Le problème avec les groupes de post-quelque chose est bien connu, ils finissent par tous se ressembler. Encore qu'il nous arrive aussi d'avoir quelques bonnes surprises, comme avec Saar, qui fait partie de ces formations qui ont véritablement quelque chose à dire. Alors que de nombreux musiciens semblent découvrir que laisser sonner une note peut être beau et se contentent de laisser bourgeonner des mélodies au final fort quelconques, le quatuor qui nous intéresse aujourd'hui a dans sa manche deux atouts majeurs : sa sincérité tout d'abord, car s'il est affiché sur leur bandcamp que leur projet est avant tout humain et que leur but est de s'exprimer sans se fixer de limite, cela transparaît véritablement dans leur musique. Ensuite, le fait que cesmusiciens savent se servir de leurs instruments et s'en servent pour'utiliser une large palette de couleurs (parce que la redécouverte des notes blanches, c'est mignon mais ça va bien 5 minutes). Leur deuxième album, The Last Day (un titre qui illustre très bien leur musique d'ailleurs), est un beau voyage, le long de quatre titres d'une dizaines de minutes qui s'enfilent d'une traite sans que l'auditeur ne voit le temps passer.
Forcément, avec des titres aussi longs, aussi atmosphériques et instrumentaux, il n'est pas évident de donner une bonne idée de ce que la galette a dans le bide. Avec un son globalement lourd et saturé, l'ambiance n'est pas à la fête au village, mais ne cherche jamais à tomber dans le pathos, car des guitares parfois plus typiques du post-rock ne manqueront pas de faire leur apparition ici et là. De façon plus générale, tout est mis au service de l'ambiance, à l'instar de cette très bonne batterie à qui il arrive de s'éloigner de son rôle pour, à son tour, apporter de nouveaux éléments à l'espace sonore. Si on n'est pas non plus dans de l'ambiant musicalement parlant, dans l'esprit, on n'en est pas si éloigné. Il s'agit donc véritablement d'un voyage pour les sens, avec ses moments difficiles, ses accalmies, ses instants de grâce, de tristesse et de courage. Entreprise ambitieuse mais réalisée avec humilité et passion. De sorte que l'album s'avère être une belle réussite et devrait pouvoir intéresser les amateurs d'ambiant, de post-quelque chose, et plus largement des curieux en quêtes de nouvelles aventures.
Bien sûr, ce type d'albums n'est pas non plus à mettre entre toutes les mains. De par l'approche privilégiée, on ne peut pas dire que l'album de Saar se démarque par des mélodies entêtantes, des refrains imparables, des solos de folie etc. Pourtant, difficile de bouder son plaisir devant ce The Last Day, qui s'il ne marquera pas la décennie, s'écoute d'une traite avec un grand plaisir. C'est déjà beaucoup, à plus forte raison dans un domaine aussi sclérosé que la scène post. Et si on aurait aimé qu'à l'occasion le groupe insiste un peu plus sur certaines mélodies très bien trouvées mais assez brèves (comme la montée en puissance finale sur "Part IV"), on peut comprendre également qu'il ne s'agisse pas de leur propos, même si du coup ce léger manque de mélodies risque de rebuter certains amateurs de rock. Néanmoins, après les excellents albums de Palms, Sikala ou Thomas Dove, Saar prouve une nouvelle fois qu'il ne faut pas enterrer trop vite une scène qui donne de plus en plus de signes de vitalité retrouvée.
7,5 / 10