Un. Grand. Artiste
Steven Wilson le dit lui-même, sa carrière solo est devenue une priorité par rapport à Porcupine Tree, le groupe qui l’a fait connaître. Il n’est donc pas étonnant de voir ce musicien si productif tourner à nouveau en France après la récente sortie de Hand. Cannot. Erase. Si nombre de fans ont été déboussolés par la prise de risque amorcée par l’Anglais avec Grace for Drowning puis The Raven that refused to sing, le dernier album montre un Steven Wilson délaissant ses inspirations prog 70 à la King Crimson, pour revenir à quelque chose de bien plus moderne. Vu la qualité de Hand. Cannot. Erase., il nous tardait de découvrir comment le multi-instrumentiste allait adapter l’album sur scène, d’autant plus qu’il a toujours fait preuve dans le passé d’un sens cinématographique très développé, n’hésitant pas à axer ses concerts sur une expérience à la fois visuelle et auditive.
C’est une soirée complète en compagnie de Steven Wilson et de ses musiciens que nous nous apprêtons à vivre dans un Olympia quasiment complet. S’il remplissait la prestigieuse enceinte parisienne avec Porcupine Tree, cette soirée marque une nouvelle étape dans la progression de sa carrière solo. D’ailleurs, on remarquera au cours de ce concert son aisance de plus en plus forte sur scène, lui d’habitude si timide, comme s’il assumait enfin pleinement son rôle d’artiste solo à la renommée établie.
Les musiciens entrent en scène alors qu’un court métrage signé Lasse Hoile défile sur l’écran du fond. Adam Holzmann (claviers) se lance alors dans les premiers accords de « First Regret », qui annoncent le début de Hand. Cannot. Erase. Comme d’habitude, le son à l’Olympia est particulièrement bon et très équilibré, à l’exception peut être de certains soli de Guthrie Govan (guitare) un peu sous-mixés par moments. Au fond de la scène, Marco Minnemann (batterie) est toujours aussi impeccable techniquement et fait sensation avec son t-shirt sur lequel est écrit « En Voiture Simone », preuve de son sens de l’humour habituel. Mais c’est bien entendu vers Steven Wilson que tous les regards se tournent, lui qui sait si habilement passer du piano à la guitare et dont le chant envoûte toute la salle. Il se fera également beaucoup plus bavard qu’à l’accoutumée, rappelant à l’audience qu’en dépit des places assises, il s’agit d’un concert de rock et que par conséquent, le public ne doit pas hésiter à lui envoyer toute son énergie. La précision est bien notée par les spectateurs dont les applaudissement se feront toujours plus fournis au fur et à mesure des morceaux.
Steven Wilson et ses acolytes dévoilent une version live impeccable de Hand. Cannot. Erase, pleine d’émotion (le très beau « Routine » et son court métrage très touchant), ayant toutefois recours aux samples pour les voix féminines (« Perfect Life », « Routine ») sans que cela n’affecte le concert. Si le show est millimétré (le perfectionnisme de l’Anglais n’aurait pas permis qu’il en soit autrement), il n’en est pas pour autant terne et sans envie. Nick Beggs (basse) et Marco Minnemann en sont la preuve puisqu’ils manifestent leur enthousiasme sur l’ensemble des titres interprétés.
Wilson en profite également pour revisiter son répertoire solo (« Index » et son introduction totalement différente de la version studio, qui glace le sang ou encore « Harmony Korine ») mais également celui de Porcupine Tree. « Lazarus » et « Sleep Together » seront interprétés pour un public aux anges, qui ne s’attendait peut-être pas à retrouver des titres de Porcupine Tree ce soir, surtout pas ceux là en tout cas. La surprise est bonne et ces deux morceaux s’insèrent parfaitement dans le concept proposé par Hand. Cannot. Erase.
Malheureusement, alors que tout le monde est pleinement ancré dans ce concert , le leader nous annonce un entracte imposé par l’Olympia. Cela semble d’ailleurs être pesant pour Wilson qui aurait préféré une interprétation sans coupure. Cet interlude a l’inconvénient majeur de casser totalement la dynamique du concert, surtout après que « Regret #9 » nous ait scotché à nos siège, notamment avec le solo de Guthrie Govan.
Le second set redémarre là où les musiciens s’étaient arrêtés, avec « Ancestral » dont l’interprétation de Steven Wilson et ses acolytes est parfaite sur la première partie. La seconde voit le retour des passages jazz/experimentaux si présents sur Grace for Drowning et The Raven malgré l'absence de Theo Travis aux instruments à vent. Comme sur l’album, l’interprétation de Hand. Cannot. Erase. s’achève avec « Happy Returns », finalement proche d’un « Lazarus » (on comprend mieux le choix de ce titre en interprétation) ou de « Trains » (Porcupine Tree). Ce titre tout en douceur voit le public applaudir à tout rompre, alors que les musiciens quittent petit à petit la scène, ne laissant que Holzmann au clavier pour conclure sur « Ascendant Here On… ».
On se dit alors que cet album est certainement l’un des plus aboutis de la carrière de Steven Wilson et que cette interprétation live agrémentée de sa dimension cinématographique est le meilleur moyen de l’apprécier à sa juste valeur. Mais les musiciens en ont encore sous le pied et le rappel verra le leader se cacher (comme sur les tournées précédentes) derrière un rideau pour une interprétation toute en finesse de « The Watchmaker ».
Alors que ce fameux rideau avait déstabilisé beaucoup de spectateurs sur la tournée Grace for Drowning, empêchant toute interaction entre l’Anglais et son public, tel le Wall de Roger Waters, ici l’effet est totalement différent. Il permet de se focaliser sur la musique en elle-même et sur l’interprétation de l’artiste. Alors que le public est réellement sous le charme, Wilson décide de surprendre encore une fois et offre un morceau joué ici en exclusivité sur cette tournée : "Sectarian". De quoi réjouir les amateurs du second album finalement peu mis à l’honneur. Mais c’est littéralement le second rappel constitué de The Raven That Refused to Sing qui va transporter les spectateurs. Ce titre, agrémenté de son clip très poétique, n’est peut être pas le plus accrocheur de la discographie de l’Anglais mais termine admirablement bien un concert exceptionnel. C'est d'ailleurs une standing ovation longue et méritée qui remercie l'Anglais et ses camarades.
Avec ce show à l’Olympia, Steven Wilson a montré qu’il est désormais un artiste solo à la carrière bien établie. On l’a senti beaucoup plus à l’aise, assumant sans trembler son nouveau statut, bien aidé en cela par une interprétation réussie de Hand. Cannot. Erase. qui se hisse au rang des albums incontournables du prog. Il a également été très appréciable de voir une certaine prise de risque des musiciens et une volonté de revisiter certains titres tels que « Index ».En dépit d’un interlude imposé et qui n’était franchement pas nécessaire, les musiciens ont su combler les attentes du public et nous ont fait passer Une. Excellente. Soirée.
Setlist :
First Regret
3 Years Older
Hand. Cannot. Erase
Perfect Life
Routine
Index
Home Invasion
Regret #9
Lazarus (Porcupine Tree)
Harmony Korine
Ancestral
Happy Returns
Ascendant Here On…
Encore :
The Watchmaker
Sleep Together (Porcupine Tree)
Encore 2 :
Sectarian (exclusif pour la tournée)
The Raven that Refused to Sing
Photographies : © 2015 Marjorie Coulin
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