Jay Smith (qui malgré son blaze est suédois) est le genre de type qu'on adore détester. D'abord parce que ne sachant plus quoi faire pour se faire remarquer, il a participé à l'émission "Swedish Idol", version suédoise de X factor dérivé de la "pop Idol" anglaise, et l'a remportée. Exposition garantie, mais crédibilité entamée. Ensuite, la pochette de son deuxième album, qui nous intéresse aujourd'hui, n'est pas précisément un modèle de bon goût puisqu'on l'y voit torse poil en train de FUMER UNE CIGARETTE (rebelle !). Enfin tâchons de ne pas sortir les kalachnikovs trop tôt. Parce que si on vous parle du bonhomme, c'est qu'à part savoir faire parler de lui, il sait aussi chanter et composer, et que le dit album, après le carton du premier en suède, va connaître une plus large distribution, y compris chez nous.
Une belle voix donc, rocailleuse, traînante, parfois limite grunge, toujours juste, au service de compositions proches du blues, de la country (mais pas que), pour un rendu crooner déglingué bien sympa. Il faut reconnaître une chose au chanteur guitariste, il sait composer. Ses mélodies bien foutues proposent de nombreuses nuances et, niveau son, font appel à beaucoup d'éléments en fonction des besoins : cuivres, choeurs, piano, banjo... Jay Smith apprécie l'éclectisme, et après nous avoir sorti deux blues/rock puissants et impeccables pour lancer la machine, le voilà qui part sur des chemins de traverse. D'abord sur la semi-ballade "Keeps me alive" ou l'usage des choeurs fait merveille sur le refrain, puis sur la chanson titre, qui réussit le petit exploit de trouver le juste milieu entre la ritournelle médiévale et la chanson de bar, ce tout en faisant péter un solo de Moog au milieu. Pas mal, pas mal... Et encore mieux quand on enchaîne avec un morceau aussi lent et lourd que "Cowboys from Hell" (hommage à Pantera ?)
Le bonhomme a beau avoir une image tout juste digne des posters pour ados pré-pubères, il sait écrire de bonnes chansons, et tant mieux si votre petite soeur écoute ça plutôt que Lady Gaga. L'album a beau ne pas être une tuerie non plus, il s'avère de haute tenue et enchaîne les titres surprenants. A la limite, cette grande diversité est un peu déstabilisante, même si les influences principales ne changent pas non plus du tout au tout. Mais cet éclectisme est plus typique des artistes solos que des groupes de rock, bien que le trio basse/batterie/guitare reste la base. Justement, un peu plus de simplicité pourrait faire du bien parfois, à l'image du groovy et direct "Evil I might be" qui fait office de petite bouffée d'air frais au sein d'un album très très produit et entièrement construit pour coller à la personnalité de son maître d'oeuvre.
Cela étant, les amateurs de country blues ne devraient pas être déroutés, voire même trouver un bon disque à se mettre sous la dent, pour peu qu'ils oublient le côté parfois un peu trop pleurnichard des ballades et l'image de minet du chanteur. Pour le reste, ce "King of Man" (le titre n'est pas censé être du foutage de gueule, il y a une petite histoire derrière, mais vu l'absence de modestie affichée, on peut légitimement se demander s'il n'y a pas un peu d'égo surdimensionné quand même) est un bon album, qui pourra diviser un peu de par son côté très produit, mais qui devrait mettre pas mal de monde d'accord sur ses belles mélodies.