Transatlantic au Bataclan de Paris (15.03.14)

Résolument abonné à Paris & la France, il ne peut s'écouler 6 mois sans que notre légendaire ami Américain Mike Portnoy ne vienne nous rendre une petite visite pour nous présenter sa nouvelle collection de motifs & couleurs artistiques et musicales ! Seulement voilà, contrairement à The Winery Dogs - son nouveau groupe avec lequel il était venu nous voir en septembre dernier - le pot-pourri international qu'est Transatlantic est loin d'être un coup d'essai : arborant fièrement, et mine de rien, un acte de naissance remontant à l'an de grâce 2000, la croisée des chemins maritimes qu'est la mouture prog favorite de Mikey compte déjà 4 albums-studio à son actif et des légions de fans grandissantes.

C'est salle comble ce soir, et la file d'attente qui se tisse vers le Bataclan est longue comme ... le bras ! Tandis que votre fidèle serviteur et sa bande de malfrats sirotent un Chardonnay au bistrot mitoyen, la file ne désemplit pas et perdurera pendant plus de 2 heures. Volonté pour ces ouailles d'être le plus près possible de la scène afin de s'approcher du divin et panser ainsi leurs écrouelles ? L'engouement est manifestement d'ores-et-déjà bien là, et laisse présager d'une soirée d'anthologie, à l'occasion de cette ultime date de la tournée.

 

Neal Morse

C'est après une longue intro extraite de Whirlwind (2009), que le groupe débarque sur "Into The Blue", le titre d'ouverture de leur dernière production discographique, Kaleidoscope (sorti en janvier dernier). Enchaînant avec "My New World" (SMPTe, 2000), puis la ballade "Shine", premier single de Kaleidoscope, la performance de ce soir est sereine et royalement acclamée. La configuration de l'espace scénique est intéressante, car elle offre pour le public une bonne visibilité de tous les musiciens, tout en donnant le ton quant au parti-pris hiérarchique au sein du band : c'est bien simple, dans Transatlantic, tous les musiciens sont des stars dans leur domaines d'expertise respectifs. Neal Morse magistral derrière ses synthés ; Roine Stolt impressionnant de justesse et de subtilité guitaristique ; Pete "Bilbo le Hobbit" Trewavas, en King de la Comté, menu mais aguerri par les années, est un véritable pilier derrière sa basse ; Ted Leonard (remplaçant au pied-levé un Daniel Gildenlöw convalescent) très convaincant à la guitare "renfort" ; et enfin Monsieur Mike Portnoy, le roi de la drums, que l'on ne présente plus. Mais surtout - et c'est une des "claques" de la soirée, certainement - tous donnent de la voix pour des leads et des choeurs bluffants de charisme et de précision harmonique. Un peu à la manière de Beatles modernes, les cinq musiciens s'alternent pour chanter à l'unisson, et émeuvent l'assistance de ce soir par leur performance vocale commune.

Car Transatlantic, c'est une dynamique différente de la plupart des groupes qui évoluent sur la scène rock : ici, pas vraiment de "voix-star" ; d'identité vocale unique, massive et indélébile ; mais plutôt un bouquet de voix, aux lignes vocales arrangées avec minutie et charme, qui porte au mieux le propos-même du groupe : le brassage de 4 + 1 entités, jouissant chacune d'une grande expérience, d'un savoir-faire artistique et d'une polyvalence qui forcent réellement le respect.

On se demandait ce que pourrait bien valoir Ted Leonard (guitariste-chanteur de Spock's Beard, l'ancien groupe de Neal Morse) et l'on est, dès le début du show, enchantés par son apport au groupe. Mike Portnoy magistral derrière un kit de batterie "minimal" (oui, pour Popo, ce kit-là, c'est du minimal !), placé de côté, sur le pan droit de la scène, de manière originale. Il s'éclate comme un petit fou avec ses copains hippies, et ne rate jamais une occasion de faire le pitre (notamment avec sa china qu'il balance régulièrement). Des choeurs tight, comme à l'accoutumée, et ce timbre immédiatement reconnaissable... Il n'est pas un grand chanteur - et n'en a certainement pas la prétention, de ses propres confidences - mais Dieu que ses lignes vocales sont justes et belles ! Si les bassistes présents ce soir dans la salle, venus découvrir Pete Trewavas (Marillion) ne devisent pas sur le musicien frêle et jouant au médiator, ils seront comblés à l'issu de la soirée, et auront sûrement trouvé nouveau mentor en l'instrument.

