Après un premier EP bien sympa, voilà les normands de Clovill qui débarquent avec leur premier album intitulé "Au delà des barreaux". Pas de tromperie sur la marchandise, le groupe pratique une fusion énervée avec textes un poil rappés qui tape sur pas mal de trucs cons qui font chier dans notre beau pays. Commençons par regarder les qualités : la bande est carrée et ne fait pas semblant, balance des compos qui ont été longuement affûtées sur scène et qui font preuve d'une efficacité certaine. Surtout, le groupe bénéficie de l'ajout d'un chanteur ayant son propre style. La voix passe volontiers d'un flow typiquement fusion hip-hop/métal à des intonations plus mélodiques sur des refrains qui peuvent s'avérer étonnamment accrocheurs ("Maintenant", "Un MC de plus"). Un bon point donc pour le combo qui parvient ainsi à ajouter sa petite touche perso à un style déjà largement abordé, notamment en France, qui a quand même connu un sacré paquet de bons groupes dans le genre (No One is Innocent, Mass Hysteria, Lofofora, Oneyed Jack, et même des daubes comme Pleymo).
De temps à autres, Clovill va jusqu'à balancer quelques passages plus orientés reggae, ce qui ajoute une nouvelle fois un brin d'originalité, en tous cas de personnalité. Le break de "Des vrais combattants" est ainsi particulièrement bienvenu, tandis que la grosse voix ragga sur "Au pays de l'hypocrisie" est appelée à faire un malheur en live. Mais alors, pourquoi ne pas aller encore plus loin dans le délire ? Car on arrive au sujet qui peut éventuellement fâcher, à savoir que quand il s'agit de balancer des gros riffs bourrins, Clovill est déjà bien moins convaincant ("Bienvenue en enfer"). Quand il s'agit d'envoyer la purée de façon plus directe, le groupe semble dénué de toute imagination, et se contente de tricoter des riffs déjà entendus des milliers de fois. Alors certes, ça fait le boulot, mais à moins de ne jamais avoir écouté un des groupes pré-cités, difficile de s'enthousiasmer complètement sur les passages les plus bourrins de l'album.
Les groupes de fusion ont souvent ce type de problème : soit ils pêchent au niveau du côté bourrin, soit ils galèrent à s'éloigner du métal et se contentent de balancer des scratchs maladroits. Mais la fusion, c'est bien le mélange des genres, il faut donc réussir à trouver un équilibre entre plusieurs univers et à les faire cohabiter. On peut dire que Clovill a réussi le plus dur, même si du coup on aimerait voir le groupe abandonner les titres bateaux comme "Bienvenue en enfer" et se focaliser sur son côté plus délirant. Ou bien pondre des riffs plus convaincants. En l'état, le groupe dispose de quelques morceaux très convaincants, mais pas encore d'un album. Ca n'a rien de mal en soi, tout dépend des ambitions que nourrissent les musiciens : pour réaliser une belle carrière amateur/semi-pro, réaliser de bons concerts et décrocher quelques belles premières parties, c'est bon. Par contre, pour peu que Clovill nourrisse quelques ambitions, il lui faudra redoubler d'efforts et apprendre à mettre ses qualités en avant, tout en tâchant de remédier à ses défauts.
