Le 18 octobre 2003, Placebo immortalisait son passage au Palais Omnisport de Bercy pour le DVD Soulmates never dies. 10 ans plus tard, le groupe de Brian Molko remet le couvert. Un jour particulier, d'autant plus qu'il s'agit du 41e anniversaire du leader. Un coup de vieux ? La soirée d'anniversaire a bien failli tourner à l'ennui.
Photos par Elise Schipman http://www.schipmanelise.com/
21h15 pétantes. Sans cérémonie, les lumières de Bercy s'éteignent et un gimmick électronique se fait entendre. Les spots lumineux s'agitent et l'intro de "B3" se fait entendre. Brian Molko et son groupe entrent en scène, le public se prend immédiatement un mur de son en pleine face. On aperçoit les premières groupies sur les épaules du copain, on retrouve le grain inimitable de Brian et la guitare de Stefan Olsda au niveau de ses genoux, comme d'habitude.
D'un geste mécanique, Brian échange sa guitare blanche pour une noire et entonne l'intro de "For What It's Worth". Des animations apparaissent en fond de scène. Un brin simplistes, les images sur-colorées irritent les yeux. Peu importe, les premiers rangs sont déchaînés pour cette unique date en France. On clappe des mains sur le pont avant d'entendre les dernières paroles de Brian : "Got no friends, no lover".
"Merci Paris ! Ca va ?" Sans attendre de réponse, le leader fait sonner "Loud Like Love", single éponyme du dernier album. Dès les premières notes, l'ambiance est en feu. "Breathe, breathe, breathe" répète Brian, alors que l'écran animé descend progressivement de scène pour s'installer derrière le groupe. Le soleil vert fluo pique toujours autant les yeux. On repart dix ans en arrière avec "Twenty Years", sorti en 2004 en bonus sur la compilation One More Feeling. Le tube "Every Me Every You" met tout le monde d'accord avec un son beaucoup plus saturé que sur l'album, et même un petit solo vers la fin.
C'est le sixième morceau, il fait chaud, on pense que le succès de la soirée est assuré… et on se trompe. Bien que le dernier single "Too Many Friends" soit connu d'une bonne partie de Bercy, on ressent les premières faiblesses du concert. Le son est parfait, mais l'émotion n'y est pas. On sent un show rodé et les défauts du concert apparaissent de plus en plus évidents.
Ce soir, le show est filmé mais sent le "vite fait, bien fait". Le groupe enchaîne les titres sans aller chercher son public, sauf à coup de clap-clap récurrents sur les ponts. Le jeu de lumière est inexistant, malgré une sacré installation au-dessus du public, qui reste finalement assez simpliste et limité à des bim-boum-dans-ta-face sans cohérence. Les animations sont risibles par leur amateurisme. On attendait quelques mots en Français de Brian, on n'aura le droit qu'à deux ou trois "merci" bafouillés.
C'est à ce moment que le groupe a la brillante idée de dresser un voile entre la scène et le public. Pour y projeter une image ? Non. Pour jouer avec les ombres ? Non plus. À vrai dire, le voile n'est pertinent que pour illustrer la barrière qui sépare le groupe de son public. Le groupe est complètement dans l'entre-soi au point que Brian et Stefan se mettent à jouer face l'un à l'autre, mettant le public de côté.
Le groupe a également choisi ce moment pour jouer 6 titres des deux derniers albums. Ils sont certes connus des fans, mais le grand public manque de repères tubesques et se perd. L'ambiance se refroidit, les titres se ressemblent et on anticipe facilement tout ce qui se passe dans la salle.
Bercy est une grande salle. Les gradins du fond assistent donc à un spectacle d'un groupe à 200m caché derrière un voile. Les écrans live sur les côtés offrent des images en noir et blanc assez fades, sans contraste et aux plans tristement monotones. Manifestement, les caméras installées sur la grue et les rails serviront uniquement à la production du DVD. Brian Molko est filmé de côté… à aucun moment on aperçoit son regard. A-t-il seulement pensé à ces milliers de gens venus pour ses beaux yeux bleus ? Au bout d'une heure de concert, il décroche son premier sourire.
On retrouve quelques émotions sur "Space Monkey", qui résonne comme un hymne derrière un mur de guitare. Sur "Exit Wounds", on découvre enfin une vraie ambiance visuelle et des lumières bien pensées. Le morceau commence sur une douce introduction avant d'exploser, l'ambiance revient progressivement, mais on continue de tendre la joue pour se prendre enfin une bonne claque.
Il fallait donc attendre le 15e morceau du concert pour que le groupe s'éclate. Brian Molko se met enfin en scène, se plaçant au devant de la scène, entonnant en solo l'intro du single "Meds". On sent que quelque chose se passe. Le reste du groupe intervient pour reprendre la suite du couplet, au tempo plus rapide que sur l'album. L'ambiance est redevenue bouillante. Les guitaristes finissent au bord du public, Brian se déplace enfin pour aller chercher son public, ravi.
Enchaînement avec "Song To Say Goodbye", également plus rapide. La fragilité du morceau en souffre, mais peu importe, ça faisait une demi-heure qu'on s'ennuyait. On se rend compte du nombre de tubes en stock au son de "Special K". Pourquoi ne pas les avoir joué plus tôt ? Le groupe coupe le son et laisse chanter le public en choeur sur les "Palapapalala"… Mieux vaut tard que jamais.
Brian Molko s'absente, Stephan Olsda en profite pour demander au public de souhaiter un joyeux anniversaire à Brian. Avec joie, Bercy s'exécute. Le chanteur revient amusé, gonflé à bloc pour le mythique "Bitter End" qui fait se lever les 17 000 personnes de la salle.
C'est l'heure du rappel. On a droit à une belle version slow de "Teenage Angst" puis une reprise de Kate Bush "Running That Hill". Inconnue au bataillon… et pourtant tout le monde reste debout pour taper en rythme. Bercy gelé est devenu épique. "Post Blue" résonne avant le final "Infra-Red" et son hymne fédérateur. Le groupe s'éclipse sous les applaudissement d'une foule qui a chaud au coeur… c'était juste.