Alabasterds – EP

Vous vous souvenez des débuts du grunge ? Avant même le carton interplanétaire de Nevermind et du triomphe de Pearl Jam, le grunge avait finalement beaucoup en commun avec le punk du début de la fin des 70s, dans l'intention aussi bien que musicalement. Les punks représentaient alors une certaine lassitude vis-à vis de la prédominance du progressif, qui d'une part tendait à imposer une vision unique de la musique basée sur la virtuosité, et d'autre part comportait de plus en plus de représentants indignes qui se dirigeaient vers de la pop bien fadasse destinée à séduire les radios. Le grunge, c'était un peu ça aussi : après le hair-métal et leurs ballades insupportables à base de "I love you baby, baby I love you", il s'agissait de mettre un coup de pied dans la fourmilière, de revenir à quelque chose de sale et à un esprit un poil plus rebelle. Et c'est là qu'on a eu les premiers Soundgarden, ou le Bleach de Nirvana, qui étaient assez différents de ce que la suite allait donner. C'est bien ce grunge là que le trio Lillois Alabasterds pratique (même si leur pochette est une référence au dernier Alice in Chains, groupe qui a toujours été bien plus mélodique).


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Et si on avait un retour du punk pour gueuler contre la platitude de David Guetta ? C'est tout le mal qu'on peut souhaiter au groupe, qui publie un nouvel EP. Le son est sale, les riffs dégueulent, on n'est pas si loin du punk pur et dur sur "No Way !". Un gros bon point : à l'instar de Kurt Cobain qui a très vite compris qu'il n'irait nulle part sans un batteur très solide, Alabasterds dispose d'un excellent cogneur, solide, puissant, qui ajoute juste ce qu'il faut pour faire groover un minimum des titres dont ce n'est pas le but premier. Sa frappe bien sèche et régulière fait parfaitement le boulot et vient soutenir des riffs quant à eux bien plus simplistes (punk on a dit). Si c'est aussi le style qui veut ça, on regrette tout de même que d'un point de vue mélodique, le groupe ne fasse pas preuve de plus d'inventivité, se contentant d'aligner des riffs efficaces mais déjà largement entendus ailleurs.
 

Un défaut assez répandu parmi les groupes émergents. Pour le reste, les musiciens savent jouer et varier les plaisirs, "Dr Troy's paper bag" rappellera même de bons souvenirs des 90s à certains. Et puis jouer des riffs sans grand intérêt n'est pas un crime en soi, c'est le cas de la quasi totalité des groupes de punk, qui compensent cette (relative) pauvreté mélodique par un gros feeling et une envie d'en découdre qui devient palpable. Joués avec conviction par des musiciens qui croient dur comme fer à ce qu'ils font, les instrus les plus pauvres du monde peuvent prendre une toute autre gueule. Manque de bol, ici la sauce ne prend que partiellement, la faute notamment à un son qui manque de patate et une voix sans relief ("Stoned", écrit pour être un hymne et qui ne décolle pas).

Si les intentions sont louables, Alabasterds souffre de trop nombreux défauts de jeunesse pour véritablement retenir l'attention. Il leur faudra trouver une direction plus tranchée, bien à eux et prendre plus de risques pour espérer pouvoir se démarquer dans la jungle des groupes émergents. Ce qui ne vous empêchera nullement de prendre plaisir à les voir en concert une bière à la main. Pour ce qui est de vouloir viser plus haut, il y a encore du boulot.

NOTE DE L'AUTEUR : 5 / 10



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