On ne présente plus le duo gascon, qui revient avec un 4e album plus punk que jamais. Alors que le précédent, The 2 Mousquetaires, faisait la part belle à l'amour des deux trublions pour la funk en mettant les cuivres et les rythmes enjoués à l'honneur, c'est au contraire vers une facette plus dure, plus rock voire plus garage de sa personnalité que l'Inspector Cluzo s'est tourné cette fois-ci. Tellement garage que les 10 titres de l'album durent 25 minutes à tout casser. Alors certes, le duo est avant tout un groupe de scène, le studio nest pas et ne sera jamais son lieu de prédilection, mais comme il s'agit d'une chronique et non d'un live-report, on va parler de ce que donne le disque, qui a une fois de plus été entièrement autoproduit et qui est disponible seul, avec le documentaire qui leur est consacré sur DVD (encore que celui-ci est également disponible sur youtube), ou avec une bande dessinée de l'artiste taïwanais Chris Chaos, dont les illustrations sont désormais indissociables du groupe.
Plus rock, donc. A ce titre, si les cuivres n'ont pas totalement disparu, ils sont globalement très en retrait, tandis que des "houhou" genre Rolling Stones et plus généralement rock'n roll 60s pur et dur sont là pour conserver aux morceaux un côté enjoué. The Inspector Cluzo n'a pas perdu sa joie de vivre, il a juste eu une envie subite de pousser les amplis à 11 et de faire péter les watts ! Ca tombe bien, si les riffs ne sont toujours pas particulièrement originaux, le son de gratte assez particulier correspond à merveille à cette nouvelle envie de rocker sa race. Quand en plus, le duo pense à varier les plaisirs en se reposant sur des grattes acoustiques et à balancer des cuivres, un petit solo de saxo et un titre aussi engageant que "Move over Monsanto", cela donne un tube en puissance prompt à faire remuer n'importe quel cul. Car après un début en fanfare assez bourrin, voilà les Cluzo qui se dirigent vers le bayou, pour un nouveau visage qui leur va à ravir.
D'ailleurs, c'est sans doute un peu là que le bât blesse : alors que le groupe a réussi à ajouter une corde à son arc, qui colle bien avec son identité et enrichit sa palette, pourquoi diable ne pas avoir composé quelques titres funky supplémentaires ? Certes, le duo a probablement atteint un point de non retour sur l'album précédent : difficile d'aller encore plus vers la funk sans finir par virer Jackson 5 du pauvre. Mais juste quelques titres irrésistibles comme le groupe sait en pondre, ça mange pas de pain ! De plus, si les titres plus punk qui parsèment cet album ("Till Petrol do us part", l'ouverture "Hello Goodbye Education") sont bienvenus et devraient s'intercaler parfaitement dans le répertoire du groupe en lui permettant de varier encore davantage les plaisirs lors de ses concerts, l'album, puisque c'est de lui qu'on parle, manque un peu de titres ultra accrocheurs aux refrains imparables comme "French Bastards", "Zombie DJ killer", "The 2 Mousquetaires of Gasconha", soit des titres typiques des Cluzo.
C'est d'autant plus dommage que le groupe a fait un vrai effort pour se diversifier, et c'est là aussi que l'on peut constater ses limites en studio (car sur scène, ils sont irrésistibles et ça ne risque pas de changer). A force de composer au feeling, de laisser les choses avancer naturellement, de privilégier la spontanéité, on court le risque de manquer un peu de recul. Attention : Gasconha rocks reste un bon album, que l'on prend plaisir à écouter. Pourtant, ce petit manque d'accroche et le fait qu'il défile à vitesse grand V lui donne un petit arrière-goût d'inachevé. Rien de dramatique pour autant, et rien qui empêchera le duo de conserver cette place si particulière dans le coeur de son public (des bosseurs acharnés comme eux ne méritent pas moins, courez voir le docu si ce n'est pas déjà fait). Qui plus est, si l'album n'est peut-être pas entièrement convaincant, il rassure sur la capacité des Inspector cluzo à se diversifier, et par là même à durer. Et rien que pour ça, Gasconha Rocks fait plaisir.