"Je cherche à atteindre le coeur de l’auditeur directement"
A l'occasion de la sortie de Drive, son quatrième album, Anneke Van Giesbergen a accordé quelques minutes à La Grosse Radio afin d'évoquer le processus de composition, ses influences et ses aspirations en tant qu'artiste, avec simplicité et sympathie. Elle parle également de sa prochaine tournée, au cours de laquelle deux passages en France sont prévus.
Bonjour Anneke, tout d'abord, d’où vient le titre Drive ?
Cela représente la volonté d’aller de l’avant et de continuer à faire de la musique. Sur le plan physique, j’aime conduire ma voiture, être en mouvement, voyager, ou simplement avancer ! Au-delà du physique, j’exprime ma volonté d’être une meilleure personne, ou une meilleure mère. Donc il y a cette idée de but, comme de faire un album meilleur que le précédent, être une chanteuse plus accomplie. Drive exprime tout cela à la fois. De plus, pour cet album, il me fallait dix très bonnes chansons, courtes et directes, qui vont dans une direction claire.
"We Live On "rappelle un peu Devin Townsend. A quel point le fait d’avoir travaillé avec lui t’a inspiré ?
Je pense qu’il est impossible de ne pas être inspiré par Devin, que ce soit par sa musique ou par sa personne. J’ai beaucoup appris de lui et j’ai beaucoup travaillé avec lui, sur disque comme sur scène. J’adore sa manière de combiner la beauté et les aspects heavy de la musique. C’est en plus une personnalité très positive et quelqu’un avec qui il est agréable de travailler en studio. Il m’a enseigné beaucoup de choses concernant le chant et la performance. Du coup, il m’inspire complètement !
Tu utilises d’ailleurs un placement de voix différent sur cette chanson, peux-tu nous en parler ?
Vu que cet album est direct, je ne voulais pas faire de parties vocales trop "acrobatiques". Des fois, le producteur me disait que ce que je faisais sur un refrain, par exemple, était trop compliqué, alors que je cherche à atteindre le coeur de l’auditeur directement. Du coup, je pousse ma voix un peu plus haut sur certaines chansons, j’utilise ma voix de poitrine. D’ailleurs concernant cette chanson, je pense qu’il faudra la baisser d’un ton sur scène, car cela demande beaucoup d’énergie pour la chanter.
De la même manière que Devin Townsend, sur Drive, on passe d’un extrême à l’autre, de la mélancolie à des énergies positives. Est-ce voulu ?
Oui. Un album, c’est comme un œuf que tu ponds. Toute ta vie pendant la conception de cet album y est. Une fois que tu l’as dans ta main, c’est comme s’il ne faisait plus partie de toi. L’album Everything Changes était plus émotionnel, avec des chansons plus longues. Une fois qu’il était fini, j’avais déjà une idée pour le disque suivant, qui est généralement contraire au disque que je viens de sortir, du coup, je me suis dit "maintenant, il faut aller de l’avant". Seulement, il faut inclure du lumineux et du sombre, les deux ne peuvent pas vivre l’un sans l’autre. Il faut aussi trouver l’équilibre entre les deux. Certaines personnes se retrouvent dans cet équilibre, d’autres se disent "non, ce disque est trop joyeux, j’attendrai le prochain !", ou l’inverse. Mais c’est juste des humeurs humaines, c’est comme ça qu’on marche.
On a remarqué une chanson assez différente de ce que tu fais d’habitude, "The Mental Jungle". Qui est ce chanteur oriental que tu as invité ?
