Après plusieurs années d’absence, La Grosse Radio retourne vers le plus grand festival estival catalan : Les Déferlantes ! Après plusieurs changements de lieu, c’est pour la deuxième année consécutive la ville du Barcarès qui accueille pendant quatre jours près de 100 000 festivaliers aux pieds du Lydia, magnifique paquebot de plaisance échoué sur la plage depuis le milieu des années 60.
Du côté de La Grosse Radio, on recherche la programmation rock. C’est notre fond de commerce et force est de constater que les soirées rock dans les festivals, ça n’existe quasiment plus. L’heure est à l’éclectisme depuis quelques années. Maintenant Martin Solveig peut côtoyer Måneskin, Soolking peut ouvrir pour Sum 41… Éclectisme, on vous dit. Le problème, c’est que le fan de Måneskin, pendant Soolking, il ne sait pas quoi faire… à part dépenser son argent virtuel de festivalier dans les diverses buvettes.
Alors oui, dans un festival, il faut que l’ambiance, les à-côtés, le cadre soient cools et attrayants. Le festivalier passe certainement plus de temps dans tous ces espaces que devant les scènes de concerts. Les artistes deviennent presque secondaires dans ce genre de manifestation. Ceci étant dit, intéressons-nous maintenant à quelques beaux moments de rock ‘n’ roll.
Et le premier viendra du régional de l’étape, parrain du festival, Cali. Le gars est un infatigable showman. Aujourd’hui, il revisite son premier album, sorti il y a plus de 20 ans. Cali tout d’abord, c’est un groupe de « vrais » musiciens. Da la musique faite par des gens et des instruments. Pas de place pour l’électronique là-dedans. Et ça, ça fait du bien aux fans de rock. Des morceaux classiques du natif de Vernet Les Bains sont fortement dynamisés par le groupe et Bruno fait parler ses talents de frontman. Les festivaliers arrivant en début de set auront le plaisir et la surprise de croiser Cali devant eux dans la fosse malheureusement trop peu garnie en ce début de festival. Cali n’hésite pas à montrer sa culture rock en émaillant son concert de petits extraits de classiques rock comme « Sunday Blooday Sunday », « Walk On The Wild Side » ou encore « People Have The Power ». Un vrai bon moment ! Cali revendiquera quelques minutes plus tard en interview ce côté rock assumé pour notre plus grand plaisir.
Ensuite, pour le rocker, les choses vont se compliquer. Mais faut reconnaitre qu’on se laisse prendre par l’ambiance et la beauté du site. On boit un coup, on jette un œil à L’Impératrice qui livrera un joli set pop mais un peu trop aseptisé pour être catalogué rock ‘n’ roll. Ce soir les fans de la musique du diable attendent le combo italien Måneskin.
Alors rock stars ou usurpateurs ? Le parcours des quatre Måneskin est atypique. Se faire connaitre par les émissions de télé réalité ou pire l’Eurovision n’est jamais un gage de qualité chez les puristes de la cause rock ‘n’ roll. Mais, force est de constater que la mayonnaise prend chez les Italiens. Les succès s’enchainent. Les hits sont nombreux. On s’aperçoit qu’on connait beaucoup de chansons du groupe entendues en radio sans vraiment savoir que c’est Måneskin. Seule solution pour pouvoir juger, le live ! Alors voyons ce que les Italiens vont nous proposer ce soir…
Ne faisons pas durer le suspense, on a passé un très bon moment de rock ‘n’ roll. Pourtant, pas facile de s’imposer dans un festival surtout avec une programmation si différente. Damiano et ses potes s’en balancent de tout ça. Eux, ils viennent jouer. Et dès que le quatuor investit la scène, Le Barcarès s’embrase ! Oublié l’ambiance cosy de Christophe Maé ! Le groupe envoie fort ! Tout le monde bouge sur scène. Visuellement, c’est un ballet rock ‘n’ roll. C’est ce côté visuel qui a été reproché souvent au groupe par les puristes rock mais les italiens s’en affranchissent totalement. Ils jouent… pour notre plus grand plaisir. Et niveau fringues, on les a connus beaucoup plus extravagants…
Le gang enchaîne les hits. C’est fou le nombre de titre de Måneskin qu’on a déjà entendu en radio. Cela est assez rare pour être signalé. « Honey (Are You Coming ?) » obtient tous les suffrages d’un public désormais déchainé. Une petite mention spéciale pour la reprise du standard sixties des Four Seasons « Beggin’ » repris en chœur par la foule.
