Mihuma – Les esprits clairs voient dans le noir

Mihuma, un premier album kaléidoscopique. Aussi bien inspiré par le rock, la soul et les grands de la chanson française (la vraie, pas Raphaël ou  Bénabar), l'univers de Mihuma est assez singulier pour au moins deux raisons : d'abord, niveau musique, on passe sans complexes aucun du rock (gros riffs, rythmes lourds) à des univers bien plus délicats, quand ce n'est pas l'accordéon qui vient faire des siennes. Ensuite, la voix est très particulière. Une écoute très rapide, et le voilà qui va se faire cataloguer hip-hop en moins de deux. Tout faux. Le débit est lent, les rimes ne sont pas systématiques. Mihuma cherche à privilégier un aspect poétique propice à l'émotion. Toutefois, cette voix ne cherche pas à être mélodique et est davantage posée sur l'instrumentation qu'elle ne s'y mêle, d'où un côté proche des univers frontaliers du hip-hop, comme le Slam (attention cela dit, ce qui s'appelle le Slam est déclamé sans accompagnement musical). D'un point de vue artistique, le projet a de la gueule, et quelques titres forts qui laissent entrevoir un vrai potentiel ("L'ombre d'un doute"), malheureusement encore mal exploité.

Car le mélange ne fonctionne pas toujours, malgré l'apport de musiciens très aguerris. Les instrus restent très (trop) gentilles et manquent de folie. L'apport d'un producteur manque terriblement à ces morceaux qui du coup restent parfois un peu trop plats pour emporter l'adhésion.Si la bio précise fièrement que c'est Mitch Olivier qui s'en est chargé, l'homme a beau être une pointure du mixage rock et rap, il n'est pas producteur et ça s'entend. A moins qu'il ne s'agisse d'une volonté, néanmoins, on a du mal à comprendre pourquoi une bonne idée comme les notes de piano égrénées sur "Crimes et sentiments" n'est pas davantage exploitée. Pourquoi ne pas avoir un peu poussé l'idée histoire d'enrichir l'instrumentation qui, même si elle est joliment tournée, a tendance à sacrément tourner en rond ? Un univers sonore épuré n'est pas un mal en soi, mais avec des mots eux-mêmes égrénés avec parcimonie, la monotonie s'installe, que même quelques passages bien rock ("Là-bas" ou "L'art de la séduction" et son gros clin d'oeil aux Doors) ne suffisent pas complètement à briser.

C'est dommage car il y a de bonnes idées, ce débit est décidément original, mais aussi terriblement exigeant. "Dors" par exemple, sur laquelle le chanteur dit à sa fille qu'il ne veut pas lui expliquer à quel point le monde extérieur est dur, est touchante par moments, mais manque de mots plus forts. Si vous connaissez un minimum le rap, alors vous savez que la rime et le rythme ne suffisent pas, le choix des mots est largement aussi important, voire beaucoup plus. Utiliser les sonorités ou prononciations pour insuffler un rythme particulier aux paroles est indispensable, d'autant plus quand la vitesse du flow n'est pas là pour dissimuler des choix malheureux ou qui manquent de pêche. Or, si Mihuma a l'ambition d'un poète, il n'a pas le talent (pas encore du moins) pour parvenir à écrire des paroles véritablement marquantes. Attention, il y a un effort d'écriture, une recherche assez particulière, mais le résultat n'a pas l'effet escompté. Si le projet est intéressant et fait l'effort d'une vraie recherche artistique, il n'a pas encore les qualités nécessaires pour parvenir à ses fins. A suivre...

 

NOTE DE L'AUTEUR : 6 / 10



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