"I’m fairly local, I’ve been around"
Twenty One Pilots, c'est l’ascension en moins de trois ans d'un groupe hors du commun. L'album vient de passer sa première semaine dans les charts et il est déjà numéro 1 du Billboard avec 146 000 copies vendues. Si ce chiffre était un indicateur de qualité, cela se saurait depuis très longtemps. Mais avec Tyler Joseph et Josh Dun, c'est différent. Préparez-vous à une expérience musicale qui ne vous laissera pas de marbre.
Formé en 2009, le combo a produit deux albums en auto-production avant de signer en 2012 chez Fueled by Ramen (en autre, labels de Paramore, Fall Out Boy ou encore Panic! at the Disco) . En 2013 sort Vessel qui regroupe des morceaux déjà connus par les fans puisque présents sur le second effort du groupe, Regional At Best. Cet album est la consécration notamment grâce au single "Car Radio" et surtout il permet au groupe d'élargir sa fanbase aux USA mais aussi en Europe.
Décrire la musique de Twenty One Pilots n'est pas chose facile. Et pourtant avec deux membres, une batterie et synthé, cela pourrait faciliter la tâche, que nenni. Pour faire simple, disons que nous sommes face à de l'indie pop avec un chant à la limite du rap par moment et un énorme travail sur des ambiances diamétralement opposées d'une chanson à l'autre. Sur Blurryface, on passe du reggae à une mélodie au ukulélé avant de se faire attraper par un son vaguement dubstep. Je lis déjà la moue sur votre visage, ne vous fiez pas à ces quelques mots pour vous fixer une idée.
"Heavydirtysoul" ouvre l'album de façon abrupte avec le débit de parole de Tyler Joseph (chant, synthés, ukulélé) qui rappe son texte avec ardeur et puissance. Et à l'image du reste de l'album, cette chanson possède plusieurs facettes que ce soit sur le chant mais aussi musicalement. Josh Dun (batterie) impose le rythme avec son jeu si particulier mais si intéressant alternant les parties rapides et techniques avec une facilité déconcertante. "Stressed Out" est une des nombreuses chansons dévoilées avant la sortie officiel de l'album, c'est aussi un morceau typique de Twenty One Pilots dans la construction comme dans la mélodie.
Ecouter Twenty One Pilots sans jeter un œil sur les paroles est un sacrilège, la plume de Tyler Joseph étant parmi les meilleures du moment. Blurryface est un album à propos des doutes et de l'insécurité ressentis par le chanteur comme sur "Stressed Out" en rapport avec la vie (“I was told when I get older all my fears would shrink / But now I’m insecure and I care what people think”) ou la musique (“I wish I found some chords in an order that is new / I wish I didn’t have to rhyme every time I sang”). Et même quand il chante à propos de sa femme sur "Tear In My Heart", l'insécurité et la peur ne le quittent pas (“My heart is my armor / She's the tear in my heart / She's a carver / She's a butcher with a smile / Cut me farther than I've ever been”). Tout au long de l'album, Tyler Joseph alterne entre les deux facettes de sa personnalité tel le Dr Jekyll face à Mr Hyde, son démon est proche et arrive à prendre le dessus. On peut considérer cet album comme son exutoire, mais aussi comme l'exutoire de chacun face à ses propres peurs.
Rassurez-vous, Blurryface n'est pas qu'une collection de chansons poignantes. Twenty One Pilots sait aussi écrire des chansons plus légères dans la musique mais tout aussi intéressantes sur le plan des paroles. "Ride" est le parfait exemple, il est en effet quasi impossible de se retenir de danser sur ce morceau à l'instar de "We Don't Believe What's On TV!", des morceaux destinés au live intense du duo.
Qu'il chante, crie ou rappe Tyler Joseph tient l'auditeur au creux de sa main. Capable de jongler entre les trois au sein d'un même morceau, le chanteur électrise à lui tout seul Blurryface. Sa performance sur "Message Man", par exemple, est impressionnante de maîtrise. Et il vous suffira d'aller sur YouTube pour vous rendre compte à quel point le jeune homme est encore plus fou sur scène, encore plus épris de la musique qu'il crée avec son compère Josh Dun.
Je parlais plus haut de l'étiquette de Twenty One Pilots et des ambiances qui accompagnent la musique. Elles sont ici plus nombreuses et diversifiées qu'auparavant, cela pourra décontenancer l'auditeur habitué aux précédents efforts du groupe mais au final ne pourra que le ravir. L'ambiance reggae de "Ride", celle proche du dubstep de "Message Man", l'approche façon marching-band de "Not Today" et bien plus encore font que Blurryface est d'une richesse incroyable et cela va bien au-delà du mélange indie pop/hip-hop.
De nos jours, il est quasi inconcevable que le meilleur morceau soit le dernier sur la tracklist. Et pourtant c'est le cas ici avec "Goner". Intro au piano puis la voix tremblotante de Tyler Joseph qui expose encore sa timidité et sa peur à l'auditeur. Tout doucement, il est rejoint par la batterie de Josh Dun avant de crier du plus profond de ses poumons et nous offrir un final émouvant. Peu de groupes sont capables d'écrire des chansons aussi poignantes que celle-ci.
Comme vous avez pu le constater, cet album revêt une importance particulière alors qu'il vient tout juste de sortir. Être en tête des ventes en proposant de la qualité est rare, Twenty One Pilots a pourtant réussit. Blurryface n'a pas de défauts à proprement parler. Aucun album ne sera jamais parfait mais celui-ci s'en approche parce qu'il propose une maturité folle, une créativité débordante et une véritable histoire capable d'être vécue par chacun d'une manière différente pour que chaque écoute soit une découverte. Twenty One Pilots vient de frapper fort, très fort et vous n'avez pas fini d'entendre parler d'eux.