On a tous ou presque entendu parler de Ok Go après que leurs vidéos à base de chorégraphies hautement improbables filmées en plan-séquence aient été vues des dizaines de millions de fois sur Youtube. Parodiées et reprises par un grand nombre de fans, puis dans les Simpsons et ailleurs, elles ont permis au groupe de sauver sa carrière, puisqu'après deux albums, le succès tardait un peu trop à venir au goût de EMI. Mais si l'histoire fait un peu contes de fées, il ne faut pas non plus oublier que Ok Go est aussi (et surtout) un bon groupe qui a toujours sorti des albums de rock poppy très bien écrits, voire parfois parfaitement irrésistibles. Après que leurs vidéos soient devenues aussi populaires, les musiciens ont également eu l'intelligence d'attendre un peu, 5 ans pour être précis pour leur 3e album, ce qui leur a permis de laisser le buzz gonfler (au lieu de l'épuiser trop vite) et ainsi espérer voir leur carrière durer. Il n'aura cette fois fallu attendre "que" 4 ans pour que le quatuor revienne avec Hungry Ghosts.
Premier constat, ce 4e opus poursuit le virage opéré par son prédécesseur. L'énergie rock, qui si elle n'a jamais été le principal atout du groupe, n'en était pas moins bien présente sur des compos qui redonnaient un coup de fouet, est la grande absente de cette nouvelle livraison. On a ici affaire à de la pop à l'ancienne, qui évoque à l'occasion les années 1980. Rétro ? Oui, mais pas trop, Ok Go s'étant visiblement bien amusé à essayer plein de nouveaux arrangements électro qui le font sonner très moderne. La bonne nouvelle, c'est que le groupe a achevé sa mue (avant un futur retour aux sources sur une prochaine livraison ?) et se montre cette fois tout à fait à l'aise dans ce registre. Donc si on regrette l'absence d'un bon coup de guitare électrique ici et là, il nous faut néanmoins reconnaître que le groupe n'a pas laissé sa capacité à écrire de bons titres dans son autre pantalon.
Des titres qui sonnent parfois tellement évidents qu'ils auraient pu être insuffisants sont ainsi souvent enrichis de quelques mélodies sympas supplémentaires, qui vont leur donner plus de profondeur qu'on n'aurait pu le penser au premier abord ("The Writing's on the Wall"), même si on frôle l'overdose sur "Turn up the radio", tellement catchy qu'elle peut plaire ou rebuter. Heureusement, c'est à ce moment que l'enchaînement "Obsession" - "I'm not Through" et "Bright as your eyes" délaisse les bruitages trop exubérants pour se concentrer sur une ambiance plus intimiste, mais pas moins travaillée. Un petit air de Beatles qui s'accouple aux Cure fait passer les compos comme une lettre à la poste, avant que le single très soul / r'n'b 70s "I won't let you go" ne vienne coller un grand sourire à tout le monde. Pas d'inquiétudes, Hungry Ghosts dévoile une fois deplus une palette de couleurs riche et variée.
Alors certes, Ok Go n'a toujours pas inventé grand chose. Mais écrire de bonnes chansons, c'est déjà pas mal. L'album pourrait sembler manquer d'énergie rock pure, mais comment rester de marbre devant d'aussi bonnes mélodies, devant cette chouette ballade "The Great fire" en fin d'album, avant que la berceuse "Lullaby" ne vienne conclure ce 4e opus de belle manière ? Comment ne pas reconnaître l'excellent travail de production qui parvient à donner une nouvelle dimension à des mélodies qui seraient autrement restées bloquées 30 ans en arrière ? Pas de quoi crier au génie, mais Hungry Ghosts n'en reste pas moins un très bon album finement ciselé qui démontre une nouvelle fois que le groupe, s'il a certes eu de la chance, n'a pas complètement volé son succès non plus.
