qu'en plus d'une heure, on aurait aimé entendre plus de morceaux que de "blabla".

Crédit photo : Sara Jisr / @GroovyMochi 

Le groupe fait de gros sous-entendus durant le concert sur les dirigeants politiques actuels. Il évoque aussi son partenariat fort avec Sea Shepherd, organisation non-gouvernementale dédiée à la protection des océans. Mais alors que débute sa reprise de “Smells Like Teen Spirit” de Nirvana, le combo ne se cache pas et délivre un message politique sans filtre en critiquant ouvertement le Rassemblement National et le gouvernement alors en place. Le tout en utilisant la voix et les écrans (Et un président Macron bien parodié au passage) . Un message d’autant plus fort compte-tenu du contexte politique actuel - le concert se déroule la veille du premier tour des élections législatives. 

Le show se termine alors de manière très rock avec “Sex Bomb” et “Dad Algorithm”. Les artistes sont très émus de ce qu’ils viennent de vivre, Sam au bord des larmes avec le drapeau arc-en-ciel LGBT sur les épaules, Frah toujours content d’être ici. Le public devant la scène, lui, semble avoir apprécié le show. De notre côté on regrettera simplement des passages un peu longuets, et de ne pas avoir entendu certains morceaux qui se seraient bien intégrés au set ("Palabra Mi Amor" ou "Let's Bang" par exemple). 

Crédit photo : Sara Jisr / @GroovyMochi 

En conclusion, le show des Shaka Ponk a donc bien marqué les festivaliers. Déjà par le choix de les programmer, car il est vrai que le groupe n’a jamais été très affilié au genre metal.  L’ouverture du festival à un public beaucoup plus divers joue sûrement beaucoup. Une festivalière nous affirmera même qu’elle n'avait jamais entendu parler du groupe qui jouait en tête d’affiche le lendemain (un petit quatuor de jeunes Américains prometteurs qui commence par un M…). D’un autre côté, le public du festival a également évolué pour s’ouvrir beaucoup plus. Et cela permet également à des néophytes de découvrir des genres qu’ils ne soupçonnaient peut-être même pas. D’un point de vue purement musical, la présence du groupe n’est d’ailleurs pas moins rock que certains autres artistes programmés.  

Surtout, ce concert fera parler par l'engagement très marqué du groupe sur scène. On ne peut que saluer le fait que Shaka Ponk reste fidèle à ses principes, et ne tombe pas dans un discours complètement apolitique sur scène. Ce qui a d'ailleurs été le cas d'un grand groupe français, pourtant soi-disant engagé, lors de ce festival. 

Cela dit, notons que ce même discours politique peut sembler paradoxal. En effet, le groupe français est aussi l'un de ceux avec les plus grosses productions sur le festival. Avec la forte empreinte carbone qui va avec. Ce qui est un peu à contre-courant du discours pro-écologique du groupe. Ce point a d'ailleurs été mentionné publiquement par Lofofora - le groupe français ayant déclaré lors de son set (et de manière maladroite) : “Payer 350 euros pour aller voir Shaka Ponk, ils se disent écolo mais viennent avec huit semi remorques”. Il est aussi permis de se demander si l'arrêt de la carrière de Shaka Ponk (pour des raisons écologiques justement) ne serait pas un moyen d’attirer les foules sur cette tournée, pour ensuite se reformer rapidement. Une hypothèse partagée par de nombreux festivaliers sur place.

Finalement, restons sur une note positive. Shaka Ponk a marqué les esprits, que ce soit par la qualité de la production, l'énergie du spectacle ou l'atmosphère électrique sur scène. Sa prestation a prouvé que le groupe méritait pleinement sa place dans la programmation. Et ce n'est pas la foule très compacte devant la main stage qui dira le contraire.

Setlist 

Intro Festival
Je m'avance
Wanna Get Free
Twisted Mind
J'aime pas les gens
Tout le monde danse
I'm Picky
Circle Pit
Smells Like Teen Spirit
Sex Ball
Dad'Algorhythm

Crédit photos : Sara Jisr / @GroovyMochi 
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