Une musique venue d'une autre planète, un clip très porté sur le cul (censuré par Youtube), il n'en fallait pas plus pour qu'Erotic Market lance le buzz. La sortie de son premier album arrive donc à point nommé pour voir si le soufflé ne retombe pas dès qu'on porte davantage d'attention à ce qui est tout de même censé être le plat de résistance, à savoir la musique, cette fois le long d'un album complet. Parce que lancer le buzz en jouant la provoc', c'est pas si dur et ça suffit pas à impressionner les foules (en tous cas pas bien longtemps). Le groupe n'a dans le fond pas grand chose de rock, vu qu'il s'agit clairement d'alternatif. L'amateur d'AC/DC ne trouvera sans doute rien ici à quoi se raccrocher, ce qui n'est pas forcément un mal vu que des clones des australo-écossais, y en a déjà un sacré paquet.
Alternatif donc, et pas de la pop qui rajoute deux trois délires pour se la jouer hipster, mais bien de l'alternatif qui de temps en temps ajoute un peu de mélodie pour adoucir sa mixture. Le reste du temps, les morceaux sont basés sur des sons à première vue sans queue ni tête (ou pas loin) qui forment un ensemble hétéroclite. Pourtant, il s'agit bien de morceaux, pas d'une bande de crétins s'amusant à faire du n'importe quoi. Et si l'album ne conviendra clairement pas à tout le monde, Erotic Market a de l'idée, part à la recherche de sonorités complètement barrées ("Blah Blah", ésotérique) mais sait aussi faire l'effort, de temps en temps, de proposer des chansons un brin plus terre à terre ("Blue blue", magnifique).
Donc si ce Blahblahrians n'échappe pas complètement au délire de hipster parisien "tiens je vais mettre plein de sons à la con, faire un truc bien délirant et ça va faire le buzz", on ne peut décemment pas réduire l'album à une arnaque. Parce qu'il y a une identité reconnaissable, parce que le groupe sait varier les plaisirs, parce qu'au fil des écoutes, des mélodies se détachent... L'album est très dense et gagne à être réécouté afin d'en mesurer toute la profondeur. Impossible de parfaitement accrocher dès la première écoute, et si nombreux seront ceux qui lâcheront (on ne leur en veut pas), ceux qui s'accrochent pénètreront un petit univers qui refuse les codes, ou plutôt qui s'amuse à les utiliser en les détournant à ses propres fins. Et si le groupe a également le défaut de jeunesse classique de vouloir en faire un peu trop, cela n'enlève rien à son potentiel.
Il est clair qu'Erotic Market, s'il ne cherche pas à plaire à tout le monde, est tout sauf une bande d'escrocs, et que si parfois (rarement) on se dit que c'est un peu nawak, c'est que le groupe cherche, ne se fixe que très peu de limites et a encore un peu de mal à canaliser son énergie, à trouver l'équilibre idéal entre ruer dans les brancards et garder les pieds sur terre. Et encore, il est probable que les véritables connaisseurs en musique alternative auront un point de vue bien différent et ne seront nullement gênés. Pour les autres, certains titres ne manqueront pas de dérouter, d'autres ne feront pas mouche, et pourtant tous ou presque possèdent quelque chose qui parviendra à toucher l'auditeur. Parvenir à mélanger autant de choses (Noise, Hip-hop, pop, rock, électro...) est un petit tour de force et gagne à ce qu'on lui donne sa chance le long d'écoutes répétées. Car si Blahblarians n'est pas l'album de l'année, il impose Erotic Market comme un groupe foncièrement original avec lequel il va falloir compter et, à ce titre, est ce qui s'appelle une réussite.
