James Williamson revisite les inédits des Stooges période Raw Power (1973). Tout un programme ! D’un coté les puristes : « les Stooges sans Iggy c’est comme une bière sans alcool », ca ne devrait pas exister. D’un autre coté, ceux qui ont vu les Stooges depuis le retour de James Williamson ont pu constater que le gratteux a encore de beaux restes. Depuis qu’il a obtenu sa retraire d’ingénieur de chez Sony, il peut se consacrer à fond à ses Les Paul Custom. Dès les premières notes, c’est un pur bonheur de réentendre ces compos avec un son de qualité. 30 ans à se taper des inédits, pirates, issus de labels parfois douteux, ça suffit. Place au vrai son. Avec pléthore d’invités de marque, ça devrait le faire.
Allez, je ne vais pas vous faire patienter plus longtemps, j’ai trouvé l’album excellent tout comme celui de Lisa And The Lips. Le lien entre les deux ? La présence de Miss Kekaula, invitée pour deux titres qui s’en sort à merveille avec les compos des Stooges.
"I Gotta Right", morceau punk par excellence, dans la veine de "Raw Power" ! on attend du lourd… Et on en prend plein les esgourdes. En confiant les rennes à Miss Bellrays autant dire que ça dépote. En deux minutes 17 Lisa hurle autant que la gratte de Williamson et on en vient à rêver d’un duo entre l’Iguane et Lisa… Puis un hurlement de tigresse nous annonce la fin du morceau. Quelle baffe !!!
Et en bonus track, un morceau de la trempe de "Heavy Liquid" qu’on a l’habitude d’entendre sur bon nombre de live des Stooges ou d’Iggy rehaussé par la voix de la panthère des Bellrays. Forcement, ça a du sens et on imagine le panard que doit prendre Williamson en balançant ses riffs disto à 12 pendant les presque 5 minutes du morceau. Attention c’est contagieux !
Dans le registre punk sévèrement burné, déjà entendu sur l’album Rubber Legs, "Head On The Curve" est revue et corrigée (méchamment) par Jello Biafra. L’ex chanteur des Dead Kennedys nous prouve qu’il a encore la forme et on obtient une version puissante qui d’entrée donne le ton à Re-Licked.
Quand Bobby Gillespie des Primal Scream se charge des parties vocales, on obtient du lourd pour ce "Scene Of the Crime" parfaitement Stoogien dans l’esprit tandis que James Williamson se régale de faire rugir sa Les Paul avec des bends énormes. On ferme les yeux et on se retrouve dans les concerts des Stooges à Detroit après la sortie de Raw Power (je n’y étais pas vraiment mais c’est comme çà que je me les imagine…).
Coté garage punk, "Wild Love". Un riff a la "J’y pense et puis j’oublie" de Dutronc... Plus accrocheur, pas possible… En plus survitaminé par Williamson. Ce morceau que l’on trouve parfois sous le titre "My Girl Hates My Heroin" est une véritable tuerie. Etonnant qu’il ne soit pas sorti de manière officielle. Pour cette nouvelle version Alison Mosshart se lâche et donne une ambiance particulière au morceau en compagnie de Mark Lanegan. Mister James défouraille à tout va sur ce riff monstrueux. Solos incisifs à souhait, ce morceau est superbe.
"Wet In My Bed" c’est le "Johnny B. Goode" des Stooges. Un pur morceau de rock ‘n’ roll. James Williamson se fait plaisir avec un retour aux sources. Un morceau hyper accrocheur. Pour se faire, il se fait aider par les Richmonds Sluts ce qui lui laisse de la place pour envoyer des solos dévastateurs. Comme le hurle Didier Wampas : "Quelle joie le rock'n ro-oo-ooo-ll !!!"
Avec Nicke Andersson, frontman des Hellacopters, "Cock In My pocket" devient une grosse baffe plein fers dans la gueule des derniers résistants. Un pur morceau punk rock dans l’esprit. On sent bien que Nicke evolue dans un registre familier et la prestation est de qualité. It’s only punk ‘n’ roll but i like it ! Deuxième chance pour "Cock in My Pocket" avec Gary Floyd des Dicks pour une version assez proche de l’originale et aussi de celle de Nicke Andersson. On aurait aimé une relecture plus différente mais c’est quand même un morceau terriblement puissant.
