Pas facile d'être un groupe de fusion. Trop souvent, les musiciens s'emmêlent un peu les pinceaux et cherchent à compenser des riffs déjà entendus 1000 fois par leur énergie. Comme l'a montré récemment l'exemple de Clovill, cette façon de faire est relativement efficace, peut être hyper accrocheuse en live, mais montre en général ses limites en studio où le côté répétitif devient vite rebutant. Pourtant, les Clovill en question ne s'en étaient pas si mal sortis, grâce notamment à l'ajout d'influences reggae qui passaient très bien, insuffisant malheureusement pour complètement compenser l'aspect générique des passages plus efficaces. Masta Kill n'évite pas complètement cet écueil, ce qui n'empêche pas à son premier album de se montrer étonnamment attachant après quelques écoutes. Né en 2008 du côté de Perpignan, le groupe a rapidement enregistré un EP et multiplié les concerts, y compris en ouverture de quelques grosses pointures. C'est donc avec déjà une certaine expérience que le groupe s'est décidé à aller en studio pour enregistrer sa première galette.
Déjà, après plusieurs écoutes, on remercie le quatuor pour ne pas chercher à faire ce qu'il ne sait pas faire, à savoir baser sa musique sur des gros riffs bourrins, comme 90% des groupes de fusion. S'il arrive que les guitares s'épaississent, les gros riffs simplistes ne sont pas la base des morceaux et peuvent dès lors remplir leur fonction : mettre un coup d'accélérateur de temps en temps, sans devenir saoûlants. Car les zicos ont bien plus de cordes à leur arc que juste envoyer la purée avec quelques influences plus ou moins judicieusement ajoutées à ses compos. Non, Masta Kill ne cherche pas à s'imposer dans cette catégorie mais a au contraire la bonne idée de faire son truc en y allant à fond, ce qui donne des compos finalement assez variées et bien plus réussies. Niveau feeling, le groupe croit profondément à ce qu'il fait, et c'est une différence énorme.
Bravo notamment à l'engagement du chanteur Greg, qui a une bonne voix et va volontiers au charbon, avec un flow qui à lui seul rappelle le mélange des genres. Sa voix est tout autant reggae / ragga que rock et balance des textes sympas parfaitement maîtrisés : le débit se fait plus ou moins rapide, les gros refrains sont également de sortie ("No Hurry"), et si le message est sympathique mais un peu cliché (les capitalistes sont méchants, l'écologie, respect respect respect), ça ne fait pas de mal à entendre et surtout musicalement c'est assez convaincant. C'est notamment grâce à leur chanteur et à son énergie constante que les Masta Kill peuvent s'éloigner du côté groupe de fusion ultra typique en n'hésitant pas à se faire carrément reggae le temps des couplets ("Mister Computer"), à partir vers d'autres horizons ("Respect") et en finissant par mériter son titre de groupe de fusion (et pas de "rock-bourrin-avec un-chant-un-peu-rap").
Alors bien sûr, ce Natural Respect n'est pas non plus l'abum de l'année. On a déjà entendu ce genre de textes 1000 fois, il n'y a rien de très original, mais l'énergie, la bonne humeur, la conviction des musiciens, et surtout bien évidemment le fait que leur musique présente une palette bien plus large qu'on ne le supposerait au premier abord (très bonne idée d'ailleurs de caler quelques courts intermèdes ici et là et de finir par une version acoustique), tout cela rend ce disque assez attachant. Ben oui, c'est agréable aussi de tomber sur des groupes qui n'ont pas de fusion que le nom, qui parlent de "respect" et de "vibrations positives" tout en étant crédibles. Curieusement, le mélange rock / reggae-ragga n'a pas encore été beaucoup exploité. Ce premier album est une preuve de plus que cette association a du potentiel, et Masta Kill de sortir un bon remède à la morosité ambiante. Marre des histoires de quenelles ?
7,5 / 10
