La soirée de ce vendredi 19 juin était annoncée comme électrique, et il faisait encore une bonne trentaine de degrés à 20 heures passés au Théâtre SortieOuest, à deux pas de Béziers. Organisée par les équipes réunies du Festival Fabrique et d'Univart, la Nuit Electrique est marquée par le Rock’n’Roll, celui-là même qui anime les organisateurs pour faire bouger Béziers depuis quelques années. Au programme, les Fabulous Sheep, groupe local punk-rock, les Tourangeaux de Volage et les petits alsaciens qui montent, Last Train. Tout ce beau monde de la nouvelle scène rock suivi par un set grime trap bass montpelliérain du Perfect Hand Crew pour achever la nuit.
Le Domaine de Bayssan, au milieu des vignes, se remplit doucement de la jeunesse locale. Tout le monde traine en buvant des verres dans la pelouse entourant le chapiteau qui accueille les concerts.
A 21 heures pétantes, la salle s’éteint, la scène se met à fumer et les premières notes giclent en force. L’équipe technique a concocté une atmosphère contrastée en rouge et vert, avec peu de lumière sur les musiciens, qui se dessinent en contre-jour. Il s’agit du quintet de fous furieux des Fabulous Sheep, parfait groupe de concert qui tourne en force partout dans les parages.
Tim, le chanteur, annonce qu’il n’y a pas de temps à perdre ‘’ain’t got time to waste’’ dans un morceau introduit en force par le synthé de Gabriel rejoint par la basse de Charles et la batterie du toujours torse-nu Jack avant que Tim ne retienne la chanson par sa voix toute susurrante. Pas de temps à perdre pour ce groupe de jeunes dont on ressent toute la fougue. Leur jeu est viril, agité, idéal pour se jeter dans le bain de cette soirée.
Pour le morceau « Lose Control », Piero, le guitariste soliste, exhorte l’auditoire à montrer aux autres groupes qu’il y a le feu ce soir à Béziers. Le public, acquis à sa cause et en masse sur devant de la fosse, répond à l’invite en pogotant sévère durant toute la chanson (et les suivantes quand il le faut… jamais en reste les biterrois). C’est environ 200 jeunes qui font la fête ce soir dans la fosse, et le public des gradins en prend aussi plein la poire.
L’avant-dernier titre joué est une ‘’petite valse’’ à la guitare électrique saturée et grinçante, d’où découle une explosion de la basse très lourde, puis le clavier vient compléter un ensemble de type cabaret burlesque. Le public est conquis, l’ambiance est bien électrique.
On finit sur un duo diabolique sur fond rouge et de fumée, le public crie. Un dernier gros solo de batterie précède un dernier couplet fougueux. Le public n’en finit plus de pogoter dans ce qui aura été une heure complète de chauffage de salle comme il se devait.
L’entracte arrive à point pour savourer une bière locale dans le bar de SortieOuest où Gauthier tente en électro acoustique quelques reprises comme la version de ‘’Personal Jesus’’ de Johnny Cash ou encore ‘’While My Guitar Gently Weeps’’ du Fab Four, le temps du changement de plateau sur la scène principale.
Arrive le temps de découvrir Volage. Quatre musiciens sur scène pour une lente ouverture par un solo de beatle basse, avec des petites notes accros de guitare, pour nous imprégner de la mélodie grave tandis que le public tarde à revenir près de la scène. Batterie, basse et deux guitares pour une franche connotation de mélodies beatlesques à la sauce tantôt grunge tantôt psyché avec de beaux éclairs de guitare hypnotique.
L’ensemble est comme hors du temps, ou caler entre les 60’s et les 90’s. Le cul entre deux époques, jusqu’à leurs dégaines nirvanesque pour un rockabilly grunge. Le public semble surpris et beaucoup moins réceptif qu’au concert précédent.
Des morceaux surprenants pouvant s’ouvrir sur quelques notes de flamenco. Des harmonies tout en douceur, amenant vers des ponts plus hard où les cordes se contentent de balancer quelques notes sur un solo de batterie. Le public est sensible dès que ça monte en puissance, le revoilà en masse devant la scène.