A coté de ces tranches de punk' n' roll taillées dans le vif, on trouve des choses plus subtiles, plus soul, plus blues, ce qui va légitimer la présence de Carolyn Wonderland par exemple. Dans ce registre plus soul, "Open Up And Bleed" accompagné par la voix blues de Carolyn Wonderland fonctionne très bien. On se rapproche des ambiances de morceaux comme "Dirt" sur Funhouse mais croisés avec la Les Paul façon Mick Taylor sur des titres comme "Gimme Shelter" ou "Midnight Rambler". Très belle relecture.
Attention! Pour "Gimme Some Skin", on retrouve Caroline Wonderland bien plus sauvage qu'à l'accoutumée. Elle est ici survoltée façon Sharon Jones pour répondre aux attaques telluriques de la gratte de Monsieur Williamson.
Pour revenir dans le registre plus « cool » , attention, gros morceaux ! "Til The End Of The Night", morceau injustement méconnu, pourrait être pour les Stooges ce que "Stairway To Heaven" est à Led Zeppelin. Une ballade certes mais avec des arpèges gorgés de fuzz et des élucubrations guitaristiques de premier ordre signées Williamson pour finir dans une apothéose de décibels. Ici, difficile de remplacer Monsieur Pop, pas vrai Miss Mosshart. La moitié des Kills et complice de Jack White chez Dead Weather nous livre une première partie slow très soft et la mélodie enfin enregistrée autrement qu’en version bande démo est vraiment agréable. Puis Williamson envoie vraiment la purée et c’est reparti comme en 40 ou plutôt en 73. Ca sonne comme aux plus beaux jours de Jimmy Page ou de Slash. Petit regret, le joyeux bordel de la fin a été supprimé. Dommage tant on sait la propension d’Alison à partir en vrille avec ses différents groupes. On aurait aimé une version plus longue comme au temps des Stooges…
Autre classique passé à la moulinette, "Rubber Legs". Deux versions disponibles. La version avec Ron Young de Little Caesar colle de près à celle que nous livrait les Stooges il y a 40 balais maintenant. C’est du pur plaisir d’entendre enfin les parties de gratte de Williamson avec un son de qualité. Ce type de morceau nous montre son influence aussi importante à ce moment dans le groupe que la patte des Asheton. "Rubber Legs" a droit elle aussi à une deuxième version avec Clint Ruin, gourou de musique expérimentale. Le chant est un peu plus puissant qu’avec Ron Young mais l’orchestration reste le même.
Williamson n’hésite pas à dérouter et on retrouve aussi sur l’album des orchestrations très différentes des originaux. Ainsi, "She Creatures Of The hollywood Hills" est enregistrée beaucoup moins trash que sur Open Up And Bleed. Ca groove avec des relents jazzy, du piano… C’est Ariel Pink, le trublion avant gardiste qui se colle aux vocaux. Une interprétation différente mais bien barrée quand même. Steve Mc Kay tire son épingle du jeu avec des parties de cuivres impressionnantes.
Avec "Pin Point Eyes", les Stooges se sont attaqués à un blues trash lourd qui monte en puissance. Ici Williamson et ses sbires flanqués de Joe Cardamone (Icarus Line) en font une relecture laissant la part belle au piano, super bien léchée (certainement pour faire honneur au titre de l’album Re-Licked) mais qui du coup change assez radicalement le morceau. Une vraie réinterprétation soul plutôt qu’une reprise blues trash…
"I’m Sick Of You", morceau cool aux influences Doors, est issu repris par Mario Cuomo des Orwells d'une manière assez proche de la version originale. Un final en apothéose où tout le personnel se lâche pour livrer un morceau qui monte en puissance pour finir comme un "No Fun" déglingué.
Plein de bonnes choses donc pour ce Re-Licked de James Williamson. Force est de constater que le monsieur a su bien s’entourer en ce qui concerne les parties vocales dévolues à l’Iguane et chacun arrive à tirer son épingle du jeu. Williamson est flamboyant à près de 65 balais maintenant. C’est donc un album très réussi et aussi très bien produit. Il fallait bien ça pour nous faire oublier les démos douteuses qu’on se coltine depuis 40 balais. Maintenant, on veut voir ça live et en plus avec Iggy !!!
En attendant la sortie officielle le 29 octobre 2014 (jour ou Williamson fêtera ses 65 balais) chez Leopard Lady Records, on peut déjà se jeter sur les deux premiers singles avec Carolyn Wonderland et Lisa Kekaula...