Transatlantic – Kaleidoscope

Il faut croire qu'on ne les arrête plus ! Alors qu'il avait fallu patienter 8 ans pour avoir une suite au chef d'oeuvre qu'est Bridge Across Forever (2001), les quatre fantastiques n'auront eu besoin cette fois-ci que de 4 ans et demi pour accoucher de Kaleidoscope, qui fait suite au très bon The Whirlwind (2009), un album qui prenait toute sa dimension en live. On ne présente plus le groupe, qui réunit 4 grands du progressif à l'ancienne : Neal Morse (ex Spock's Beard) en maître d'oeuvre, Roine Stolt des Flower Kings à la guitare, Pete Trewavas de Marillion à la basse et enfin Mike Portnoy (ex Dream Theater, et inclus dans une tonne de projets) derrière les fûts, soit une dream team quasi parfaite. Ajoutons que les musiciens s'entendent comme larrons en foire, et on comprendra aisément qu'on tient là, à peu de choses près, ce qui se fait de mieux dans le registre du progressif de papa. Quid donc de cette nouvelle livraison ?

Après un concept aussi délirant que The Whirlwind (qui n'était qu'un long morceau de 70 minutes découpé en plusieurs pistes et interprété d'un seul bloc en concert), le groupe est revenu à un format plus conventionnel, avec deux longues suites (une au début, une à la fin), entrecoupées de morceaux d'une durée plus raisonnable. N'y allons pas par 4 chemins : la première de ces deux grandes pièces, "Into the blue", est une réussite particulièrement impressionnante. 25 minutes au compteur, pourtant même les réfractaires au progressif auraient du mal à s'ennuyer. Transatlantic est en effet parvenu à combiner tout un tas de développements mélodiques sans jamais oublier qu'il s'agissait d'une chanson. Oubliez les changements brusques qui peuvent choquer les non initiés, cette longue progression mélodique semble couler de source, ne force jamais son propos, et s'avère limpide malgré sa complexité.

La mélodie imparable est magnifiquement mise en valeur, l'émotion est largement privilégiée à la technique... A n'en pas douter, du très grand Transatlantic, qui est là à son meilleur. Vu comme ça, ça a l'air tellement facile... 

Après une telle claque, forcément, les attentes sont élevées. Les morceaux "courts", quant à eux, auront un impact différent selon les attentes des auditeurs. Ceux qui attendent des breaks de folie en seront pour leurs frais, puisque l'album est globalement trèsmélodique, et si la technique est bien présente, elle est remisée au second plan. Pas de démonstration excessive, c'est le feeling qui est ici privilégié (et pourtant, discipliner Portnoy ne doit pas être chose aisée). "Shine" n'a ainsi rien de très impressionnant au premier abord, sa mélodie n'en est pas moins superbe, qui va puiser dans le prog' à l'ancienne pour nous offrir un très beau moment et se permet même de finir en reprenant le thème de "Into the blue". 

Pas de bol, la suite redescend un peu. Sans démériter, "Black as the sky" et "Beyond the Sun" ne marqueront pas les esprits. La première, énergique, est destinée à relancer la machine. Mais malgré les solos très classes de Morse et un très beau solo final de Roine Stolt, le morceau, sans être désagréable, reste un poil trop convenu pour déchaîner les passions. Quand à la seconde, il s'agit d'une ballade au piano, bien écrite, mignonne, mais qui ne soutient pas deux secondes la comparaison avec "Bridge across Forever" ou ce que fait Marillion. Rien de dramatique, mais forcément, de la part d'un tel quatuor, on en attend plus !

Reste bien sûr le très gros morceau, à savoir le morceau titre et ses 32 minutes. Qui ne convainc pas complètement lui non plus, malgré de très bons moments. Notamment parce qu'il souffre d'un ventre mou qui cumule les mauvais choix. Après près d'un quart d'heure d'excellente musique, Roine Stolt nous offre une partie chantée... et nous gratifie de sa plus belle voix de canard. On a connu l'homme plus inspiré. Rien de trop grave encore, sinon que par la suite, et alors qu'on commenceà trouver le temps un peu long, on n'aurait pas craché sur un petit coup d'accélérateur en plus, ou au moins des mélodies plus marquantes.

Parce qu'à force de chercher à tout prix à multiplier les tours et détours, le groupe finit par se prendre un peu les pieds dans le tapis. D'abord en exploitant à outrance un thème peu passionnant, qui ne méritait pas forcément d'être joué encore et encore pendant aussi longtemps. Ensuite, en coupant net son morceau pour redémarrer de façon assez maladroite, soit un des travers les plus typiques de ce genre de prog' : vouloir en faire trop, au risque de donner le sentiment que le morceau manque d'unité, que plusieurs morceaux différents ont été collés ensemble.

Pas dramatique, certes, mais quand on a été habitués à un certain niveau d'excellence, il est difficile de voir Transatlantic tomber dans un panneau qu'il avait si bien su éviter jusqu'ici. Au moins la dernière partie est-elle plus amusante et délirante, reste que le morceau ne restera pas parmi les classiques du groupe. Pas de breaks de folie, des mélodies qui n'ont rien d'incroyable, quel que soit le bout par lequel on prend ce morceau, il ne s'élève pas au rang des plus belles réalisations du groupe. 
 

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Nous avons donc un album qui, pour un groupe de cette qualité, s'avère un cran en dessous des précédentes réalisations. Cela étant, la comparaison est forcément sévère vu les albums en question. Transatlantic reste donc le baba au rhum du progressif, un mètre étalon pour une certaine conception du genre, que ses aficionados auront sans nul dute grand plaisir à retrouver, notamment en concert pour se reprendre une bonne grosse claque. Mais il y a de fortes chances que d'ici quelques années, quand ces mêmes amateurs voudront écouter le groupe, ils ne délaissent ce dernier-né pour retourner vers ses petits frères.

PS : a noter que la version limitée dispose d'un deuxième disque constitué de reprises, qui vaut carrément son pesant de cacahouètes.

NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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