Tout le monde connait "Liberta", le titre phare de Pep's, signé Universal, mis en avant par la major en 2009. De notre côté, on avait eu la chance de discuter avec l'artiste bien avant cette propulsion en FM puisque tonton Mallis l'avait reçu à l'antenne le 14 avril 2006. Date anniversaire donc, 9 ans plus tard il nous accorde cette nouvelle interview, en toute simplicité.
Florian, c'est un vrai, comme on dit. Un musicien, un auteur-compositeur passionné qui continue sa route en ouvrant les bras aux rencontres, aux projets, aux bons sons, aux inspirations, à l'humain... Il nous parle de son chemin, de son side project (Grand Océan), de ses influences et de son quotidien.
Bonjour Florian,
l’eau a coulé sous les ponts depuis ton premier album en 2003, il s’en est passé des choses depuis, tu as sorti des albums en indé et en major, tu nous parles de ton parcours ?
Ca se résume à « faire de la musique en prenant du plaisir ». Ca a toujours été ça mon parcours.
Tu sais major et indé, ça ne veut pas dire grand-chose.
Il est sûr que lorsque « Liberta » est devenu un titre majeur, enfin « major », on a eu la puissance d’une grosse maison de disques, c’est sûr… Mais moi, j’ai 35 ans cette année et la musique est très différente de l’époque où j’ai commence à en faire, professionnellement on va dire il y a 14 ou 15 ans (j’ai commencé à faire de la musique à 6 ans en fait). Le business a changé parce que sont les radios et les télés qui commandent, les The Voice et ces choses-là... Après il y a aussi de très bonnes choses qui en sortent, comme les Fréro, je pense que les gens savent faire le tri.
En musique tu as eu quelle formation ?
Ma mère m’a inscrit dans des écoles de musique associatives quand j’étais petit. A la base je suis tromboniste, mon père était guitariste, mon grand-père jouait de la mandoline, il est italien, donc j’ai baigné un peu dans ce milieu-là depuis que je suis tout petit.
Ca a toujours été associatif pour moi la musique, à part à part quand j’ai fini dans une major mais finalement le business, ça me pose problème. Pour moi c’est de l’art et du loisir. J’ai commencé avec les cachets des concerts, rencontrer les gens, humainement, au corps à corps. C’est pour ça que je te parlais des Fréro Delavega, je pense qu’ils s’en sortiront bien parce qu’ils sont hyper généreux avec leur public. Aujourd’hui être un vrai musicien c’est une performance. On va dire qu’il y a des sportifs de la musique, ce sont ceux qui s’en sortent.
En parlant de rencontres, tu en as fait une importante récemment, c’est celle de Clément, CKLM…
Ouais Clém' c’est un des artistes les plus talentueux que j’ai rencontré. C’est une nouvelle race d’artiste, à la fois un très bon musicien et un très bon chanteur, qui sait chanter en anglais parfaitement, qui sait raper parfaitement, qui est hyper doué. C’est une très belle rencontre oui. On est tombé amoureux l’un de l’autre musicalement et donc on a formé ce duo, Grand Océan, on verra où ça va nous amener. Le but c’est de prendre du plaisir aujourd’hui.
Tu sais, être papa ça a changé ma vie.
D’ailleurs attends une seconde parce que je suis en train de surveiller mon fils au jardin d’enfants. Tiens ce sera un scoop si tu veux le dire parce que je n’en parle pas souvent. Prendre le toboggan dans le 93 c’est un peu la jungle (rire).
Pour en revenir au projet, avec Clem on s’est rencontrés au mariage de notre tourneur, respectif à l’époque. Et aujourd’hui c’est un gros trip musical. Surf et musique. On va partir bientôt en Nouvelle Calédonie, en juin, à Nouméa. On est dans un développement musical où il n’y a pas de limite, que ce soit au niveau des pays, de la langue ou de la musique. On essaye d’avancer petit à petit dans ce milieu de crocodiles…
Vous vous accompagnerez de quels instruments avec Grand Océan ?
Il y a beaucoup de slide.
Guitare hawaïenne, cool…
Oui voilà, guitare hawaïenne, guitare qui se joue à plat, qui vient du blues américain parce que les gars ils avaient tellement mal aux mains que quand ils jouaient de la musique, ils étaient obligés de mettre la guitare à plat !
