Comment dit-on "rock progressif" en breton ?
Brieg Gueverno roule sa bosse depuis un petit moment déjà. D'abord en solo, puis entouré d'une belle équipe de fines gachettes, l'auteur-compositeur, chanteur émérite, propose en 2012 un premier EP, Bleunioù An Distruj, qui prend le pari d'offrir un rock progressif chanté en langue bretonne. L'idée est fort louable. Si la douceur de la langue anglaise habille bien l'aspect éthéré, léger, de ce genre musical, la langue des Tri Yann s'avère parfaitement adaptée pour mettre en valeur la musique à la fois sombre et réflexive du bonhomme.
Le Monde Clos, voici le sens littéral du titre de ce premier album. Un titre qui, bien entendu, se pose en référence direct au contenu textuel de l'album, opaque pour ceux qui, comme votre serviteur, ne manient pas la langue bretonne. La musique, elle, est au contraire ouverte aux quatre vents. Sur des bases d'un rock-prog contemporain, façon Anathema ou Porcupine Tree, Brieg Gueverno bâtit de longues mélopées engageantes et complexes, qui voit la lourdeur des guitares, ces dernières lorgnant parfois vers le metal ou le stoner, entrer en conflit avec le chant clair et éthéré du chanteur. Cette rencontre donne naissance à des pièces desquelles transparaît une certaine mélancolie, et un côté désabusé, proche d'une certaine torpeur, que l'on peut percevoir sur un titre tel que "Skornet". La beauté du chant, notamment sur la dernière partie du morceau, ne peut qu'émouvoir et convaincre.
Si les instruments dits 'traditionnels", se font peu présents, ils sont toujours utilisés à propos. Quelques instruments à cordes frottées (violons notamment) viennent renforcer l'impact émotionnel de plusieurs morceaux. Un accordéon vient apporter un surplus de mélodies au lent "Door 911", qui clôture l'album. Certaines mélodies évoquent quant à elles le paysage musical breton, à l'image de l'introduction de "Den Ne Oar", titre énergique portée par une guitare flamboyante. Pas de revendication territoriale ou identitaire, et pourquoi y en aurait-il ? Brieg Gueverno se sert du Breton comme d'autres chantent en Allemand, en Finnois, en Espagnol. Ces sonorités inédites accrochent l'oreille, et séduisent naturellement.
Les ambiances et les motifs mélodiques tendent néanmoins à se répéter quelque peu, et désarçonnent naturellement les profanes. Rien de bien grave, car Brieg et son groupe se font, sur chacun des 10 titres de cet album, suffisamment inspirés et convaincants pour faire de ce Ar Bed Kloz une curiosité dans laquelle il fait bon se replonger. Une belle réussite qui, espérons-le, en appellera d'autres.
Tracklist :
01. Ar Bed Kloz
02. Al Liver
03. Traon An Hent
04. Dianket
05. Skornet
06. Divent
07. Den Ne Oar
08. Ar Spilhenn
09. Bev Out Atav
10. Door 911