A peine un an après l'excellent Disclosure, revoici déjà les non moins excellents The Gathering avec un nouvel album. A croire que l'inspiration était au rendez-vous tant cette nouvelle livraison n'était pas attendue aussi rapidement ! 3e album avec Silje Wergeland derrière le micro, qui sort donc à peine quelques semaines après le nouvel album solo d'Anneke van Giersbergen, leur ancienne chanteuse. Et tandis que la belle Anneke nous a livré un album on ne peut plus direct et accrocheur, The Gathering poursuit de son côté son chemin vers les terres planantes et atmosphériques qui semblent l'attirer de plus en plus depuis maintenant une bnne dizaine d'années. Car outre The West Pole, qui marquait un certain retour aux sources qui découlait sans doute du désir de trouver l'alchimie avec leur nouvelle vocaliste plutôt que d'une véritable volonté artistique, les Souvenirs, Home et surtout Disclosure se tournaient clairement vers la musique atmosphérique et le trip-hop. Le dernier nommé surtout faisait un grand pas dans cette direction, ce que fait également son successeur, qui s'éloigne encore des rivages du rock pour se retrouver en plein océan inconnu.
A dire vrai, il devient presque difficile de reconnaître The Gathering. Certes, la capacité du groupe à produire des plages planantes d'une grande beauté est intacte. Mais ce coup-ci, un palier a encore été franchi, et il est probable que les fans peu convaincus par leurs sorties récentes décrochent tout à fait. L'ambiance est résolument douce et vaporeuse, comme sur le premier véritable morceau, le splendide "Echoes keep growing", qui fait suite à une longue introduction post-rock. La chanteuse Silje s'adapte en toute logique et adopte une voix bien plus feutrée. Finies les grandes envolées lyriques si caractéristiques ! Si l'investissement artistique est indéniable, le résultat est surprenant. Car "Areas", qui suit, est plus proche d'une berceuse de Kate Bush que des Gathering que l'on connaissait, tandis que la chanson titre "Afterwords", sur laquelle Silje laisse le micro à Bart Smits, membre fondateur parti depuis belle lurette, se rapproche plus de Dead can Dance que d'autre chose. Autant les premiers titres étaient différents mais superbes, autant là, on est plus circonspect devant une mélodie mignonne mais pas renversante et une voix qui sonne totalement hors-sujet. Et pourquoi diable ne pas avoir fait un duo ?
Dead can Dance, une référence qui revient sur la très ambiante "Tuning in, Fading out", notamment du fait de ses arrangements minimalistes et des effets sur la voix. L'évolution des groupes, je suis pour, mais n'est-ce pas pousser le bouchon un peu loin ? Les frères Rutten ont-ils donc si peu de recul qu'ils ne se rendent pas compte que d'autres groupes ont déjà proposé ce genre de choses en beaucoup mieux ? Que ces arrangements qui les font tellement tripper n'ont rien de bien original ? Fort heureusement, "Gemini III" est l'occasion d'offrir à Silje l'occasion de montrer son talent, et pour l'auditeur amateur de The Gathering de retrouver quelques repères, bien qu'une fois de plus, le titre soit particulièrement atmosphérique. Au moins, la fin de l'album est-elle plus intéressante que ce curieux ventre mou. Si le court instrumental"Afterlights" fait plus figure d'intermède qu'autre chose, "Sleep Paralysis" et ses voix étranges, croisement improbable entre Sigur Ros et Kenji Kawai, relève le niveau, bien que l'on se demande encore si c'est bien The Gathering que l'on écoute. Même constat sur "Bärenfels", qui clôt l'album. De belles sonorités, un bon titre, sur lequel les voix sont quasiment absentes.
Que penser de cet album ? Que Silje a beau être au centre des photos, elle n'a pas dû se marrer tous les jours en studio. Jamais la voix n'aura été aussi peu présente sur un album des néerlandais, un comble pour ce qui était jusqu'alors la marque de fabrique du groupe, surtout après que Silje nous ait montré toute l'étendue de ses capacités sur Disclosure ! Après autant d'albums au compteur (le 11e quand même !), on peut comprendre que les musiciens aient voulu changer d'horizon. Après Disclosure, on ne peut pas non plus prétendre être complètement pris par surprise. Néanmoins, le changement est ici tellement radical... Surtout, au delà de l'évolution musicale et des débats enflammés qu'il ne manquera pas de susciter, l'album souffle le chaud et le froid, enchaînant moments de grâce et trous d'air, de sorte qu'il est un peu délicat de rentrer dans cet Afterwords qui apparaît assez décousu.
Les sautes de régime de l'album laissent à penser que The Gathering n'est pas encore complètement à l'aise avec cette nouvelle identité. En l'état, Afterwords fait figure de transition, d'expérimentation pas complètement aboutie. Il aurait déjà fallu faire attention à ne pas s'emballer trop vite et réaliser que certaines "trouvailles" ont déjà été utilisées par d'autres groupes, il y a bien longtemps, en bien mieux (c'est pas comme si le post-rock et le rock atmosphérique dataient d'hier). En trouvant une meilleure place à Silje, qui ne mérite franchement pas d'être mise au placard comme cela, surtout quand on a quand même un certain héritage à respecter, en l'occurence celui de groupe qui compte sur une magnifique voix féminine. Qu'on utilise cette voix différemment, qu'on mette des effets dessus pour se diriger vers d'autres horizons, très bien, mais qu'on la réduise au rang de choriste... Bref, si Afterwords n'a rien de honteux, il peine à convaincre et s'avère d'autant plus frustrant que les quelques franches réussites qui se retrouvent sur l'album prouvent qu'il y avait certainement mieux à espérer. D'un autre côté, le groupe continue d'avancer, c'est sans doute là l'essentiel. Pour ce qui est de pleinement convaincre, espérons que ce sera pour la prochaine fois.