En cette période de fêtes, niveau littérature, E.L. James avec ses Cinquante Nuances diverses et variées va faire chauffer les compteurs et friser la rupture de stock tout comme le bouquin de l’ex-première dame de France miss Trierweiler. Merci pour ces moments mais ça sera sans nous.
Serge Deft, lui, ne va certainement pas gagner des millions avec son bouquin Des Larmes Comme Des Bananes. Il aura néanmoins gagné le droit de figurer dans les colonnes de La Grosse Radio, ce qui est quand même bien plus gratifiant, vous en conviendrez.
Pas D’Amazon donc pour l’ami Serge mais plutôt la reconnaissance des vrais puristes, irréductibles fans de littérature rock ‘n roll. Comme le chantait Jean Yanne (belle référence n’est-il pas ?) : « Le rock est formidable, le rock est impeccable, le rock est remarquable, le rock est appréciable, le rock est adorable, le rock est admirable, le rock est délectable, le rock est estimable... ». Serge Deft est tout cela à la fois. Le label havrais Closer ne s’y est pas trompé et propose le livre à la vente sur son site…
Mais qu’est ce qui rend ce Des Larmes Comme Des Bananes special ? Pour rester chez Jean Yanne : « Il est inqualifiable, il est déraisonnable, il est intolérable, il est inacceptable, il est insupportable, il est insoutenable, il est inconcevable, il est abominable… » Bref, il est rock ‘n’ roll !!!
Avant de parler du bouquin en lui-même, parlons du contexte et de l’auteur. Alléché par la couv’ sur le site du label Closer, je leur demande les coordonnées de l’auteur en leur parlant de mon envie de le chroniquer pour La Grosse Radio. Voici quelques extraits de la réponse du monsieur :
‘llo Eric !
En écrivant ton prénom, ça me rappelle soudainement que j’ai un cousin qui s’appelle comme ça. Un gars assez étonnant… un peu en marge… et donc avec une vie très remuante. Je n’ai pas de nouvelle de lui depuis plus de dix ans. J’espère qu’il va bien… et que la justice ne l’a pas rattrapé. Bon, je ne vais pas prendre de ton temps avec les membres de ma famille, mais sache quand même que ma mère est une personne formidable aussi, quoique maintenant très âgée – l’un n’empêchant pas l’autre.
J’ai étudié attentivement ta requête, épluché les phrases, décortiqué les mots un à un, pour être vraiment certain qu’il n’y avait pas un piège dissimulé. Elle me parait, au final, fort honnête. Confie-moi une adresse postale sûre… et commence à surveiller ta boîte à lettres. Je vais joindre à DES LARMES COMME DES BANANES, un second opus paru depuis – une nouvelle, un one shot, qui est une « extension » du premier roman. Voilà.
Vais maintenant essayer d’avoir des nouvelles de mon cousin Eric, cette vieille fripouille.
serge
Je n’ai pas l’habitude d’étaler ma correspondance privée mais là, ça me semble pertinent pour resituer l’œuvre dans son contexte. Pas de doute, l’ami Serge Deft a un grain. C’est évident.
Des Larmes Comme Des Bananes regorge de références aux polars noirs, au cinéma (plus précisement à l’univers de Tarantino), et, bien évidemment, au rock ‘n’ roll. Tout comme ma chronique paraîtra absurde à ceux qui n’ont jamais entendu "J’aime Pas Le Rock" de Jean Yanne, ce bouquin ne s’adresse pas aux gens ignorant l’existence des Sonics et du fameux "Have Love Will Travel". Cela est pour moi un gage de qualité évident. Il se trouve malheureusement pour Serge Deft que ce critère induit une confidentialité peu propice à l’enrichissement et aux divers prix littéraires. Mais on peut supputer que, comme une certaine Mariah, il n’en ait pas grand-chose à carrer de cette reconnaissance là.
Lui, il se fait plaisir, tel un Apollinaire s’affranchissant de la mise en page traditionnelle, il se permet des pages blanches, des onomatopées énormes façon comic strip imprimées en caractères gras. De temps un temps un petit morceau de pellicule nous embarque dans l’univers du script cinématographique. On est loin du conventionnalisme du roman policier traditionnel. Et qu’est-ce que ça fait du bien de sortir des sentiers battus !!!
La forme est rock ‘n’ roll mais le contenu aussi. Pour redevenir sérieux quelques instants, l’analyse des personnages y est d’une très grande justesse. Chacun pourra reconnaitre un environnement familier dans cette ville imaginaire et dans le fameux boulevard qu’arpentent les deux flics désabusés qui nous sont présentés comme les héros du récit.
Du rock ‘n roll sans sexe ? Non, rassurez-vous, y en a ! Des récits très imagés, des personnages truculents qui excellent dans l’art du tapinage artistique.
Serge Deft réussi à avoir la fougue du Tarantino des débuts au cinéma. Coté référence littéraire, on ne peut s’empêcher de penser aux œuvres de l’illustre Inconnu et de sa quadrilogie du Bourbon Kid. Ca part dans tous les sens pour finir en apothéose dans les derniers chapitres. Et cerise dans les ghettos, pour ceux qui aurait aimé le bouquin, un spin off, Rita, Orgasmes Mécaniques est déjà disponible. Dans la même veine…
Alors n’hésitez pas, fans de rock, ces bouquins sont pour vous !!! Pour ceux qui veulent du sexe dans la littérature, préférez Deft à Trierweiler et pour ceux qui veulent de l’aventure, préférez les nuances de Serge à celle de E.L. James.
Pour montrer un semblant d’érudition, histoire de faire le poids si jamais monsieur Deft lisait mon papier, je signale que j’ai commencé ma chronique en parlant de E.L. James et Trierweiler et que je finis encore avec eux. Cette figure de rhétorique s’appelle une épanadiplose (Message pour les lecteurs : je vous rassure, je ne connais absolument rien à la rhétorique mais j’ai revu sur une chaine câblée le film Profs avec Patriiiiick Bruel où justement on nous explique cette fameuse épanadiplose).
Cette chronique se veut volontairement bordélique et elle a été pensée comme un hommage à l’œuvre de Serge Deft ! Allez lire l’original maintenant… Vite…
Ps : Question pour les personnes ayant lu le livre : « Combien de fois avez-vous essayé de remettre correctement le coin supérieur droit de la couverture, Monsieur Deft ayant eu la bonne idée d’imprimer la page comme si elle était cornée ? »
Et pour ceux qui voudraient en savoir plus, c'est ici que ça se passe :
http://www.sergedeft.fr/