Après un premier EP sorti l'an dernier intitulé Je t’aime l’amour qui annonce la couleur ; voici le premier album de White Crocodile, The Stranger, sorti le 14 avril dernier et qui tourne dans mon baladeur depuis. Il était donc temps qu’on vous livre ce rock mi-urbain, mi-western.
Le groupe formé depuis 4 ans par la fougueuse aventurière anglaise Julie Biereye se définit comme un véritable mouvement esthétique. Julie s’entoure d'un batteur suédois, Erik Maunoury, du bassiste Mathias Fedou, et d'un guitariste, Julien Omé, pour ce projet d'une grande liberté universelle. Aux musiciens, s'ajoutent le réalisateur Laurent Aspesberro et le plasticien Troy Henriksen pour la pochette recherchée. Voilà de quoi créer l'ambiance de ce projet au long cours.
Le mélange urbain-rural, on le saisit rapidement par des titres significatifs qui donnent le ton, les tons.
''One way ticket'' en intro de l'album est un aller simple pour nous lancer dans l'aventure. Aventure qui nous mène à "Santa Fé" pour un western langoureux teinté de blues. Et avec "The walker", on garde l’esprit western où un étranger débarque... Un morceau en anglais et en français, mélange par couplet assez surprenant. Dans l'écriture Julie et sa bande se jouent des codes avec une liberté séduisante.
Ce voyage musical équilibré entre deux mondes se fait puissant quand il arrive en ville.
"Where’s the Money" par son ton, sa narration et surtout son accent est violemment urbain, ça grince, c'est méchamment rythmé. Cette énergie de la rue, on la retrouve dans "Big City" où des gens sont partout, ''The people are everywhere''. La guitare y est piquante, ses riffs martèlent incessamment et le tout est agrémenté par un chant entêtant marqué d'énergie punk. On reste dans le domaine cradingue de la grande ville avec "Restless" qui nous jette un rock ardu et "The lady’s on fire", morceau dans la teinte de l’ensemble de The Stranger, enragé.
"Le crocodile blanc", morceau interlude susurré-crié d'une minute onze, annonce la couleur et ce que pense notre héroïne: « A Paris, il paraît que ça fait classe d’avoir un crocodile chez soi…Mais on s’en débarrasse avant que ça grandisse. Ce sont des êtres jetables, comme les poètes. On les jette dans les toilettes et on en entend plus parler. Ils vivent très bien dans les égouts, seulement ils deviennent tout blancs à force de ne pas voir le soleil. » La thèse d'une ville, société malade et hyper-consumériste y apparait poétiquement.
"Les avions" est le second single de l’album après "Where’s the money", le morceau joue encore sur le mélange français-anglais, où il est question de la chance que nous avions et d’avions qui volent…Un morceau grandement radio edit avec le gimmik amusant de son refrain «nous avions des avions» que vous pouvez découvrir dans le clip ci-dessous réalisé après une nuit-crocodile blanche de réveillon.
Il y a aussi de la douceur dans cet album vitaminé avec "Loneliness" et "Sleepless tango" qui est une berceuse amoureuse toute en émotion. Erik Maunoury y frotte ses caisses en finesse et la guitare joue en subtilité. "Loneliness", en milieu d’album, est une ballade que l’on mettrait volontiers en fermeture d’un Tarantino. Et globalement, The Stranger provoque mon cerveau cinéphile, avec les images constantes qu’il me provoque, où je me sens embarqué dans les grands espaces de l’Ouest américain ou dans des ruelles de Londres des années 80.
Des morceaux follement agités, assez courts car explosifs, une grande diversité, une esthétique classieuse et une voix qui vous entraîne où elle le désire, et vous la suivez, comme happé par une nappe vaporeuse et néanmoins fougueuse, où The Stranger, ce n’est pas vous mais celui qui ne suivrait pas.
Yann Landry
Crédit photo : Pete Smith