Avant de parler du dernier album de Vashti Bunyan, Heartleap, impossible de faire l'impasse sur le parcours ô combien atypique de l'artiste. Car avec près de 45 ans de carrière, Bunyan ne signe là que son troisième opus !
45 ans, les choses sont en fait plus complexes. Bunyan, comme nombre de jeunes des sixties, quitte l'école assez tôt et décide de se consacrer à la musique. Influencée par Bob Dylan, elle s'attaque logiquement au folk; et signe quelques 45 tours égrenés au fil du temps. Ce n'est qu'en 1970 que Vashti sort son premier LP, Just Another Diamond Day, notamment avec l'aide de l'arrangeur Robert Kirby qui avait déjà officié sur les deux premiers albums de Nick Drake. Manque de bol, le succès est loin d'être au rendez-vous, ce qui pousse Bunyan à tout simplement abandonner sa carrière alors à peine naissante. Oui, mais des années plus tard, quelques neo-folkeux et hipsters poilus s'arrachent cet album quasi introuvable. Il faut croire que les affres du temps n'ont pas eu raison de ce premier essai. Histoire de contenter tout le monde, une réédition sort en 2000; et la chanteuse, âgée maintenant d'une bonne cinquantaine d'années, décide de se relancer, premièrement via des guests, puis en 2005 avec son deuxième album, Lookaftering.
Presque 10 ans plus tard, nous voici donc face au troisième chapitre, Heartleap. Sorti en 2014 cet album, vraiment ? Rien ne le laisse deviner à l'écoute. Il faut croire que c'est dans les vieux pots que l'on fait les meilleures soupes; et que l'on apprécie ou pas le folk, cette musique a définitivement un aspect intemporel. Pas de grosses surprises ni d'immense chamboulement ici, Bunyan restant sur sa ligne et proposant une poignée de ritournelles. Toujours calmes, sereines, on se laisse bercer le long de cette rivière de douceur, perdu dans nos rêveries. C'est charmant, c'est reposant, et la barque bouge toute seule. De là à s'imaginer de nouveau bébé, endormi par les chansons d'une bienveillante grand-mère, il n'y a qu'un pas. Donc, dans ce style, c'est très bien, mais dans ce style uniquement !
Si on sent un univers et une écriture, l'ensemble reste classique et très sage, rejetant tout sens de l'aventure, ce qui ne manquera pas d'en chagriner certains . Après, et pour peu que l'on soit client de ce genre de musique, on ne pourra que se régaler. Au fond, c'est un album tribal, quelque part; oui, oui, de la tribu des peluches paumées en pleine nature et recueillies par des elfes boostés au champignon. Champêtre. Et je défie quiconque de ne pas avoir la gorge serrée en écoutant la chanson titre de l'album, Heartleap. Comment ça, vous y arrivez ? Bande d'insensibles !
