Mine de rien, ça fait pas loin de 10 ans que La Poison, le projet électro punk « retro-futuriste » de Moon (chant) / Lars Sonik alias David Menard (batterie, claviers, programmation) du Maximum Kouette et du guitariste Fugu Shima alias Daniel Jamet (Mano Negra, Les P@tron$, Flor Del Fango, ...) continue son petit bonhomme de chemin et pas loin de 10 ans que le groupe monte en puissance après un premier album remarqué et des prestations scéniques très visuelles. À quelques heures du concert de La Poison à la Halle de la Machine, on a eu l'occasion de réaliser une petite interview avec Moon et Lars Sonik pour faire le point sur le dernier album... et bien plus encore !
Décadanse Générale est sorti le 26 janvier 2024, soit 5 ans après le premier album éponyme. Pourquoi tout ce temps ?
Moon : Il y a eu le COVID. Ceci étant, on a eu de la chance car on a pu s’isoler et quitter la ville. On était en pleine tournée, ça nous a tout coupé. Du coup, on s’est enfermé et on a bossé pour préparer le tout nouvel album. Il a mis un peu plus de temps à sortir parce qu’il y a eu des embouteillages pour les sorties de disques, dans la mesure où tout le monde a composé durant le COVID...
Oui, car à la base, l’album était prévu pour le mois d’octobre 2023...
Oui c’est ce qui était prévu, mais il y a eu du retard !
L’album a été composé sur la longueur en 5 ans ? Le clip « Le Monde Va Mal » a été mis en ligne en 2021 et l’album est sorti en janvier 2024, soit 3 ans plus tard...
Lars Sonik : Non, l’album a été composé durant le confinement, tout comme la mise en ligne du clip. En fait, l’album a eu un an de retard par rapport au calendrier prévu initialement pour cause de blessure. On a donc dû attendre avant de travailler en studio.
Moon : En effet, il y a eu du retard. On a composé cet album en deux phases : 8 morceaux ont été écrits pendant le confinement et les autres titres ont été créées un peu plus tard.
Comment voyez-vous Décadanse Générale par rapport à La Poison après 5 ans de recul ? Une continuation ? Une évolution ? Une révolution... ?
En ce qui me concerne, je le trouve plus frontal notamment du fait d’avoir utilisé le français pour les textes. En fait, j’avais déjà essayé de chanter en français sur le premier album mais ça ne sonnait pas trop. C’est pour ça que j’ai chanté en anglais sur La Poison car je trouvais que les sonorités plus pop passaient mieux que le français. Et j’avais pris des cours d’anglais pour faire ça bien... ! (rires)
Qu’est ce qui a donc motivé le choix de la langue de Molière ?
Après la sortie du premier album, pas mal de gens nous ont dit que le disque et l’univers étaient bien mais que ce serait sans doute mieux de chanter en français pour être plus original et pour mettre en avant une identité plus forte. Je me suis donc creusée pour chercher une façon d’écrire différente de d’habitude. J’ai donc plus travaillé avec des mots, des slogans, des ritournelles etc.
Du coup, est ce que le fait de chanter en français permet de faire passer plus de messages ?
En fait, l’histoire de La Poison, on ne l’avait pas complètement au début de notre aventure et du premier album. On a trouvé dans les textes en anglais des choses qui nous ont fait avancer et trouver notre histoire. À partir de là, le français nous a permis de développer des histoires un peu plus poussées sur le thème de l’anticipation, le côté rétro-futuriste, les androïdes, le futur etc. Les textes ne sont pas centrés sur nos propres expériences ou nos égos mais parlent de ce qui arrivera demain à travers une vision du monde...
Comment s’est créé cet univers rétro-futuriste ?
Lars Sonik : En fait, l’univers rétro-futuriste est venu avec les personnages que nous avons créés dès notre idée de départ. Le concept de La Poison c’est 3 personnages (Moon, Lars Sonik et Fugu Shima) qui arrivent du futur, de l’année 2169 pour dire au monde qu’en 2169 c’est l’horreur et que c’est aujourd’hui qu’il faut changer les choses pour éviter un futur très sombre. C’est un thème qu’on retrouve souvent dans la SF, dans la littérature ou dans le cinéma d’anticipation. On n’a rien inventé mais on voulait s’amuser sur ce thème-là.
