C'est après avoir dignement fêté leurs 20 ans de carrière, notamment en ayant sorti le live 20 ans d'ombre et de lumière l'année dernière, que les bretons de Tagada Jones reviennent avec un véritable nouvel album, qui fait donc suite à Descente aux enfers (2011). Pour poursuivre les festivités, Niko Jones et ses sbires ont mis les petits plats dans les grands puisqu'ils envoient pas moins de 20 titres dans les dents. Reste à voir si la qualité est là. Tout le monde le sait : Tagada Jones, ça tue en concert, ça s'écoute moins bien sur album. La faute à une recette qui a viré vers le punk un peu simpliste après des débuts qui laissaient entrevoir bien plus. La faute à des albums qui se ressemblent un peu trop les uns les autres, de sorte qu'autant on va toujours voir le quatuor avec plaisir, autant l'arrivée d'un nouvel opus n'est pas plus enthousiasmante que ça (sauf pour la perspective des concerts à venir), malgré l'arrivée d'un nouveau batteur. Mais heureusement, si Dissident contient son lot de titres dispensables, les bonnes surprises ne manquent pas.
Vu que c'est la fête, le groupe a invité un bon paquet d'amis et voisins pour faire des featurings en tous genres. Un peu à l'instar de ce qu'on pouvait trouver sur Descente aux Enfers, sur lequel les titres écrits en collaboration avec d'autres s'avéraient de loin être les meilleurs, le sang neuf et les idées un peu différentes apportées par les petits camarades font un bien fou. Si les Lofofora font limite partie des meubles, on apprécie notamment retrouver la grosse voix de Stephane Buriez (Loudblast, Clearcut) sur "Blaspheme", pour un résultat qui n'est pas sans rappeler le Tagada des débuts. Même constat avec le très bon guest de Vincent d'Aqme sur "Vivre", sur lequel Tagada Jones retrouve de ce mordant hardcore qu'il a perdu au fil des années au profit d'un punk bien plus convenu. On ne va pas tous les énumérer, mais la plupart des featurings tiennent leurs promesses (pas complètement pour celui avec Guizmo de Tryo, une super idée pour un résultat sympa mais qu'on espérait meilleur) et offrent une deuxième partie d'album clairement au dessus.
Parce que sur la première partie, si on retrouve quelques titres (vraiment) forts, notamment le premier extrait "De l'amour et du sang" et ses gros choeurs du meilleur effet, c'est rien de dire que des titres comme "Le chaos" et surtout "Vendetta" ont été écrits en mode pilotage automatique. Si le premier, au moins, est efficace, le deuxième aurait pu finir à la poubelle qu'on s'en serait pas plus mal portés. L'album est donc un peu inégal, avec des titres qui montrent le groupe sous son meilleur jour, le couteau entre les dents et bien décidé à proposer ce qu'il sait faire de plus viscéral ("Liberticide", "Dissident", sans compter des titres plus entraînants mais tout aussi imparables comme "Superpunk" ou "Tout va bien"), il n'est pas à l'abri des sorties de route et des titres sans autre intérêt que faire mal en live, alors que son répertoire est déjà bien fourni en la matière.
Si on peut réellement reprocher quelque chose à Dissident, c'est avant tout d'être trop long. 20 titres, l'effort mérite d'être souligné, mais était-ce bien nécessaire ? Il aurait été plus pertinent de laisser quelques titres à l'état d'ébauches et de ne pas les inclure dans le tracklisting définitif (les reprises en fin d'album restent sympas, tout comma la reprise version électro d'un titre de l'album qui fait une fois de plus regretter que Tagada Jones ait réduit son champ d'influences après L'envers du décor). C'est vraiment dommage parce que les featurings tiennent leurs promesses et que plusieurs titres retrouvent une rage qu'on n'avait plus entendu chez Tagada Jones depuis bien longtemps. Les 20 ans de carrière avaient déjà été bien fêtés avec un album et DVD live, alors pourquoi vouloir à tout prix sortir 20 titres, surtout si cela veut dire conserver des pistes qui ne le méritent pas et qui rendent le temps long ? On aurait pu avoir une bombe, il reste un album sympa. C'est toujours ça de pris et c'est l'essentiel, mais si l'auditeur ne devrait pas avoir trop de mal à prendre son pied, il y a quelques titres qu'on zappera sans pitié.