Voilà, la boucle est bouclée. Les Fuzztones dans les années 80 ont remis au goût du jour les classiques du garage sixties qui avaient connus pour la plus grande majorité une gloire éphémère. La plupart de ces artistes n’ont produit qu’un gros hit avant de tomber dans l’oubli. On les retrouvaient en grande partie dans des compiles plus ou moins obscures de labels garageux avant que les compiles Peebles et Nuggets (chères à Lenny Kaye) ne voient le jour. Maintenant c’est au tour des Fuzztones de faire l’objet d’un tribute ou d’autres reprennent leurs propres morceaux. Déjà fait me direz vous, avec les deux volumes Illegitimate Spawn où de jeunes artistes reprenaient leurs titres phares. Mais là, le tour de force est de faire reprendre leurs morceaux non pas par des gloires actuelles mais par les pères fondateurs. Un projet ambitieux s’il en est…
Et force est de constater que beaucoup ont répondu présent. Les Shadows Of Knight, qui ont dans les années 60 popularisé le "Gloria" de Van Morrisson, se fendent d’ "I Never Knew", morceau à trois accords (les mêmes que "Gloria") avec toujours cette même vivacité. Elan Portnoy, ancien Fuzztone, vient leur prêter main forte. Ils s’attaquent aussi à "Me Tarzan You Jane", aidés par Dick Taylor, fondateur des Pretty Things et aussi premier bassiste éphémère des Stones. Ici, on raccroche avec les Fuzztones des débuts, amoureux des gros rock blues qui tâchent hérités des Sonics et consorts.
Le coté punk des Fuzztones est aussi mis en valeur par les reprises de Gonn (créateur du standard garage "Blackout Of Gretely"). Gonn est parfaitement dans le style des Fuzztones et leur version de "Shame On You" est ultra puissante. Craig Moore, leur leader, a déjà fait quelques tournée avec les Fuzztones et le voir reprendre ces morceaux semble une évidence. Putain que c’est bon ! Le solo d’harmonica y est terrible… On retrouve l’ambiance des Stones des années 60 ou Jagger envoyait des reprises soul revisitées. "Hallucination Generation" est aussi très bien troussée. La voix est au top est le morceau devient un peu plus rock et énervé que l’original.
Craig Moore associé à Davie Allan (créateur de "Blues Theme") se fend d’un terrible "She’s Wicked". Dans les morceaux pleins de patate, le véteran de Gonn excelle. Cette version arrive a resservir en CD la furie qu’elle dégage sur scène. Pan dans les dents !
Cette compil avec "Get Naked" nous offre aussi l’occasion de redécouvrir Sky Saxon décédé en 2009. Le mythique leader des Seeds pose sa voix rocailleuse sur un morceau fuzzy du plus bel effet. Au rayon ancienne gloire, Sean Boniwell du Music Machine, Arthur Lee et les Pretty Things prêtent main forte aux Electric Prunes sur "All The King’s Horses". Encore un brulot sixties qui dépote avec une ambiance planante.
Dans le même esprit, Question Mark and the Mysterians, auteur de "96 Tears", nous livre un "Action Speaks Louder Than Words" de derrière les fagots. On retrouve la puissance et l’efficacité du morceau phare des Question Mark. L’hommage aux Fuzztones est donc ici totalement réussi.
Coté fuzz à outrance, les Strawberry Alarm Clock reprennent "Charlotte's Remains", morceau dans l’esprit série Z avec arrangements bizarres et claviers furieux. Un terrible solo fuzzy clôt l’affaire avec ce son si caractéristique aux grattes Vox simple bobinage de l’époque. Un bel hommage. Les Shy Guys livrent une reprise ultra psychédélique, Bif Muff à 11 de "Highway 69", c’est plutôt sympa. "Hurt on Hold" par les Monks est encore une pépite (nuggets) avec ses solo de claviers à faire oublier Deb O Nair, la légendaire organiste des Fuzztones. Les Vagrants proposent un "9 Months Later" qui monte en puissance pour arriver au refrain jouissif avec ce petit gimmick de guitare soutenu par un orgue en folie. Une ambiance trippante à souhait. Vraiment bien foutu et respectant l’esprit de l’original. On termine dans une explosion de fuzz et de claviers saturés.
"Romilar D" est sauvagement interprétés encore par les Shy Guys. Les grattes sont plus dures que les Fuzztones et la basse est martelée. Le morceau est moins fluide que l’original mais dès que le riff de gratte revient avant le refrain, on retrouve l’intensité du "Romilar D", sirop ayant fait les riches heures de la défonce dans les années 60.
Un dernier trip avec les Vanilla Fudge clôture l’album de fort belle manière. Là, on est à fond dans le psychédélisme revival qui nous renvoie aux soirées sixties sous acide (je fais comme si je m’en souviens mais je n’étais pas né), en tout cas c’est avec cette musique là que je me les imagine. Des moments planants entrecoupés de giclée de solo de grattes gorgées de fuzz soutenues par un vocaliste diaboliquement persuasif. Let’s take a trip…
Cette compile du label garage Stag-O-Lee nous présente donc un aperçu complet de la musique des Fuzztones. Des morceaux illustrant plutôt la partie punk de leur musique, qui côtoient aussi bon nombre de titres reprenant plutôt leurs influences psychédéliques. En tout cas, L’âme des sixties est bien présente dans cet opus et c’est la que réside sa force.