Jusqu'à ce que mort s'en suive ?
Il est une excellente chose que YES, plus de 45 ans après ses débuts, juge bon de poursuivre sa carrière. Mieux, de la renforcer, puisque Steve Howe, qui a quitté ASIA récemment, se consacre désormais à ce seul bébé. Une bonne chose, bien sûr, puisque le groupe a, durant sa féconde carrière, donné naissance à une honorable poignée d'albums intemporels et magnifiques, notamment dans la première moitié des années 70. Même Fly From Here, sorti en 2011, comportait son lot de très bons moments, sans doute parce qu'il était en grande partie constitué de chutes de studios issues de la fin des années 70, sans doute aussi grâce à la très bonne performance vocale du chanteur Benoît David.
Trois ans plus tard, YES repart sur de nouvelles bases, intégrant en ses rangs le "jeune" Jon Davison, dont les similitudes vocales avec Jon Anderson sont tellement frappantes qu'elles en deviennent presque gênantes. Et puis, cette fois-ci, le groupe propose sur Heaven & Earth, son vingt-et-unième album, uniquement du matériel composé pour l'occasion. Pour un résultat aussi frappant de médiocrité, on en vient à se dire que le groupe n'aurait pas du se donner tant de mal...
Les mélodies qui constituent Heaven & Earth sont à l'image de Steve Howe et ses chemises : apathiques, molles, et transpirent d'un kitsch qui n'a plus aucun charme. La musique d'ASIA, sur ce nouvel album, s'apparente à un rock pour malentendants : les nuances sont effacées au profit d'un miel harmonique qui frise le ridicule. Le guitariste, pourtant si brillant, se contente d'aligner quelques notes en escalade (le solo de "Believe Again"), sans passion, tout du moins est-ce la l'impression que l'on en retire. Si le genre rock progressif n'est pas forcément porteur de complexité, il est néanmoins censé proposer une certaine progression dans les émotions provoquées, dans la construction de ses ambiances. Ici, tout est à mille pied d'altitude, mais sonne de manière désespérément plate.
Il y a bien quelques refrains qui fonctionnent. Celui de "The Game", dans une veine pop-rock, n'est pas désagréable. "To Ascend", doté de sympathiques ambiances folk mélancoliques, est sans doute le morceau le plus réussi. Comble, il est signé par le nouveau venu, qui participe allègrement au processus de composition de ce nouvel album. Un souffle d'air pur au milieu d'un marasme déprimant. "In a world of our own" se fait l'avatar de cette incapacité à proposer une musique un minimum captivante. Tout est ici joué sur le même ton, sans subtilité, sans envie dirait-on.
L'effort n'est pas tellement de pénétrer dans cet album, après tout, tout amateur de YES semble à même de s'investir un minimum dans l'écoute des albums du groupe. Le problème est que le combo n'offre rien, pas de moment de bravoure, pas de mélodie marquante, juste un rock dans lequel les guitares se font inoffensives et les mélodies d'une pauvreté affligeante.
Qui aime bien châtie bien, dit le dicton. Alors, si vous avez aimé le grand YES vous ne pourrez, comme votre serviteur, que déplorer la vacuité de ce Heaven & Earth qui ne laisse rien présager de bon, tant le groupe semble exsangue et au bout du rouleau, là où un ASIA parvient encore à donner le change. Triste et inquiétant.
Tracklist :
Believe Again
The Game
Step Beyond
To Ascend
In A World Of Our Own
Light Of The Ages
It Was All We Knew
Subway Walls