Laetitia Shériff est une nana qui ne s'en laisse pas compter, et qui s'est construite une carrière à la seule force du poignet ou presque. C'est ainsi qu'on aura pu l'écouter sur deux albums précédents, dans d'autres projets, mais également dans le cadre de bandes originales. Pour ma part, c'est avec cette nouvelle réalisation que je découvre son univers. Un univers... dans lequel on ne pénètre pas si facilement. Parce qu'écrire des tubes, ce n'est visiblement pas ce qui passionne la miss, qui dans ses influences cite plus volontiers des artistes que l'on peut rapprocher de près ou de loin à des sous-genres alternatifs, comme Neil Young, Nick Cave, Dominique A (qui, on l'oublie, s'est mis au mainstream pour manger autre chose que des pâtes, mais a commencé avec des créations très particulières) ou Sonic Youth. Du coup, cet univers ne cherche pas à s'offrir à l'auditeur, mais se laisse découvrir et surtout, demande à être écouté, et pas en musique de fond.
Les ambiances sont globalement intimistes, parfois minimalistes, les chansons préférant dans l'ensemble se concentrer sur l'essentiel plutôt que de faire feu de tout bois. D'où un rendu qui peut paraître un peu sec à notre époque où le rock "pour-faire-chanter-les-stades" est roi. Cela étant, si les références ci-dessus vous parlent un minimum, vous seriez bien inspirés de vous laisser tenter. Pas vache, la miss nous prend par la main avec un titre tout doux pour démarrer avant de faire monter la température. L'album est décidément solidement concentré sur ses ambiances, peut-être davantage que sur ses mélodies à proprement parler. Le but est davantage de faire passer des sentiments que de flatter l'oreille. Encore que le single "Opposite" fasse preuve des capacités de la chanteuse en matière de belles mélodies.
Pour le reste, si les ambiances sont soignées, certains regretteront que l'aspect très dépouillé ne soit pas compensé par des mélodies plus marquantes (ce qui ne veut pas dire faire du Bénabar, on peut être marquant sans être conventionnel, n'est-ce pas Fiona Apple) ou des trouvailles intéressantes en matière d'arrangements. Quitte à ne pas miser sur le mélodies, pourquoi ne pas développer l'univers sonore ? Car si l'intérêt des compositions se trouve dans le rendu global, on n'a au final ni mélodies marquantes (elles sont parfois même assez bateau) ni univers sonore suffisant pour habiller davantage les morceaux, qui faisait tout le sel de références évoquées plus haut, comme les débuts de Dominique A. Ce dernier s'est par la suite tourné vers un univers davantage variétoche, mais au moins y avait-il de belles mélodies ! Tout le problème de cet album (sympathique au demeurant) réside dans le fait qu'on manque souvent de quelque chose.
L'ensemble est un peu trop sage ("To be Strong"), tout en restant de bonne tenue. Mais au final, malgré quelques beaux moments, on reste sur notre faim, en quête de sommets d'émotion, pour un album qui manque de consistance. Moyennement convaincu donc, surtout devant la quantité affolante d'albums qui regorgent de bonnes idées qui sommeillent dans les tréfonds du net.