Tu es aussi influencé par les courants artistiques d’Afrique du Nord !
Oui ben tu sais, ma femme est marocaine, déjà, et puis ça date d’avant, de mes influences personnelles, de ma vie, de mes origines. Sur le projet « Pep’s » j’ai joué avec les mecs de Gnawa Diffusion, avec des artistes de grande renommée internationale… Et puis c’est surtout parce que j’ai passé beaucoup de temps dans le Sahara, j’ai pu me recueillir pendant beaucoup de mois à côté de la Mauritanie, pour moi c’est beaucoup de partage, je n’ai vraiment jamais fait de la musique pour faire du business, je ne viens pas des labels parisiens.
Oui je m’en doute. Justement, en parlant de ta musique en solo, je voudrais mettre l’accent sur le titre « Madiba », ta phrase « s’il y a un homme, c’est toi » tire carrément les larmes. D’où t'est venue l’envie d’écrire sur Nelson Mandela ?
J’ai eu la chance d’être élevé par des gens qui m’ont donné de la culture, beaucoup d’amour et de la compassion pour le peuple africain. J’ai un père très âgé qui m’a toujours parlé du racisme et de l’apartheid, ce sont des choses qui le rebutaient, c’est très encré depuis que je suis né.
« Madiba » c’est un titre que j’ai écrit d’une traite, comme c’est souvent le cas pour mes textes, ce sont des choses qui me viennent par émotion et par pureté, on va dire. Il n’y a eu aucune retouche sur ce texte, c’est comme la naissance d’un enfant. Chaque chanson pour moi c’est un bébé. Mais ça me fait plaisir que tu dises ça, pour moi « Madiba » c’est une belle chanson, j’espère qu’on l’écoutera dans une dizaine d’années.
Et c’est marrant que tu en parles parce que le batteur qui joue actuellement avec moi et avec Harrow Diffusion et plein d’autres groupes m’a dit exactement la même chose que toi en début d’après-midi ! C’est raccord !
Ah oui, en effet !
Qu’est-ce que tu penses de la musique qui est diffusée en FM ces dernières années ?
Est-ce que tu veux vraiment que je te dise ? (il rit)
Je pense que c’est un mauvais moment à passer… En tout cas, moi je ne m’y retrouve pas du tout. Et je vais peut-être paraître ancien en disant ça alors que je bosse avec plein de jeunes, etc… mais les textes d’IAM ou même de NTM à l’époque, dans le rap par exemple, c’était quand-même autre chose. Après du côté de la variété, ils ne sont engagés que dans leur pognon.
Après je ne vais cracher sur personne en particulier, je dis juste que moi, ça ne me correspond pas. J’ai besoin que ça me fasse décoller, au niveau de la musique et au niveau des textes. Le dernier qui m’ait procuré ça, c’est Bertrand Cantat. « Comme elle vient »… Tu vois ça me fait des frissons rien que d'en parler ! Après, malheureusement, on connait la polémique, mais artistiquement c’est quelqu’un que je respecte énormément Bertrand Cantat. C’est quelqu’un que je revendique dans mon écriture et dans plein de choses.
A l’heure où beaucoup de choses passent aussi par le web, quel est ton rapport avec ces nouveaux schémas ? Les réseaux sociaux, etc…
Les réseaux sociaux pour moi c’est fait pour rigoler. Tu sais moi je suis toujours dans la rigolade. Comme si t’étais avec plein de potes au même moment et puis tu discutes. Et puis pour dire des conneries, je ne suis pas le dernier !
Après, comme je te disais, au niveau développement et carrière, je ne suis pas forcément en adéquation avec ce qu’il se passe dans le milieu mais on ne sait jamais hein ! Il y a eu des mouvements punk, des mouvements hardrock, peut-être qu’on va revenir à un mouvement général de bonne musique…
Moi je suis plus influencé par les Doors, les Red Hot et les Rage et pour le hip-hop français par IAM et NTM, il y a aussi les Fugees… Bref, je ne vais pas refaire la musique, j’essaye de faire ce que j’aime et ce n’est pas simple d’être intermittent du spectacle…
Est-ce qu’il y a une phase que tu préfères dans ton métier ? Est-ce que ce serait plus la phase de création, d’enregistrement ou la scène ?