En créant ces personnages, on était dans la continuité de ce qu’on avait fait avant quand on avait monté le Maxi Monster Music Show, un spectacle musical dans les années 2008 à 2016. C’était une sorte de freak show à la Todd Browning mis en scène sous forme de cabaret/concert avec des personnages qui étaient des vrais freaks. Du coup, quand Moon et moi on a eu l’idée de monter La Poison on s’est dit que ce ne serait pas mal de continuer dans l’esprit de jouer les personnages mais dans le cadre d’une musique plus rock n’roll et électro.
Moon : Ensuite, on a vite trouvé notre identité sonore. On s’est acheté un peu de matos, des claviers et on a beaucoup bidouillé. On cherchait aussi à avoir un son de guitare rétro dans l’esprit des années 1960 ou à la Cramps, le tout mélangé avec des machines.
Comment vous avez intégré l'ex Mano Negra, Daniel, dans La Poison ?
Lars Sonik : On se connaît de longue date et on avait déjà fait des choses ensemble. On s’est dit que ce serait super de refaire quelque chose avec lui. On lui a fait écouter nos maquettes, il a adoré et puis il nous a rejoint dans ce projet avec plaisir. Ça s’est fait tout naturellement...
Est-ce que le public qui vous a suivi sur le premier album, vous a aussi suivi sur Décadanse Générale ?
Moon : Je pense oui... En tout cas on n’a pas eu de retour de personnes qui nous ont dit qu’ils préféraient quand c’était en anglais ! (rires) En fait, c’est plutôt l’inverse : on a des retours comme quoi c’est mieux car les paroles sont comprises...
Lars Sonik : En fait, c’est plus facile à comprendre, notamment en concert où Moon a des parties parlées entre les morceaux, elle peut raconter l’histoire des personnages, de l’année 2169 etc. Ça permet aux gens de rentrer très vite dans l’univers de La Poison sans la barrière de la langue. De même, les messages passent plus facilement. C’est donc plus facile pour donner du sens...
Le chant français aura vocation à être pérenne dans vos productions futures ?
Moon : Oui !
Lars Sonik : Peut-être qu’on va faire le prochain album en japonais puis le prochain en allemand... ! (rires)
Au niveau des concerts aussi ?
Moon : On mélange car on continue à jouer les anciens morceaux en anglais. D’ailleurs, on joue tous les titres du nouvel album et quelques morceaux phares du premier disque comme « La Poison », « Smash You Up », « Reach Out », « Shake It », ... On a eu du mal à se séparer de certains titres !
Lars Sonik : C’est exact. On aurait bien aimé jouer l’intégralité des deux albums mais ça ferait trop long, notamment dans le cadre des festivals.
Il y a un spectre très large dans cet album avec du rock électro tout en passant par des mélodies pop mais avec beaucoup de cohésion. Comment tout ça se combine ?
Moon : Je pense que c’est le son. On n’a pas envie de faire des morceaux qui ressemblent trop les uns avec les autres mais en même temps il faut qu’il y ait notre identité...
Lars Sonik : En fait, même si les chansons ne se ressemblent pas, il y a toujours un dénominateur commun qui peut être un son de synthé ou un son de basse qui va créer un lien entre deux morceaux. Il y a une identité sonore assez commune mais chaque composition a son petit truc qui le rend singulier...
Moon : On peut retrouver ça dans les chœurs ou dans l’utilisation de voix robotiques, par exemple...
Lars Sonik : En tout cas, quand on travaille sur des compositions on ne se donne pas forcément de limite. C’est pour ça qu’il peut y avoir dans le même album un morceau comme « Burn Out » qui est aux antipodes de « Béton Brûlant » mais qui, au final, vont bien ensemble car il y a une identité sonore.
Pour cet album, on a fait avec le matos qu’on a. On a voulu travaillé les compositions avec moins de couches sonores.
Moon : Bertrand Dombrance nous a aussi beaucoup aidé...
Lars Sonik : Oui, c’est vrai. Il a mixé le premier et le deuxième album. Pour Décadanse Générale, on avait beaucoup travaillé de notre côté. On savait où on allait, on avait bien bossé les arrangements et du coup, l’ensemble est plutôt cohérent avec une patte très personnelle.
Est-ce que votre manière de composer a changé depuis le premier album ?
Moon : Oh que oui !
Lars Sonik : Oui, car on a essayé beaucoup de choses à la maison. On se rappelle aussi des difficultés qu’on a rencontrées pour composer certains titres du premier album...
