Non la musique instrumentale n’est pas morte après "Miserlou" de Dick Dale. Quelques valeureux guerriers résistent et proposent des instrumentaux de qualité avec des relents prononcés de surf music certes, mais pas que ça. Tony Guerrero et ses Diablitos se positionnent sur ce créneau et nous livrent un album concept intitulé Come Hell Or High Water.
"Badges" ouvre l’album avec des guitares étincelantes qui cisaillent. La reverb’ réverbe, le vibrato vibrate… On s’y croirait… Allongé au bord de la plage en attendant le coucher de soleil. Puis de temps en temps, la guitare s’emballe et on se rapproche de ce que certains qualifieront de desert surf. Moi je dis que c’est du putain de bon rock ‘n’ roll.
Avec "Coastanoa", on reste dans cet esprit surf music toujours très cool, on a un titre qui oscille entre la musique « easy listening » parfaite pour siroter un cocktail entre amis et plus si affinité une fois que les potes se sont barrés et qu’on se retrouve tout seul avec madame.
Le coté instrumental colle aussi parfaitement à la musique de film. Avec son intro plutôt calme, ses arpèges de qualité, "El Diablito Y La Sirena" est un instant de tranquillité dans cet album. Parfait pour illustrer un bon western ou un road movie habité. Moi, je mettrai bien quelques kopecks sur le fait qu’on retrouve Tony Guerrero dans la B.O. d’un des prochains Tarantino, c’est à fond dans l’esprit… La musique à le pouvoir de nous embarquer loin, de créer des ambiances. Et Tony Guerrero et ses Diablitos excellent dans cet art-là…
"Undertow" instaure une ambiance plus lente mais plus emphatique que les précédents titres. C’est une atmosphère plus pesante qui s’installe et pourrait correspondre encore parfaitement à l’illustration d’un film western noir. On imagine bien ce titre dans la scène du cimetière dans Le Bon la Brute et le Truand d'Ennio Morricone.
Chez Tony Guerrero y El Diablitos, la surf music prend quand même une part importante. Dans l’esprit des productions des Phantom Surfers ou autres apôtres du surf instrumental, ce "Filero" fait sonner des guitares cristallines à souhait et nous embarque dans une rêverie que seule la musique instrumentale peut permettre. Certains y trouveront quelques relents de guitare espagnole façon "Malaguena" qui pour la petite histoire est, d’après Keith Richards, le morceau qui lui a donné envie de jouer de la guitare pour le résultat qu’on connait.
Avec "Rumble", c’est retour à la surf qui envoie du bois avec disto et tout le toutim. Link Wray appréciera. On retrouve aussi cette étincelle qui a allumé jadis le feu sacré des reprises surf chez les Cramps. Puissant !
"Surfprovisaci’on" se pense comme son nom l’indique comme une variation sur un thème surf connu. On pense aussi a ce qu’on a entendu récemment chez les Taikonauts du coté de Toulouse.
"Oddball" nous emmène enfin dans un surf énervé où les guitares, bien que respectant les figures imposées de la surf music, n’hésitent pas à se distordre et on obtient un gros rock presque garage mâtiné de surf et on frôle le grandiose.
Puis, comme dans tout bon album, on retrouve quelques titres inclassables qui en font sa richesse. Construit autour d’un riff qui tourne en boucle, "Desesperaci’on" rappelle par certains côtés le travail des Liminanas et plus particulièrement leur récent album en collaboration avec Pascal Comelade sorti sur le label Because.
"The Dog Soldiers" est un morceau plutôt cool où la guitare installe une ambiance pesante et langoureuse. Le vibrato utilisé à outrance y donne une impression d’errance minimaliste. On rejoint certaines prochaines de Ben Vaughn notamment son dernier album chez Kizmiaz, The Desert Trailer Sessions.
Comme pour conjurer le sort de l'instrumental, "High Drifter" clôture l’album avec quelques vocalises à tendance blues posées sur une surf toujours aussi explosive.
Ce Come Hell Or High Water nous livre donc une douzaine d’histoire sans paroles. Ici, ce n’est pas la voix qui fait le morceau, c’est le riff qui cause à la place. Pour l’amour du riff, Tony Guerrero Y El Diablitos vous saluent bien !!!