La scène c’est quelque chose qui m’a fait rester, c’est un besoin, c’est être au contact des gens… Je pense que même si un jour je faisais des Zenith, je serai toujours au contact des gens, même s’il fallait que je fasse 3000 autographes à la fin, même 4000 !
Aujourd’hui, j’habite entre le « 9-3 » et le « 9-5 », avec une pluralité de gens, des chinois, des indiens, des noirs, et c’est un peu ça la musique pour moi ! On se retrouve tous, on se fait un bonheur, on joue tous ensemble ! Les meilleurs musiciens que j’ai croisé c’est dans le Sahara ou au Maroc. Puis je suis papa depuis peu et je vois mon fils qui gratte la terre et la poussière et il est au top quoi ! Si un jour il gratte la guitare, j’espère que je lui aurai transmis ces valeurs… « Fais-toi plaisir ! »
Après, c’est vrai que quand tu as eu un gros succès, c’est difficile. Exister dans ce métier, c’est difficile… Mais ce sont des phases et des cycles, tout le temps…
Si tu veux bien, on termine cette interview sur un petit jeu. J’ai une liste de mots en rapport avec tes textes et ton univers, je te dis chaque mot et tu me dis spontanément ce qu’il t’évoque, ça marche ?
Vas-y !
Bateau : rêve
Vivre : ivre
Couleurs : café
Sentiment : amoureux
Fille : la fille que j’aurai un jour, j’espère !
Valeur : générosité
Aventure : voilier
Rêve : que toutes les balles soient en caoutchouc !
Soleil : qu’il nous fasse tous bronzer pour qu’on ait la même couleur...
Evasion : musique
Nature : montagne
Bois : guitare
Mot : absolu
Famille : la vie
Amitié : déception
Liberté : kitesurf
Tu es toi-même surfeur ?
Snowboardeur moi…
Ami de Tristan Picot, tu lui as même rendu hommage dans une chanson…
Ouais, Tristan il était aussi bon sur l’eau qu’en montagne. Ca a été un des meilleurs snowboardeurs européens, si ce n’est mondial… Je suis entouré de gens de la glisse et de la montagne. Ce mec-là c’était un surdoué. Tristan c’est une grosse blessure chez nous. Enfin, je dis déjà tout dans la chanson : « Il n'y a pas de vie sans risque et ce risque nous donne raison ».
Je pense que la vie change quand on évolue. On a beaucoup de rêves, même quand on avance… La musique, aujourd’hui, elle me donne envie d’arrêter des fois. Mais je vais continuer parce que j’ai des gens qui me poussent à le faire. Sinon je pense que je serais en train de faire cuire des patates dans le désert. Ce n’est pas que ce soit toujours dur, le plus dur c’est la tristesse de ce qu’on entend aujourd’hui. Je pense qu’il est là le problème. Je ne suis pas là pour juger mais… je ne pense pas que Black M laissera des traces comme Cabrel… Je ne dis pas que l’un ou l’autre est une meilleure personne, je dis juste que pour moi, La Corrida, c’est une très belle chanson…
La seule chose pour laquelle je me suis battu (et vraiment, parce que je viens du sport à la base) c’est que mon père puisse me voir à l’Olympia. Et depuis que mon papa et ma maman m’ont vu dans cette salle mythique, j’ai un peu rempli mon contrat. Ça peut paraître débile, provincial et tout ça mais c’est la vérité. Je viens d’un village de 1000 habitants, je me suis battu en étant affilié à « musique de province », tout le temps, toute ma vie j’ai été considéré comme ça, c’est toujours le cas et je suis fier de venir de Province ! Fier de ce que j’ai fait par rapport aux associations et je viens de là. Après, tous en province on adore goûter le caviar et surtout le foie gras mais dès fois on le fait mieux à la maison 😉
Au niveau business, je pense que j’ai été faible parfois… Mais je resterai fort maintenant, avec les faiblesses que je connais.
Merci Florian. Je te dis à très bientôt puisque tu joueras avec Grand Océan aux Nuits Guitares de Beaulieu-sur-mer le 4 juillet, c’est chez moi (3000 habitants ;))…
Ah ben oui, on se rencontrera alors ! Je pourrai te présenter, à part la mienne, toutes les femmes de ma vie : mes guitares 🙂
Avec plaisir !
© Photo Vanessa Andrieux
Flora Doin