Moon : En fait, au début tu cherches ton propre univers. Une fois que tu l’as trouvé, tout va plus vite car tu es beaucoup moins dans la réflexion. Par exemple, sur le dernier album, les morceaux « Béton Brûlant », « Burn Out » et « Décadanse Générale » et « Sexe À Pile » ont été composés très rapidement.
D’ailleurs comment se passe le travail de composition au sein de La Poison ? Qui fait quoi ? Tout part d’un riff ? D’une mélodie ? D’un bout de texte... ?
Souvent ça part d’un plan de basse / synthé avec un rythme de batterie. Ensuite, on fait des squelettes du morceau avec très peu de choses et puis moi, tout seule - et très loin des autres -, je m’isole pour essayer plein de trucs. Je fais de nombreux essais. Des fois, je peux faire une quarantaine de pistes de voix pour tester des choses... Une fois que je suis satisfaite de ce que j’ai fait, je reprends le squelette de la composition et je travaille dessus. On fait ça à la maison, on a tout ce qu’il faut. David, s’occupe des guitares et des claviers plus Daniel amène sa touche finale pour enjoliver le tour.
Quel serait pour vous les ingrédients pour avoir un bon morceau de La Poison ?
Lars Sonik : Un bon texte avec du sens mais fun, une batterie, un synthé, une bonne guitare... Pas besoin de beaucoup plus !
Le visuel est un aspect important dans la musique de La Poison. Est-ce que vous intégrez aussi cet aspect dans votre processus de composition ?
Non pas vraiment. Quand on compose, on est vraiment dans la partie musicale. Par contre, une fois qu’on s’attaque au clip, on se prend beaucoup la tête sur le visuel mais tout en gardant à l’esprit l’univers de La Poison et des personnages. On cherche à illustrer visuellement le texte via les personnages. Par exemple, dans « Besoin De Réconfort » si tu prends le refrain qui dit « Besoin de réconfort, besoin de réconfort », ça veut tout et rien dire...ça peut même être le slogan d’une pub pour canapé lit ! (rires) On est parti sur le fait que les gens allait chercher le réconfort dans leur dose de numérique, de téléphone portable etc. À travers le clip, on s’est amusé avec les trois personnages différents (le vieux pervers, le trader cocaïné, la pouffe qui se prend en selfie...) à leur faire chercher le réconfort en rentrant dans la peau de La Poison au travers d’un jeu vidéo virtuel...
Moon : Le but c’est aussi de ne pas être moralisateur dans les textes car nous-même on passe beaucoup de temps sur les portables et les réseaux. Quand tu as un groupe, t’es obligé d’avoir Facebook, Instagram, de poster régulièrement... Nous aussi on est prisonniers de ça ! (rires)
Vous travaillez vous-mêmes sur vos clips ?
Lars Sonik : Oui, on fait tout nous-mêmes de l’idée initiale à la réalisation. On fait tout à la maison. Le principe de La Poison c’est d’être au maximum dans le Do It Yourself. On est bien entendu aidé par des gens, il y a une équipe autour de nous mais dès qu’on peut faire quelque chose nous-mêmes (comme les clips, par exemple), on le fait. Et les clips on adore les faire nous-mêmes !
Moon : On serait trop chiants, en fait ! On sait trop ce qu’on veut et on sait ce qu’on ne veut pas ! (rires)
L’album a été enregistré à Midilive par Jean-Marc Pinaud et Dombrance mais aussi chez vous, au Garage Sonik. Pourquoi avoir choisi d’enregistrer dans deux endroits différents ?
Lars Sonik : Le Studio Garage Sonik, c’est notre garage. C’est à la maison. Le studio Midilive c’est un studio qu’on aime bien car il sonne super bien. C’est là qu’on a enregistré les batteries et les guitares du premier album, c’est là où on a enregistré d’autres choses de nos anciens projets. C’est les anciens studios Vogue, ils sont grands, ce n’est pas cher et ils ont une véritable histoire...
Est-ce que le fait de travailler avec Jean-Marc et Dombrance vous a permis d’aborder les choses différemment qu’au Garage Sonik, ça vous a sorti de votre zone de confort ?
Moon : C’est surtout qu’ils ont des capacités qu’on n’a pas...