Il s’agit d’Hayko Cepkin, un chanteur turc d’origine arménienne, j’ai travaillé avec lui en Turquie et il a fait de même en Hollande. C’est l’un des meilleurs chanteurs que je connaisse ! Sa manière de chanter, qui utilise les techniques traditionnelles turques, est magnifique. Dans son pays, c’est comme une rock star ! C’est une aventure en soi de se promener dans la rue avec lui. Même en Hollande, vu qu’on a une forte communauté turque, il y a une grosse excitation générale dans ses concerts. Musicalement, il arrive à mélanger rock, metal et pop avec des éléments de musique turque traditionnelle. J’ai toujours voulu qu’il chante sur mon album. Du coup, quand j’ai écrit cette chanson, "The Mental Jungle", avec mon guitariste, j’ai tout de suite pensé qu’il ferait quelque chose de génial. Et notre collaboration est enrichissante pour nous deux, j’ai pu jouer dans un festival de world music grâce à lui, j’ai aussi pu l’emmener dans d’autres endroits. On voyage chacun grâce à l’autre.
Puisque tu as pu explorer de nouveaux horizons musicaux grâce à lui, y a-t-il d’autres cultures musicales que tu voudrais inclure dans ta musique à l’avenir ?
Oui, sûrement, si je travaille plus avec des gens comme Hayko, qui m’inspirent par leur manière de chanter assez différente de la notre, en utilisant beaucoup les demi-tons et les quarts de ton. J’écoute beaucoup de cette musique en ce moment. D’ailleurs, nous avons joué dans un festival aux Açores, avec plein de groupes très différents, et il y avait ce groupe africain qui était excellent et on s’est dit que ce serait bien de faire ce genre de musique aussi. Leur musique est assez complexe et va dans tous les sens, mais, vu qu’ils ont joué cela toute leur vie, ils donnent l’impression que c’est facile et font ainsi un spectacle très agréable, qui nous a inspiré.
A propos de la composition, les as-tu écrites en groupe ou seule ?
J’ai travaillé toutes les chansons en duo, avec un de mes musiciens. Au total, trois ou quatre personnes à part moi ont participé à la composition. On a fait des démos et sommes venus en studio, puis le groupe est venu et a pu apporter sa patte pour améliorer les chansons. Du coup, tout le monde est inclus dans le processus créatif, même le producteur qui a beaucoup joué sur les arrangements et le fait que les compos coulent de source, soient évidentes à l’oreille.
A propos de ta prochaine tournée, quel effet cela te fait de revenir à des concerts en groupe après avoir passé tant de temps en acoustique ?
C’est vrai que j’ai passé beaucoup de temps à faire des tournées acoustiques, ce qui n’était pas forcément prévu à la base. L’idée était d’arriver sur place tout simplement et jouer seule avec ma guitare. J’ai aussi fait une tournée acoustique avec Pain of Salvation, cela m’a permis de revenir souvent. J’aime aussi jouer avec mon groupe, je ne voudrais pas avoir à choisir une seule manière de tourner. Une manière de faire inspire l’autre : les tournées acoustiques sont plus intimes avec le public, les tournées rock produisent plus d’énergie. Je me souviens avoir lu une interview de Jon Bon Jovi qui ne fait que des tournées dans des stades et il disait que ça l’ennuyait un peu. J’aimerais bien essayer un jour ! [rires] C’est comme un artiste hollandais très connu qui s’étonnait que je joue dans les Açores et qui voulait que je l’emmène pour jouer avec moi. A ce moment-là, qu’il m’amène dans son stade ! [rires]
Tu as pu collaborer avec de nombreux artistes au cours de ta carrière. Y en a-t-il avec qui tu aimerais travailler à l’avenir ?
Alors je vais vous citer mes trois chanteurs préférés : Mike Patton, un chanteur phénoménal qui a l’air d’être un gars cool. Ensuite il y a Chino Moreno de que j’adore, d’ailleurs voir Deftones en concert m’emmène toujours sur un petit nuage. Et il y a aussi Maynard James Keenan de Tool. J’adorerais faire quelque chose avec ces chanteurs. Barbara Streisand et Freddie Mercury font aussi parties de mes héros, mais je ne risque pas de collaborer avec ! [rires]
Interview réalisée conjointement avec Carmyn