« I Wanna Be Your Slave » fait toujours son petit effet. « In Nome Del Padre » rajoute une autre dimension. Les quatre sont en parfaite interaction. La section rythmique est impeccable et il faut souligner l’énorme travail de Victoria à la basse, elle qui ne peut pas compter sur l’appui constant d’un guitariste rythmique. Chacun a de la place pour s’exprimer. « Kool Kids » voit les italiens faire monter sur scène les jeunes du public les mieux « lookés » pour un final explosif façon Iggy Pop sur « The Passenger ».
On ne va pas se quitter comme ça… Un petit solo de guitare en guise d’ouverture du rappel puis le classique « The Loneliest » qui revêt déjà des allures de classique. On finira avec la reprise de « I Wanna Be Your Slave » qui finira de mettre tout le monde d’accord. Bien joué Måneskin !
On laissera l’adrénaline redescendre en profitant du paysage, de la grande roue illuminée, du bateau sur le sable. C’est ça l’ambiance des festivals !!! On se retrouve samedi pour la suite...
Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Après ce premier jour très réussi, on y retourne pour la clôture du festival. Objectif rock de la soirée : Placebo !
Kyo et Saez, fers de lance du rock français des années 2000, malgré des prestations de qualité, on du mal à tirer leur épingle du jeu devant un public plus intéressé par les stands de boissons alcoolisées à l’heure de l’apéritif. Le fils Marley accompagnera parfaitement les festivaliers lors de leur session apéritive et pour le fan de rock, voici venir Yungblud.
Le jeune britannique adoubé par Ozzy Osbourne qui lui fait une très bonne presse va mettre le feu. Il va capter le public par son énergie de dingue et un show où il ne lésine pas sur la pyrotechnie ! Dominic Harrison pour l’état civil paye de sa personne. Il invective le public (oreilles sensibles s’abstenir, c’est parfois une pluie de « motherfuckers »), saute partout… Bien joué garçon ! Une très belle découverte !
L’intermède Martin Solveig permet au fan de Placebo de choisir la place idéale pour apprécier la prestation de son groupe.
C’est maintenant au tour des stars de la soirée de se présenter sur la grande scène des Déferlantes ! Avertissement de rigueur comme à l’accoutumée. On nous demande de ranger les téléphones portables et de profiter du moment…
Et Brian Molko et son pote Stefan Oldsdal sont prêts ! Le duo est bien entouré sur scène. Batterie, claviers, chœurs, violons sont là pour soutenir les deux trublions qui ont lancé l’aventure Placebo il y a maintenant près de 20 ans.
Ça joue bien, très bien même. Le groupe fait honneur à sa dernière sortie de 2022 Never Let Me Go (avec pas moins de 6 titres de l’album joués dans la soirée). Et même si tout est parfaitement en place, le show tarde un peu à se lancer. Ce sera chose faite avec « Every You Every Me » qui remportera les suffrages du public.
Stefan se démène comme un beau diable oscillant entre ses nombreuses guitares ou basses. La voix de Brian est au rendez-vous même si on l’a connu beaucoup plus remuant sur scène. Le show se déroule à une vitesse de croisière jusqu’aux deux derniers morceaux du set qui imposeront définitivement le gang dans la cour des grands.
Le classique « Bitter Ends » est peut-être le titre le plus connus des fans français. Et ce soir encore, il va fonctionner à merveille avec le public des Déferlantes. Il sera enchainé avec « Nancy Boy » où Yungblud viendra leur prêter main forte toujours avec la même verve. Le jeune Dominic pousse Brian et Stefan dans leurs derniers retranchements. Le gang retrouve alors sa folie presque punk des débuts pour le plus grand bonheur des festivaliers. Un moment magnifique.
Le groupe viendra ensuite asséner le coup de grâce avec un mini rappel au cours duquel la reprise de Kate Bush « Running Up That Hill (A Deal With God) » finira de ravir le public. Mission accomplie pour Placebo.
Il est temps maintenant de regagner nos pénates. Les plus téméraires attendront l’électro matinée de rock (mais surtout électro…) de Prodigy. Pas assez rock pour moi, je passe mon tour pour profiter encore quelques instants de l’ambiance et du cadre magnifique de ce festival. En attendant d’y retourner l’année prochaine, lançons une playlist Måneskin sur le chemin du retour, en l'honneur, selon moi, du meilleur groupe de ce cru 2024.
Textes : Nathalie Teixido, François Lorente et Eric Jorda
Photos : Eric Jorda