Lars Sonik : Nous on compose à la maison, on enregistre, on cherche à aller au maximum de là où on peut aller mais mixé un album tout seul chez soi c’est assez difficile car on a la tête dans le guidon, on n’a pas assez de recul. Et puis, il y a aussi des choses qu’on ne maîtrise pas... J’ai mixé « Le Monde Va Mal » à la maison durant le confinement. Je suis assez content du résultat pour mon premier mix, mais c’est toujours mieux de faire appel à des gens qui ont l’habitude de faire ça et qui ont une autre oreille...
Lorsque vous travaillez chez vous au Garage Sonik, est-ce que vous avez assez de recul sur ce que vous enregistrez ?
Moon : On est deux donc on est critique sur notre travail. David n’hésite pas à me dire que quelque chose ne lui parle pas et il peut parfois me rentrer un peu dedans pour que je creuse encore. De mon côté, je peux aussi lui donner mon avis. On a donc une oreille d’écoute tous les deux et quand quelque chose nous plaît, on le fait écouter à Daniel...
Lars Sonik : Le fait de travailler à la maison est d’avoir du temps c’est toujours bien. On n’est pas stressé, on a le temps de revenir sur les morceaux si besoin. C’est cool de pouvoir bosser en mode labo à la maison. Si on est bloqué sur quelque chose, on peut faire une pause pour aller faire un tour à l’océan à côté de chez nous (on habite à un quart d’heure de la plage), ça permet de décompresser et de laisser mûrir les choses. Quand on revient on peut s’enfermer dans le studio sans regarder l’heure pour le libérer ou bien y revenir le lendemain. Bref, on est à la maison donc c’est cool !
Est-ce que tous les morceaux étaient déjà composés avant d’entrer en studio ?
Oui, tout est composé en amont avant d’aller en studio pour enregistrer les parties de batterie et de guitare. Après le studio Garage Sonik est en train d’évoluer donc peut être que pour le prochain album on enregistrera tout à la maison...
Vous êtes des musiciens qui avaient pas mal bourlingué depuis quelques temps notamment au sein de Maximum Kouette. Que pensez-vous de votre parcours quand vous regardez dans le rétro ?
Moon : On se dit qu’on est encore là ! J’ai commencé à monter sur scène quand j’avais 20 ans et je suis très fière d’être là où j’en suis en ce moment. Je n’en ai rien à foutre de la réussite ou d’avoir fait carrière. Ce qui me plaît c’est de faire des concerts, de voir des gens qui sont heureux et qui te remercient de continuer à faire ce que tu aimes. En ce qui concerne les projets passés, on est fiers de tout ce qu’on a fait. Bien sûr, il y a eu des moments qui n’ont pas sont pas toujours été faciles, tout n’a jamais été tout rose mais on a quand même réussi à avoir une famille, à avoir des enfants, à continuer la musique... Et quand je regarde dans la rétro, je me dis que ça va !
Après toutes ces années à faire de la musique, on apprécie toujours autant jouer en concert ? Plus que de composer ?
Oui on apprécie toujours autant ça mais la composition aussi. En ce moment, il nous tarde de pouvoir composer de nouveaux morceaux. On en a vraiment envie... Et puis le live, c’est la petite cerise sur le gâteau. C’est le partage. C’est ce qui fait du bien...
Est-ce que des nouveaux morceaux sont en cours d’écriture ou finalisés en vue d’un prochain album ?
On a plein de trucs dans les tiroirs et mêmes quelques bribes de mélodies ou d’idées enregistrées dans nos téléphones ! (rires)
Que peut-on attendre de La Poison pour 2024 / 2025 ?
Vu tout ce qui se passe en ce moment dans le monde, il y a plein de sujets sur lesquels écrire. Les sujets ne vont pas nous manquer. C’est déjà une bonne chose ! (rires) On va aussi finir notre studio. On va faire l’isolation complète pour pouvoir vraiment jouer en live car jusqu’ici on répétait en électronique. On va continuer à avancer, à jouer et à contaminer le maximum de gens qui ne nous connaissent pas encore...
Est-ce qu’un prochain est prévu avant 5 ans ? (rires)
Lars Sonik : On va dire en 2026, ce serait bien !
Moon : On ne se donne pas trop de date car la dernière fois avec le COVID tout a été décalé... Le principal c’est de faire des choses. Là, on a encore des trucs à terminer avec cet album : on doit notamment faire le clip de « Béton Brûlant » qui a bien avancé...