 

Mike "Popo" Portnoy

Un des excellentes surprises du show de ce soir est Roine Stolt : pas guitar hero ostentatoire pour un sou, le Néerlendais possède un jeu et un son plutôt feutrés de prime abord, mais laissant progressivement éclore un style original et raffiné. Un excellent son de guitare, très travaillé, tout comme le détournement du grain vintage des amps Orange derrière lui le laisse entrevoir (tellement traité qu'il est, après coup, méconnaissable ; ce qui est fort intéressant d'un point de vue technique). Des "violins" de toute beauté (vous savez, ce jeu avec les micros de la guitare, qui consiste à jongler avec leur volume) qui donnent une dimension évanescente qui ajoute encore au psychédélisme du show.

Souvent planant, parfois musclé, et toujours impeccablement en place, le programme de ce soir est exécuté de mains de maîtres. Une grande complicité uni les musiciens, beaucoup d'humour et de décontraction règnent dans l'exécution d'une musique pourtant si intellectuelle et alambiquée, et quelques clins d'oeil astucieux pointent également à l'horizon : entre quelques références récurrentes à Pink Floyd, et puis le pop-up d'un bout du "Ride The Lightning" de Metallica sur "Kaleidoscope" (avec la pochette de l'album en toile de fond de scène). Tel est le cocktail détonnant de notre night, au cours de laquelle même les moments qui peuvent sembler un peu kitsch ne sont pas dénués de leur innocence touchante et haute-en-couleur (le "This Kind Of Love" entonné par Neal Morse en guise de Happy Birthday à sa fille, perçu comme émouvant pour certains, un peu gnangnan pour d'autres).

En guise de rappel, "All Of The Above" et "Stranger In Your Soul" scelleront un programme de pas moins de 3h (du jamais vu pour un Bataclan, qu'une évacuation aussi tardive), qui comblera le public bien au-delà de ses attentes initiales. C'est bien simple : hypnotisées et totalement converties, les ouailles ayant fait le pèlerinage ce soir en auront largement pour leur argent, et repartiront vers leurs chaumières, des songes prog plein la tête. Surprenante consécration pour un groupe dont le parti-pris artistique pourrait pourtant sembler si hermétique et complexe, que de fédérer autant de monde (il est clair que le Bataclan s’avérera désormais trop petit pour les futures représentations du groupe) et surtout d'assembler un public aussi métissé (jeunes, moins jeunes, metalleux, rockeurs, amateurs de nostalgia 70's ; un panel très intéressant de profils est là). Magnifié par des lights très sympas et un son de qualité, le spectacle de ce soir sera une franche réussite, et l'on peut affirmer sereinement que Transatlantic est définitivement un grand groupe et une valeur sûre de la scène rock, qui sait redonner au style ses titres de noblesse, en lui offrant une nouvelle définition : perfection technique, défi artistique réel, un brassage de personnalités respectées et respectables, chaleur et émotion dans le contenu - la grande classe !

 

Roine Stolt, le "Dave - Vanina ah ah" de la guitare !

 

Setlist :

Intro (The Orchestral Whirlwind)
Into The Blue
My New World
Shine

Medley Whirlwind

Overture
Rose Colored Glasses
Evermore
Is It Really Happening ?
Dancing With Eternal Glory
Beyond The Sun
Kaleidoscope
This Kind Of Love
We All Need Some Light
Black As The Sky

Rappel

All Of The Above
Stranger In Your Soul

Liens utiles :

Le site internet officiel de Transatlantic
Retrouvez Transatlantic sur Facebook

Photos :

Merci à la photographe Marjorie Coulin pour ses instantanés du show.

Un grand merci également à mes comparses musiciens : David Nahon (drums), Romaric Altairac (basse et chant), ArNo Gerard (guitare et chant) & Hos Amini (batterie, et confrère reporter à La Grosse Radio !) de Lumberjacks ; pour leurs impressions et feed-back ô combien utiles dans l'élaboration de ce live report, et qui m'ont permis de retraduire dans ce dernier la dimension hétéroclite même du show !
 



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