Alors qu'au même moment AC/DC remplit le Stade de France, c'est un concert plus intimiste qui se profile dans l’enceinte du Divan Du monde. Quelques mois après le passage de Steve Rothery à Paris, c'est un autre membre de Marillion qui se lance dans une escapade en solo. Sauf qu'à la différence de son compère guitariste, c'est dans une configuration en piano/voix que le chanteur de Marillion s'essaye dans le cadre de cette tournée h natural. C'est l’occasion pour le chanteur de revisiter des morceaux de son groupe principal et de reprendre des compositions d'artistes divers et variés hors de la seule sphère du rock progressif. De plus, ce genre de tournée permet également à Hogarth de retrouver une certaine proximité avec ses fans.
Le concert de ce soir est divisé en deux parties. La première voit le chanteur se mettre à nu uniquement équipé d'un clavier. La seconde permettra à Steve H de redynamiser un peu les choses avec l'aide de son fils Nial au cajon et de Dave Gregory (ex-XTC) à la guitare acoustique.
Lorsque Steve Hogarth entre en scène l'ensemble du public prend immédiatement conscience du fait que le chanteur, si exubérant avec Marillion est ici beaucoup moins à l'aise, faisant preuve d'une timidité presque troublante. Mais musicalement c'est un sans faute. H interprète magnifiquement certains titres de Marillion, depuis ses débuts dans la formation (« Dry land », « Easter », « Cover my Eyes ») jusqu’aux morceaux les plus récents (« The Sky above the rain », « Faith », « This train is my life »). L’interprétation est toujours juste et chargée en émotions, dévoilant un artiste d’une sensibilité à fleur de peau, et qui vit réellement ses textes.
Contrairement à son habitude avec le groupe de prog anglais, Steve H est beaucoup moins bavard qu’à l’accoutumé entre les titres, mais glisse tout de même quelques traits d’humour (comme une blague qu’il ne racontera finalement pas). On remarque d'autres part que le choix des titres de Marillion concerne essentiellement les morceaux les plus pop, qui prennent ici une tout autre couleur. Et il aurait été difficile pour le chanteur, armé seulement de son piano, de bien rendre le côté épique qui transpire des morceaux les plus progressifs. On apprécie d’ailleurs mieux les compositions les plus faibles de la discographie des Anglais période H comme « Cover my Eyes », « You’re Gone » ou « Pour my Love ».
Mais ce sont les reprises d’autres artistes qui apportent une réelle plus-value à ce concert. H y interprète ces titres de façon plus que convaincante, si bien qu’on pourrait penser qu’ils ont été écrits pour lui. C’est ainsi que le public se voit gratifié d’une version poignante de « Here comes the Flood » de Peter Gabriel (ou comment l’un des meilleurs chanteur prog actuel rend hommage à l’un des meilleurs chanteur de la génération d’avant). Des reprises de Leonard Cohen (« Famous Blue Raincoat »), Cat Stevens (« Lady d’Arbanville ») ou encore David Bowie (« Life on Mars ? ») permettent également au public d’apercevoir l’étendue des influences de Hogarth.
Au bout d’une heure dans cette configuration piano/voix, le chanteur s’éclipse quelques instants avant de revenir accompagné de son fil Nial et de Dave Gregory à la guitare acoustique. Et il faut bien avouer que cette configuration permet de réveiller un peu l’auditoire car si l’ambiance était intimiste dans le premier set, elle manquait cruellement d’échanges et de participation de la part du public. Les choses sont ainsi réparées dans ce second set plus dynamique, où le public chante à tue-tête « Like a Rolling Stone » (Bob Dylan) ou « Ruby Tuesday » (The Rolling Stones). Hogarth semble d’ailleurs plus à l’aise entre les titres sachant la présence de musiciens à ses côtés et expose moins sa timidité.
L’un des grands moments de la soirée aura été sans conteste l’interprétation de « Waiting to Happen », qui si elle ne bénéficie pas ici de la puissance dégagée par le quintet lors des concerts de Marillion dévoile un chanteur totalement habité et presque au bord des larmes.
C’est sur le plus rare « Three Minutes Boy » (Marillion) que Steve Hogarth quitte la scène après avoir joué près de deux heures et demi et interprété une trentaine de titres. Si la première partie a manqué quelque peu de dynamisme et d’échange entre l’artiste et le public (dont une partie n’a cessé de réclamer en criant certains titres, amenant H à comparer les requêtes avec une liste de course), le chanteur a su se montrer généreux, tant dans l’interprétation que dans la durée du concert. On retiendra une deuxième partie plus intéressante car moins dépouillée et un chanteur plus à l’aise face à son public.
Quoi qu’il en soit, dans le public comme sur scène, on ressent que tout le monde a passé une excellente soirée et l’on souhaiterait pouvoir assister plus régulièrement à des prestations solo du chanteur.
Merci à Clémentine Laronze et au Divan du Monde
Photographies : Céline Godard
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