Certaines chansons particulières troublent le public par leurs structures, elles ralentissent, semblent finir, puis reprennent… comme ce morceau bien rythmé qui s’en va vers quelque chose de plus sombre, sur une batterie quasi ethnique, la lead guitare déroule un solo étrange de plus en plus lent, le rythme se relâche et les lumières ‘’stroboscopent’’ à fond. Le public parait perdu avec ce titre psyché-pop.
Et dans l’ensemble, la mayonnaise n’a guère pris pour ce concert où le public n’a pas été saisi par l’étrangeté des rythmes et des styles combinés par les 4 mecs dans le vent de Volage. Un public un peu trop jeunes peut-être. Pour ma part, j’ai bien apprécié le mélange psyché-pop-grunge particulier.
Et le public repart se désaltérer en écoutant le duo proposé au bar par Gauthier et Flora sur des compos en cours de compos dirons-nous… le temps que les Last Train branchent leurs instruments et checkent leurs lignes. Il est 23 heures 20, la soirée file bien, le guitariste solo m’a déjà l’air bien fatigué avant que le concert ne débute. J’attends de voir, de me prendre la claque annoncée, comment se débrouillent les p’tits mecs en slims et blouson de cuir noir venus de Mulhouse.
D’entrée, on sent le groupe bien coaché, ne serait-ce que par leurs dégaines et allures recherchées, dès l’intro du concert et jusqu’à la fin, j’aurai cette sensation d’avoir devant moi un vrai groupe pro jusque dans les attitudes et la scénographie. Parlons-en d’ailleurs de l’intro dans le noir. Le quatuor entre en scène sur "The Grand Duel", de Luis Bacalov, thème principal du western spaghetti éponyme puis popularisé par Tarantino dans son Kill Bill.
Un morceau grave débute le concert, le chanteur Jean-Noël à la voix rauque vibre et sautille, comme habité jusqu’à ce qu’arrive ‘’Cold Fever’’ issu de leur premier EP. Le public commence à danser sur ce titre prévu pour bouger son boule.
On enchaîne avec un morceau rock plus dark et roulant sur lequel Jean-Noël descend dans la fosse pour jouer au milieu d’un public assez féminin dans les premiers rangs.
L’attraction entre le public et le groupe atteint son point culminant sur ‘’Fire’’ lorsque Julien, qui s'est mis à gratter à genoux pour charmer les donzelles du premier rang, se fait prendre à son propre jeu par une groupie audacieuse qui l’attrape par le cou pour lui rouler un bon gros patin… Rock’n’roll m’sieurs dames.
Après cela, Julien s’échappe pour attaquer aux cymbalettes un morceau débutant plus doucement. Jean-Noël a un secret à nous dire ‘’ ‘cause [he] can’t keep it for [him]’’ et la batterie se remet à cogner dur dans une lourde moiteur.
Les morceaux s’enchainent sans accrocs, le groupe, qui va se produire dans une vingtaine de festivals cet été, est visiblement bien rodé.
Les cordes se réunissent autour de leur batteur qui vient de quitter sa chemise et qui tape comme un sourd jusqu’à en faire ‘’exploser‘’ le timbre de sa caisse claire. Après cette puissante intro, le groupe se remet en place pour un blues lent. En fermant les yeux, on croit à la sincérité de ce blues âpre, mais je dis bien en fermant les yeux car au moment de les rouvrir je me fais ‘’flinguer’’ par Julien, poseur, qui prend sa guitare pour un fusil sous l’épaule et vise le public.
La batterie tape de plus en plus fort. Le morceau se termine dans une éjaculation de guitares. Les cris du public en redemandent. C’est fini. Les membres du groupe nous saluent puis se tapent la bise avant de partir en coulisse.
Comme le shnock que je suis, il était 0 heure 30 quand j’ai oublié que la soirée n’était pas finie… Je suis parti avant le dernier Set. Mais j'avais bien eu ma dose Rock’n’roll, baby !
Yann Landry
Crédits photos : La Tête de l'Artiste