Ma curiosité a été suscitée par l’annonce du dernier film de Jim Jarmusch Only lovers left alive à la lecture du portrait qu’en a dressé Laurent Rigoulet dans le magazine Télérama*. C’est bien simple, lorsque l’on arrive au terme des trois pages d’entretien, il semble que la pendule ait arrêté d’égrener ses minutes au cours d’une soirée avec un bon pote. Et que l’on vienne juste de refermer la porte après son passage…
Only lovers left alive, sélection officielle de la 66e édition du festival de Cannes, sort en salles le 19 février prochain.
Et c’est un film de vampires. La thématique "vampire" est à la mode il est vrai. Jim Jarmusch enfourche la monture distribuant ses démons à lui, les évocations musicales : Keith Richards ou Eddie Cochran ou littéraires, initiatiques et fondatrices tels : William Burroughs, Mark Twain.
Lorsque l’on connaît la filmographie de Jarmusch (né en 1953 dans l’Ohio aux Etats-Unis) on ne peut être surpris de voir ces références mises en scène. Musicien lui-même et mélomane, il déclare dans l'interview : " [dans les années 70]… je me voyais d’ailleurs devenir poète ou guitariste plutôt que cinéaste ".
Sur le choix de l’univers fantastique, l’auteur s’explique : "Les vampires sont des outsiders… ils s’épanouissent en marge, ils vivent la nuit comme je l’ai fait pendant quasiment toute ma vie. Ils sont profondément humains… traversent les époques… Vous imaginez l’étendue de notre connaissance, de notre expérience, la forme de nos sentiments, le poids de notre nostalgie si nous pouvions vivre pendant des centaines, voire des milliers, d’années ? "
La nostalgie sur fond de mythes musicaux est le principal fil conducteur de l’ensemble de la création du cinéaste à l’exemple de Mystery Train (1989) et sa quête de la figure emblématique d’Elvis Presley à Memphis. Avec dans les rôles principaux ses copains Tom Waits et feu Joe Strummer des Clash.
La B.O. d’Only lovers left alive revient à Sqürl, le groupe que Jim forme à la ville avec 2 autres musiciens.
Jim Jarmusch pourrait être Adam, le héros du film, qui incarne un musicien romantique et underground, vivant en dehors des circuits actuels. Il évolue dans une maison emplie de guitares et d’amplis vintage, des années 50.
Au cours de l’entretien avec Laurent Rigoulet, le cinéaste évoque les figures qu’il a côtoyées à la fin des années 70, à New-York : Les Ramones, Les Talking Heads, Television. A cette époque, le principe de départ de cette scène était de s’exprimer même sans faire preuve de virtuosité. Autrement dit, c’était-là les bases du mouvement punk.
Sqürl, le groupe de Jim Jarmusch
Depuis, devenu farouche producteur indépendant de cinéma, Jarmusch accepte, cependant pour la première fois avec ce film, de ne pas en être propriétaire des droits. Il est contraint d’affronter l’échec de son long-métrage précédent (The limits of control, 2009) qui a eu pour conséquence de faire hésiter les financiers à prendre des risques.
Si la musique initie chez lui les souvenirs, c’est avec son thème fétiche, la désolation, qu’il nous introduit dans l’environnement des personnages.
Il évoque Detroit, aujourd’hui ville-fantôme en faillite, autrefois fleuron de l’industrie automobile américaine avec ses bâtisses laissées à l’abandon, et à l’abri desquelles il fut un temps, des êtres humains y construisaient leur avenir.
Jim Jarmusch, rocker impénitent affirme "la musique est la source de mes films".
Only lovers left alive : le film est en salles à partir du 19 février 2014.
* A retrouver l’entretien de Laurent Rigoulet dans le Télérama n° 3344 (15-21 février 2014).