Dans le milieu du blues et du rock, rares sont les artistes à pouvoir entretenir un engouement auprès du grand public tout en se tenant à l’écart des médias et surtout des modes. Encore plus rares sont ceux qui arrivent à s’assurer une certaine intégrité musicale en optant par ailleurs pour un chant en français. Mais Paul Personne fait certainement partie de ces deux catégories puisque ses apparitions auprès de Louis Bertignac ou Johnny Halliday ont contribué à sa reconnaissance auprès du grand public. Depuis la sortie de Puzzle 14, le bluesman écume les salles de France et de Navarre, toujours accompagné de ses fidèles musiciens : le groupe A l’Ouest. Dans la banlieue de Caen, à Hérouville-Saint-Clair, la salle du Big Band Café (BBC pour les intimes) fait office d’étape normande pour le groupe sur la route. Et c’est une salle pleine comme un œuf qui attend de pied ferme l’homme à la Les Paul.
Fränk
Mais avant cela, un jeune musicien de banlieue parisienne est chargé d’ouvrir le concert de ce soir avec son style métissé, oscillant tour à tour entre folk, soul et reggae. Fränk (c’est son nom) déboule devant un public loin d’être conquis d’avance et surtout dans un silence de mort entre les morceaux. Heureusement, sa bonne humeur parvient petit à petit à briser la glace, même si ses chansons, fort bien jouées, souffrent peut-être d’une interprétation un peu trop maniérée.
Malgré tout, c’est à la guitare que le jeune homme impressionne, avec des rythmiques très bien maîtrisées, voire quelques plans en tapping sur sa guitare acoustique. Si les applaudissements se font peu à peu plus fournis, c’est peut être parce que Fränk parvient à faire gentiment participer le public sur « Down », qui claque des doigts et fredonne les « Don’t let me down » du refrain. Avec des textes intelligents, tour à tour en français ou en anglais, Fränk montre plusieurs facettes de sa personnalité musicale (reprenant même « The Way you make me feel » de Michael Jackson). Le musicien, rappelant tour à tour des artistes tels que Wille and the Bandits ou Ben Harper, fait partager son amour pour les musiques groovy et en profite pour faire découvrir les titres de son premier EP Dans la Tête. Au final, la prestation était réussie car instrumentalement très carrée, malgré une interprétation trop forcée. Mais face au stoïcisme de l’audience, le jeune musicien a su se montrer exemplaire.
Paul Personne
La salle principalement composée d’un public de quinquas grisonnants n’attend plus qu’une chose, la montée sur scène de Paul Personne. Et c’est bien entendu Gibson en main que le musicien se lance dans une introduction Gilmourienne, influence qu’on ne lui connaissait pas jusqu’alors. Mais c’est réellement le blues/rock qui anime le personnage, qui va nous le prouver avec un concert de deux heures et demie, plein de générosité.
A ses côtés, le trio A l’Ouest, constitué des frères Bellanger (Anthony à la guitare et Nicolas à la basse) et du batteur Brice Allanic, fait groover les compositions, sachant osciller avec la plus grande aisance entre le blues rocailleux et le rock endiablé. D’autant plus qu’avec un son excellent (même si un peu fort) la voix de Paul tout comme ses textes sont mis en avant. Et c’est toujours avec sa plume acérée qu’il dévoile des textes à la fois personnels et empreints d’un second niveau de lecture, que l’on se plait à (re)découvrir en live (« Pour quelle bonne raison »).
Côté vocal, le musicien est en grande forme, nous permettant d’apprécier sa voix toute particulière, fondée à grand coup de gitanes et de concerts. Puzzle 14, son nouvel album, est tout particulièrement mis à l’honneur et ce n’est pas pour nous déplaire vu la qualité de cet opus qui met en avant le côté plus électrique du compositeur. Voir le musicien sur scène donne toujours l’impression d’assister au gig d’un vieux copain dans un bar tant l’ambiance se veut conviviale.
Avec une setlist très axée sur le dernier opus, Paul n’oublie cependant pas son passé, réarrangeant pour l'occasion certains titres. Il le dit lui-même : « On va chercher la DeLorean, appeler l’Doc et faire un p’tit tour vers le passé ». C’est ainsi qu’outre le classique « Barjoland », le musicien ressort des cartons des titres tels que « Comme un étranger ».
Parmi les temps forts du concert, on citera « Faire semblant » qui durant presque une dizaine de minutes envoie les spectateurs sur orbite avec ses soli bluesy. Il y a du Stevie Ray Vaughan et du Hendrix chez cet homme là. Paul Personne arrive à transmettre l’essence même du blues et prouve qu’avec quelques gammes pentatoniques et beaucoup de feeling il fait parti des meilleurs guitaristes du genre en France. Car s’il y a bien une chose qu’il ne rechigne pas à faire, c’est proposer de longues parties instrumentales, joutes où il échange quelques soli avec Anthony Bellanger, mettant en avant sa passion pour la guitare. Quel que soit le style pratiqué, entre blues, rock voire par moment hard rock, c’est toujours ce son chaud des amplis à lampe qui est présent, reléguant les parties vocales presque à l’arrière plan.
Finalement la plus grande déception de ce concert provient non pas de la scène, puisque tous les musiciens se donnent à fond, mais plutôt de la salle qui semble trop frileuse. Le public apprécie le concert donné ce soir, mais les applaudissement auraient mérité d’être plus fournis, surtout quand on voit que la salle est comble. Et nul doute que vu la prestation de Paul Personne et ses acolytes, l’accueil aurait mérité d’être encore plus chaleureux. Mais quoi qu’il en soit, cela n’empêchera pas le groupe d’envoyer des bons riffs sur « Qu’est-ce qui a changé » issu du très bon Coup d’blues vol.2 (malheureusement peu représenté ce soir).
Avec un concert qui dépasse allègrement les deux heures, Paul Personne s’éclipse avant de revenir pour un rappel constitué du chaleureux « C’est la vie qui m’a fait comme ça ». Et comme à son habitude, le guitariste ne semble plus vouloir quitter la scène, puisqu’en dépit de sa relative timidité entre les morceaux, guitare en main c’est une autre paire de manches. Les soli s’enchaînent pour le meilleur et le meilleur pour une fin de concert très rock n’ roll.
Toutes les bonnes choses ayant une fin, c’est en remerciant chaleureusement le public que le guitariste et A l’Ouest sortent de scène. Deux heures et demi de concert et autant en générosité, voila ce que le public retiendra. Chacun des musiciens aura été excellent, sachant tour à tour se faire subtil puis direct pour un concert qui aura montré Paul Personne tel qu’il est : un incontournable du paysage français. On attend la prochaine avec impatience.
Photographies : Céline Godard
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