Après Philippe Luttun, voici un autre multi-instrumentiste, de Bordeaux celui-là, qui écrit et enregistre ses albums dans son coin (en faisant appel aux copians quand même), sans autre ambition que de se faire plaisir. Clément Belio est venu à bout tout récemment de son premier album long format (sorti en septembre) après avoir sorti deux EP, de sorte qu'il est plus que temps de vous parler un peu de son oeuvre. La référence à l'ami Philippe n'est pas fortuite, Clément évolue dans un registre que l'on qualifiera de progressif, plus par défaut qu'autre chose dans le sens où si l'éclectisme est de mise, on n'entend pas tant l'influence des grands noms du prog que celle d'autres artistes plus récents. Amusant d'ailleurs de lire sur les différentes pages dédiées au projet que Clément avoue sans gêne avoir inconsciemment "piqué" des plans ici ét là, son but étant davantage de rendre hommage aux grands noms qui l'ont inspiré que de livrer un album qui va révolutionner le monde de la musique.
C'est lui qui le dit !
Cette preuve d'honnêteté en est également une d'humilité, car si les influences sont bien présentes, on ne peut nier le travail réalisé pour faire cohabiter autant de choses au sein d'un album qui parvient à concilier richesse et accessibilité. En effet, si certains titres s'avèrent assez longs (entre 6 et 8 minutes), ils sont régulièrement entre coupés de morceaux plus courts. Pas de longue pièce de 30 minutes bardée de solos ici. Pourtant, du fait d'une majorité de titres instrumentaux et d'un agencement très réussi des pistes, on pourrait également prendre l'album comme un unique long morceau, bien que cela n'ait pas été le but de l'auteur. La quantité de sonorités est impressionnante, mais la mélodie est systématiquement privilégiée, parfois touchante, parfois délirante ("Swell and waves", et ses petits voix de gnomes des forêts)... L'espace sonore n'est jamais surchargé, et si on regrettera une petite baisse de rythme en deuxième partie d'album, les parties plus énergiques n'en sont que mieux mises en valeur (exceptionnel "Revive" et son saxophone qui brille de mille feux sur le final), et les belles mélodies ne sont pas en reste ("Keiro no hi", toujours entrecoupée d'idées pas possibles).
Les idées d'arrangements fourmillent, saxophone, cordes diverses et variées, solos de guitare épiques, différentes trouvailles en MAO, ou tout simplement un bon vieux piano comme sur ce détournement du "Lac des cygnes" de Tchaïkovsky ("Au passage du cygne", qui se tournera vers le jazz en cours de route)... Tout n'est pas parfait pour autant. Tout d'abord, il est vrai que les influences sont parfois trop apparentes, cmme Devin Townsend sur "Imitation", qui porte bien son nom. Ensuite, le rythme de l'album est un peu étrange, puisque la deuxième partie manque, comme on l'a dit, d'un petit plus d'énergie qui lui aurait permis de retenir plus facilement l'attention de l'auditeur. Il faut dire que le tout dure plus d'1h20 (!!!). Pourtant les rythmes barrés ne sont pas en reste : outre le jazz, il ne serait que peu étonnant que l'ami Belio ait une certaine affection pour le Djent et ses avatars comme le montrent des mélodies et rythmes assez typiques (mais bien plus soft).
Les amateurs de musique un peu aventureuse auraient tort de se priver : outre la qualité de ses compositions et les idées en pagaille, l'album n'est nullement rébarbatif. Soyons honnêtes : entrer dans un album de prog truffé de parties instrumentales ultra complexes avec des compos de 15 minutes minimum, c'est cool, mais ça demande de se mettre en conditions. Rien de tout ça ici, ce qui n'empêchera pas les gens qui ne peuvent supporter l'absence de structures conventionnelles de passer leur chemin, d'autant que l'idée étant de compiler masse de styles différents, on y perd volontiers son latin. A vous de voir si le changement d'ambiances ne vous fait pas peur, c'est une qualité qui peut s'avérer être un défaut selon la sensibilité de chacun. Pour les autres, il s'agit là d'un joli morceau, d'un premier album qui on l'espère en amènera d'autres, car à l'instar de notre ami Philippe Luttun, Clément Belio, en canalisant un peu mieux sa créativité débordante (vouloir trop en faire, défaut de jeunesse typique), pourrait nous sortir très prochainement quelque chose d'assez énorme.
L'album est en écoute intégrale sur son Bandcamp, ainsi que ses deux précédents EP !
7,5/10