Vous vous rendez compte que c'est à la fléche d'or que se produira Monster Magnet à Paris pour soutenir son nouvel album... Comme quoi la France n'a jamais véritablement accroché au monstre aimanté, contrairement au reste de l'Europe, en général un poil plus éclairée en matière de rock. Cela étant, cette frilosité vient également d'un parcours un peu chaotique ces dernières années. Dave Wyndorf a bien failli laisser a peau dans une overdose et ne s'est remis que progressivement de son coma prolongé. C'est donc avec une inspiration en berne et une surcharge pondérale conséquente que l'on avait retrouvé le bonhomme. En 2010, Mastermind venait toutefois montrer que Wyndorf et son groupe se remettaient vite, eux qui sortaient leur album le plus lent, lourd et heavy à ce jour et partaient se réconcilier avec leurs aficionados en enchaînant les tournées. Toutefois, outre la promotion de ce dernier bébé, les concerts qui suivirent furent notamment l'occasion de jouer en intégralité les cultissimes Spine of God et Dopes to Infinity, et pour les fans de se poser la question : jouer du lourd c'est bien, mais quand même, qu'est-ce que c'était cool quand Monster Magnet jouait du space rock psychédélique !
Ce constat, il faut croire que Dave Wyndorf l'a fait également, puisqu'il se décide (enfin !) à revenir à son genre de prédilection, sans non plus faire une croix définitive sur le virage plus hard rock pris entretemps. S'il ne s'agit pas de renier le passé le plus récent, Last Patrol fait clairement de l'oeil aux grands classiques du groupe en marquant le retour des compos longues et barrées, truffées de sons venues d'autres planètes. Et ce malgré le départ d'Ed Mundell, guitariste historique du groupe et grand maître de la six cordes psyché. Sans rien enlever à ses mérites, il faut bien reconnaître que son successeur, Garrett Sweeny, n'a rien à lui envier et enchaîne les solos fumés interminables avec bonheur. Après un morceau d'intro lancinant qui semble vouloir faire entrer doucement l'auditeur dans l'album, le morceau titre, long de presque 10 minutes, est là pour mettre les choses à plat : c'est le retour de l'orgie de sons fantômatiques, d'effets en tous genres, de montées épiques venues d'une autre dimension ! En bref, Monster Magnet a décidé d'arrêter de tortiller du cul (tendance développée depuis God Says no) pour revenir à ce qu'il sait faire de mieux.
On pourrait presque arrêter cette chronique ici tant le reste de l'album est en forme de démonstration du début à la fin. Lourd et hypnotisante, comme un Black Sabbath sous acides ("Three Kingfishers"), subtile et planante ("Paradise", "The Duke (of supernature)") ou au contraire super entraînante ("Hallelujah" et son final dont on ne veut plus sortir, "Mindless Ones"), la musique présente sur cet album est tout cela à la fois, sans oublier les montées en puissance épiques ("End of Time"). Inutile de faire très long, Last Patrol est excellent et ravira tous les amateurs de stoner rock psychédélique. A dire vrai, il ne manque pas grand chose à l'album pour se hisser au niveau des plus belles réussites du groupe. Dave Wyndorf le reconnaît volontiers, il ne voulait pas de "tube", de titre imparable basé sur un gros refrain qui ferait chanter tout le monde en concert, car selon lui ce type de morceau ne correspondait pas au feeling de l'album. Opinion respectable, mais connaissant la capacité de l'homme à pondre ce type de morceaux qui arrache tout sur son passage, on ne peut que regretter qu'il n'ait pas pris la peine d'écrire le petit frère de "Negasonic Teenage Warhead".
Cette absence de tubes, si elle est un peu regrettable, peut éventuellement s'expliquer par le fait que Dave Wyndorf commençait à en avoir marre de chercher des gros refrains depuis plus de 10 ans maintenant. Last Patrol prend ainsi des airs d'acte de foi, du retour d'un homme qui a dû guérir et se remettre en question, avant de revenir à ses racines après avoir parcouru un long chemin. Wyndorf ne fait pas de redite, le groupe utilise l'expérience acquise durant les années 2000, de sorte que ce retour au space rock ne peut que difficilement être taxé de tiède resucée. Il fait davantage figure de mise au point. De sorte que quand on entend Wyndorf sur le dernier morceau "Stay Tuned" ("what's gonna happen now, stay tuned till the next time"), on ne peut s'empêcher de penser que lui non plus ne sait pas trop où il souhaite aller. En revanche, il semble suffisamment en paix avec lui-même et avec sa musique pour regarder sereinement vers l'avenir, qui viendra bien assez tôt. En paix avec lui-même et avec une créativité définitivement de retour, Monster Magnet est parti pour durer encore longtemps.